FAIT DU SOIR Au festival Terralha, un vent nouveau souffle sur la céramique
Terralha, le festival européen de la céramique, se tient jusqu’à ce dimanche soir à Saint-Quentin-la-Poterie. L’occasion, loin des clichés, de découvrir une discipline souvent méconnue, sur laquelle des jeunes artistes font souffler un vent de renouveau.
À 35 ans, la Serbe Iva Brkić a déjà exposé dans des lieux prestigieux, en Europe et même en Chine. Pour sa première venue en France, elle vient à Terralha avec ses créations colorées, inspirées d’Alice au pays des merveilles. « J’ai vu passer ce concours accidentellement sur Instagram, c’était le dernier jour pour poser ma candidature », raconte-t-elle dans un sourire. Bien lui en a pris : ce sont ses créations qui ont été choisies pour l’affiche de l’événement. « J’en suis très fière », commente-t-elle.
Si elle a choisi la porcelaine, c’est qu’Iva Brkić aime « le rendu des couleurs sur la matière, le blanc de la porcelaine leur donne un effet d’aquarelle qui met en valeur le mouvement spontané », explique-t-elle en anglais. Elle voit ses créations, autant des sculptures que des objets fonctionnels, comme « un groupe d’amis, chaque pièce à son propre caractère, j’essaie de les faire communiquer entre elles. » La céramiste ne cherche pas la symétrie, au contraire. « J’aime jouer avec l’équilibre, la gravité, que les gens se demandent si ça va tomber, c’est une façon de communiquer avec eux. »
L’artiste propose aussi des sculptures de coeurs réalisées avec la technique du papier porcelaine, sublimées avec une touche d’or pour « souligner les failles, j’aime dire que je mets de l’or sur toutes mes erreurs. » Un travail minutieux et très technique, les trois cuissons successives, et surtout la première à 1 250°C, ne pardonnant pas le moindre écart. « Mais pour moi c’est un jeu, je me sens libre en le faisant », note la céramiste lauréate de nombreux prix prestigieux qui apprécie à Terralha « le côté plus interactif, dynamique », par rapport aux salons internationaux.
De la même génération qu’Iva Brkić, Aster Cassel, 30 ans, installée dans le Tarn, propose des créations oniriques décorés au pinceau, avec des touches d’or et de platine. Son imagination s’exprime sans limite dans ses oeuvres. « J’essaie de sortir de la forme traditionnelle pour faire évoluer le dessin », affirme-t-elle. Du reste, ses oeuvres, exposées à la maison de l’Upcycling du Tiers-lieu Le 21, sont accompagnées pour la première fois de ses croquis, dont la résonance avec les oeuvres finalisées est évidente.
Autant de créatures hors du commun, aux yeux multiples, aux mécanismes compliqués réalisées avec une finesse extrême, projetant le spectateur dans un monde imaginaire, celui de l’artiste lauréate notamment du Prix de la jeune création des métiers d’art en 2021.
On marche quelques minutes dans les ruelles de Saint-Quentin-la-Poterie en passant devant le four à pain en terre crue en train d’être construit par l’association Bâtir Vivant pour découvrir un autre univers, celui d’Enzo Bosse, 25 ans. Ce jeune artiste céramiste drômois présente pour la première fois à Saint-Quentin ses oeuvres brutes. Sa démarche est « en lien avec les paysages, par plusieurs biais, comme les matériaux que je récolte dans mon environnement proche, l’argile, les roches pour faire l’émail et la pierre, que j’associe après », présente-t-il.
Ses oeuvres peuvent faire penser à des coraux. « C’est un minéral vivant », affirme-t-il, tant pour parler des coraux que de la céramique. « Je considère la pierre comme de la céramique, elle est issue d’un processus géologique, comme nous avec nos fours », ajoute-t-il.
Enfin, Terralha est aussi l’occasion de passer par les galeries de la commune comme Terra Viva. La galerie propose jusqu’au 27 juillet une exposition, « Le Feu et la glace », d’oeuvres de Benoît Pouplard, Mette Maya Gregersen et Zachary Alberts. Les trois artistes céramistes proposent des oeuvres aux univers voisins, évoquant tantôt la mer et les algues, tantôt la banquise grâce au mélange entre porcelaine et céladon, donnant une teinte bleutée à des oeuvres loin, très loin du service à thé de grand-mère.
Vingt artistes céramistes sont à découvrir jusqu’à ce dimanche soir 20 heures, et de nombreuses animations sont également au programme. Plus d’informations ici.
Thierry ALLARD