FAIT DU JOUR Violences conjugales : Nîmes, première de cordée
En attendant son jugement fixé à la fin de ce mois de mai, Marcel (*), 46 ans, a été placé sous contrôle judiciaire avec placement probatoire. Une mesure présentencielle, qui dans le respect du principe de la présomption d’innocence, constitue une alternative à la détention provisoire dans un contexte de violences conjugales.
Le Grenelle qui s'est tenu en France fin 2019 a donné une impulsion à la lutte contre les violences conjugales. Depuis plusieurs mois maintenant les acteurs institutionnels et associatifs multiplient les actions et développent sans cesse de nouveaux outils pour aider et protéger les victimes.
L’expérimentation du contrôle judiciaire avec placement probatoire est l'un des derniers dispositifs à avoir été mis en place, initiée par le garde des Sceaux dans les tribunaux judiciaires et Services pénitentiaires d’insertion de probation (SPIP) de Nîmes et de Colmar et pilotée par Isabelle Rome, haut fonctionnaire à l’Égalité femmes-hommes.
Un hébergement accompagné d'une prise en charge sociale et psychologique
À Nîmes, le groupe SOS Solidarités est le troisième partenaire qui permet la mise en œuvre de ce dispositif nommé La Cordée (**), dont l'objectif est d'accompagner les hommes violents placés sous autorité judiciaire. "Il s'agit de soustraire, sur décision judiciaire, l'homme de son logement. Soit à l’issue d’une garde à vue dans l’attente du jugement, soit dans le cadre d’un aménagement de peine et en tenant compte de la gravité de l'acte commis", explique Nicolas Spiegel, directeur des établissements du groupe SOS Gard. Les personnes sont accueillies en appartement, l'association en loue une vingtaine sur Nîmes pour un total de 30 places.
Marcel, 46 ans, auteur présumé de violences conjugales, a posé ses valises dans l'un de ces logements le 11 janvier 2021, après avoir signé un contrat d'engagement. Son hébergement est accompagné d'une prise en charge sociale et psychologique dans un cadre contraint avec des obligations à respecter. "Nous travaillons sur l'introspection, le rapport à l'autre, le rapport à soi. Lors des groupes de paroles, d'entretiens avec le psychologue, avec le travailleur social, des ateliers, nous tentons de les emmener à un questionnement d'eux-mêmes, de leurs actes, du lien humain", ajoute Nicolas Spiegel. Et cela passe aussi par une formation au secourisme dispensée à chaque personne aidée, "pour qu'elles comprennent que nous avons besoin du soutien des uns et des autres et qu'ils sont en mesure de porter assistance à quelqu'un."
Un travail nécessaire, difficile voire impossible en prison, qui porte ses fruits, Camille Maridet, chef de service de La Cordée, l'assure : "Depuis le lancement du dispositif, 13 personnes ont été orientées par le parquet vers nos services. Huit sont actuellement suivies. Parmi celles qui en sont sorties, l'une d'elles nous a expliqué qu'elle souhaitait continuer le suivi thérapeutique, une autre a déclaré que ce dispositif lui avait sauvé la vie. Nous les aidons à retrouver confiance en eux, à reconnaître les signaux d'alerte, à exister autrement qu'à travers l'acte qu'ils ont commis, à prendre conscience qu'il y a d'autres modes de communication que la violence et ainsi d'éviter la récidive."
"Une seconde chance"
Au sortir de sa garde à vue, lorsque le parquet a signifié son placement sous contrôle judiciaire avec placement probatoire, Marcel a été surpris et soulagé de ne pas devoir passer par la case prison en attendant son jugement. "Ça m'aurait anéanti, confie-t-il sans pour autant minimiser les faits qui lui sont reprochés. Là, j'ai été accueilli par une équipe formidable. Avec certains des autres hommes aidés, nous nous soutenons aussi. Il y a des moments difficiles, mais aujourd'hui je me sens bien."
Le travail de prise de conscience se poursuit pour Marcel mais déjà il l'affirme : "Je ne veux plus que ça se reproduise. Je peux faire en sorte que ça n'arrive plus. La Cordée a été une seconde chance pour moi. Et quoi qu'il arrive après mon jugement, si l'équipe m'y autorise, je continuerai à travailler avec La Cordée pour aider les nouveaux arrivants, partager avec eux mon expérience."
Stéphanie Marin
* Le prénom a été modifié.
** En alpinisme, la cordée permet de sécuriser l'ascension afin d'éviter la chute.