FAIT DU SOIR Céline Pierredon, au guichet de la gare de Bagnols depuis 2016, raconte son quotidien
Il y a cinquante ans, la ligne de train de la rive droite du Rhône fermait. Seul le fret y circulait encore. Mais le dimanche 28 août 2022, elle a repris et des flots entiers de voyageurs sont descendus en gare de Bagnols-sur-Cèze dans une ambiance festive. L'émotion était vive du côté des usagers, des associations militantes, des syndicats, des élus ou encore de la SNCF, qui ont tous oeuvré à cette réouverture. Le bouleversement était aussi grand pour Céline Pierredon.
Beaucoup la connaissent comme la "guichetière" de la gare de Bagnols-sur-Cèze. Une gare qu'elle connaît par coeur puisqu'il y a passé près de la moitié de sa carrière. Soit douze ans. Bien avant que le train s'arrête de nouveau en gare, Céline Pierredon était déjà là. Assise derrière son bureau, recevant les habitants, assis aussi, qui préfèrent préparer leur futur voyage en train en sa compagnie que face à un ordinateur. Cette disposition à l'ancienne invitent à se poser, "comme dans une agence de voyage", glisse Céline. Elle poursuit : "Aujourd'hui, je m'occupe toujours de cette clientèle, fidélisée au fil des ans, habituée à prendre son temps mais aussi des usagers qui prennent le départ du jour en gare de Bagnols, qui sont plus pressés. C'est à moi de gérer le flux."
Bientôt, elle aura un guichet tout neuf, où elle recevra debout "comme dans une vraie gare", tandis que l'endroit où elle est actuellement se transformera en salle d'attente. Pour l'instant, il suffit de pousser la porte pour trouver "la guichetière", prévenue de chaque entrée par le tintement du carillon, accroché à la poignée. Aujourd'hui, Céline Pierredon a 45 ans et occupe le poste d'agent commerciale à la SNCF. Cette native d'Alès a toujours baigné dans "cette grande famille" du transport ferroviaire puisque son père y a travaillé en tant que cadre. Elle rentre dans le groupe ainsi et débute sa carrière à Lyon Perrache où elle restera cinq ans. Elle travaille au sein d'une équipe de 150 personnes et exerce comme télévendeuse.
"Je gère ma gare comme on gère un commerce"
Elle fera ensuite le grand écart en étant mutée dans le Gard. Elle tiendra pendant un an le bureau de vente de Remoulins (qui n'existe plus maintenant, ndlr), puis passe en poste à la gare de Bagnols-sur-Cèze en 2007, avec une autre collègue. Sur place, elles renseignent les voyageurs, leur vendent des billets, planifient les prochains trajets souvent au départ de la gare d'Avignon... Céline Pierredon s'accomplit vraiment dans son métier : "L'aspect commercial m'a toujours plu. Souvent, on part d'une situation négative où les clients trouvent que ça ne va pas assez vite, que c'est trop cher, mais on arrive quasiment à chaque fois à trouver un compromis. Il faut faire preuve de beaucoup d'écoute, de psychologie. Et quand les personnes ressortent avec le sourire, c'est une vraie satisfaction."
Nous sommes alors quinze années avant la réouverture de la ligne TER rive droite du Rhône. Aucun train de voyageurs ne s'arrête dans la capitale du Gard rhodanien. Pour autant, les journées sont bien remplies et les personnes se rendent au guichet : "On se trouve dans un bassin de vie où les gens sont attachés au service. Ils sont attachés à venir en gare, à avoir un échange, à avoir ce petit moment qu'ils n'ont pas ailleurs." En 2013, Céline Pierredon repart sur Nîmes, puis revient à Bagnols-sur-Cèze en 2016. Seule cette fois. Elle y est toujours aujourd'hui, six ans plus tard. La solitude ne lui pèse pas : "Ça me va bien, je gère ma gare comme on gère un commerce. Ce n'est pas toujours évident en cas de souci. Comme la semaine dernière où le distributeur ne marchait pas. Mes équipes sont quand même là pour m'aider."
Une "culture du train" à recréer
Pendant des mois, elle a vu se dérouler le plus gros des travaux en vu de la réouverture de la ligne TER. Les quais ont été rehaussés. Depuis Céline Pierredon entend beaucoup moins le son strident et métallique des trains de marchandise qui continuent de circuler. Désormais, elle perçoit l'effervescence au moment des départs, le roulement des valises et voient certains usagers embarquer leur vélo à bord. "On voit beaucoup de curieux qui viennent essayer le train, beaucoup de jeunes et de travailleurs qui naviguent entre Bagnols et Avignon", a-t-elle remarqué. Elle a hâte que le pôle d'échange multimodal soit terminé et que les travaux aux abords de la gare soit achevés pour "qu'il y ait une vraie vie de quartier".
Le jour de l'inauguration de la ligne, Céline était là. Fière de participer à "cette nouvelle aventure" et de relever ce nouveau challenge : "Le Gard rhodanien a été tellement enfermé. C'est une véritable bouffée d'oxygène. (...) Il n'y a pas la culture du train ici. Beaucoup de gens n'ont jamais connu cette gare ouverte. Encore maintenant, des personnes me demandent s'ils peuvent juste aller sur le quai, pour voir car ils n'y sont jamais allés." Pour contribuer à recréer cette culture, l'agent commerciale se rend tous les mardis après-midi à l'office de tourisme de Pont-Saint-Esprit pour renseigner les voyageurs là-bas, où il n'y a pas de point de vente. Elle se rend aussi dans les établissements scolaires pour faire de la prévention. Deux mois après sa mise en service de la ligne, quelque 12 878 billets ont été vendus.
Marie Meunier