FAIT DU SOIR À Vallérargues, l’accès de la « ferme aux autruches » débouche sur une polémique
Depuis quelques semaines, le petit village de Vallérargues, 150 habitants pile entre Alès et Bagnols, est le théâtre d'une polémique dont l’ampleur a carrément poussé le maire à déposer une plainte cette semaine.
À l’origine, il y a un accès. Celui de la ferme Coudert, bien connue dans le village et au-delà, puisqu’il s’agit de la « ferme aux autruches », qu’on voit en bord de D6. Les clients des Coudert rentrent par un accès situé tout à côté du rond-point croisant la D6 et la D979, en direction d’Uzès. Seulement voilà, « le Conseil départemental dit que cet accès est dangereux », indique Bernard Coudert, le patriarche.
Le problème n’est pas nouveau : le permis de construire du bâtiment agricole avec point de vente de produits fermiers date de 2012. Or, dans ce permis, il est précisé que l’entrée de la parcelle comprenant le bâtiment est plus haut, à 300 mètres du rond-point sur la D979. Un accès que les Coudert jugent dangereux : « Il y a eu trois accidents graves en haut en quatre mois », assure Bernard Coudert.
« On a fait grincer des dents »
Alors depuis trois ans, les Coudert ont décidé de faire passer leurs clients par l’accès du bas. Sauf que celui-là, c’est le Département qui le juge dangereux. Finalement, le maire de la commune, Dominique Ekel, responsable pénalement, a déposé plainte en mai dernier. Le jugement est tombé début juillet : « On a perdu, reconnaît Jocelyn Coudert, le fils. Je suis condamné à remettre en état la parcelle sous astreinte de 100 euros par jour à partir du 19 août. » En clair : condamner l’accès illicite sous peine de payer 100 euros par jour d’amende. Et donc faire rentrer les clients par le haut.
Inenvisageable pour lui. « Ce qu’on aimerait, c’est que le Conseil départemental créé un nouvel accès n’importe où, même si je paie », affirme Jocelyn Coudert, qui envisage par exemple de déboucher directement sur le rond-point, et qui a priori ne pose pas de difficulté insurmontable. Mais pour les Coudert, cette affaire est un prétexte pour leur chercher des poux dans la tête. « Il y a eu une histoire politique il y a trente ans, je m’étais présenté aux cantonales, glisse Bernard Coudert. Et il y a eu des histoires de village. » Jocelyn Coudert s’est présenté aux élections municipales et n’a pas été élu.
Le fermier affirme avoir eu des difficultés à obtenir le permis de construire son bâtiment agricole, et avoir vu des permis pour d’autres hangars refusés. « Ce sont des histoires de clocher » affirme le fils, « je suis de Sernhac, je me suis marié avec une fille du village, je suis resté un étranger, au fur et à mesure qu’on avançait, on a fait grincer des dents », ajoute le père.
« Ils ont emmerdé copieusement l’ancien maire, maintenant moi »
Le maire Dominique Ekel n’est pas du tout de cet avis. Pour lui, c’est très simple : « Le problème, c’est que les Coudert ne supportent aucune autorité, ils disent : 'On est chez nous, on fait ce qu’on veut'. » S’il a déposé plainte, c’est « pour faire respecter le permis de construire », et ainsi se couvrir en cas d’accident. « On ne veut surtout pas faire fermer le magasin, si une autorité dit que la sortie actuelle est OK, moi ça me va », reprend-t-il.
L’argument de la dangerosité de l’entrée du haut est balayé par le maire : « S’ils sont spécialistes de la dangerosité des routes, il faut qu’ils changent de métier », grince-t-il. Des deux côtés, on devine une certaine amertume. Et de celui de la mairie, on dément persécuter les Coudert. « Nous sommes au Règlement national de l’urbanisme, ce qui veut dire que lorsqu’un permis de construire est déposé, la mairie émet un avis et envoie le dossier aux services de l’État qui l’instruisent, et c’est toujours l’avis de la préfecture qui l’emporte », développe l’élu pour démontrer que, si refus il y a, il ne vient pas de lui. Et de toute façon, « des refus il n’y en a pas eu beaucoup, sauf pour ses hangars surdimensionnés à Pétaouchnok », ajoute Dominique Ekel, qui affirme avoir « bataillé » à l’époque pour que l’État valide le permis de construire, avec la condition que l’accès se fasse par le haut prescrite par le Département.
« D’ailleurs, j’ai fait un courrier au Département et à l’Unité territoriale de Bagnols pour leur dire de se bouger, car la prescription vient d’eux et c’est moi qui me retrouve attaqué », souffle le maire. Un maire qui aimerait bien ne plus entendre parler des Coudert : « Quand c’est le cas, je suis le plus heureux des hommes. » Car la mairie accuse les fermiers de laisser divaguer ses taureaux et cochons notamment sur la route ou encore d’avoir brûlé des plastiques « pendant des années ». « Ils ont emmerdé copieusement l’ancien maire, maintenant moi, il leur faut toujours un bouc émissaire », rajoute-t-il, regrettant d’avoir été « trop laxiste » par le passé.
« La Police de l’eau est venue sur dénonciation »
Bref, dans ce paisible petit village, l’ambiance est électrique. Et un contrôle récent de la Police de l’eau à la ferme Coudert en a encore rajouté. « J’ai mis un post sur Facebook, et le lendemain la Police de l’eau est venue sur dénonciation alors qu’il n’y avait rien », rejoue Jocelyn Coudert. « Ils sont persuadés que ça vient de nous, mais je peux vous jurer que non », affirme le maire. Et tout ça a pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux, Dominique Ekel finissant par être la cible d’insultes dans des commentaires du post Facebook de la ferme, l’amenant à déposer plainte mardi. « J’ai une vie, ma femme était en pleurs la dernière fois », souffle-t-il.
Tout ça alors que « le problème est déjà résolu avec l’accès du haut, mais il est malheureux de devoir en arriver au tribunal », regrette le premier adjoint Mathieu Dujaud, qui se présente comme « un voisin de la ferme. » En attendant, les Coudert vont bien devoir fermer l’accès litigieux, ne souhaitant pas payer l’astreinte.
Le pire dans tout ça, c’est que les rapports entre le maire et les Coudert n’ont pas toujours été si orageux, loin de là. « On l’a eu comme stagiaire, on lui a même donné vingt chèvres », affirme Bernard Coudert. « J’ai appris le boulot chez eux, confirme Dominique Ekel. Par contre, il ne m’ont pas donné les chèvres. »
Thierry ALLARD