FAIT DU SOIR Fouré Lagadec, un siècle d’histoire industrielle et des projets pour le prochain
Née il y a cent ans au Havre, l’entreprise Fouré Lagadec, basée notamment sur la zone de l’Ardoise près de Bagnols, illustre à elle seule un pan de l’histoire industrielle de notre pays.
Car l’histoire de Fouré Lagadec, qui célébrait son centenaire ce vendredi soir à Villeneuve-lès-Avignon, c’est celle de la diversification. L’histoire d’une entreprise du secteur naval fondée en 1922 au Havre par Francis Fouré et Jean Lagadec, ville où elle compte encore aujourd’hui 25 000 mètres carrés de hangars sur le port, d’abord prospère, jusqu’à la guerre. « Après 1945 on a construit beaucoup moins de bateaux que ce qu’on en avait détruits », retrace Christophe Perroud, directeur industrie pour la région sud chez Fouré Lagadec.
Alors l’entreprise se diversifie dans la maintenance industrielle, la chimie et la pétrochimie, toujours en Normandie. Il faudra attendre trente ans, et la fin des années 1970, pour que l’entreprise sorte de son pré-carré pour investir le sud, et plus précisément l’étang de Berre. Lyon suivra en 1987 autour de la chimie fine. Et l’entreprise, aussi spécialisée dans la tuyauterie, la chaudronnerie et la mécanique, arrivera à l’Ardoise en 2009 à la faveur d’un contrat de maintenance pour Areva Marcoule.
« À la base nous imaginions nous installer à Orsan, mais nous avons eu vent que l’entreprise DEM était à vendre, or ses métiers étaient complémentaires aux nôtres », rejoue Christophe Perroud. DEM est donc rachetée, mais les premières années sont moroses. Jusqu’à 2014, lorsque Fouré Lagadec recrute Thierry Vézinet, toujours à la tête du site aujourd’hui. « Quand Thierry Vézinet est arrivé l’agence pesait 2 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 19 salariés, aujourd’hui c’est 11 millions d’euros et 120 salariés », souligne le directeur industrie pour la région sud.
Fouré Lagadec mise sur le nucléaire
Entretemps, Fouré Lagadec a été rachetée par le groupe SNEF. Et ce n’est pas le site de l’Ardoise, spécialisé dans la maintenance, la chaudronnerie, la tuyauterie et l’électromécanique principalement dans le nucléaire, qui va s’en plaindre : la volonté du groupe est de multiplier par deux le chiffre d’affaires relatif à l’atome. « Et même par trois en trois ans », ajoute Thierry Vézinet, avec un objectif à 50 millions d’euros.
« Pour y arriver il nous faut gagner des marchés et faire de la croissance externe », poursuit-il. Fouré Lagadec mise beaucoup sur la croissance externe, qui consiste à racheter des entreprises existantes. La dernière en date est l’entreprise d’usinage Vochelet, à Bagnols, dirigée par Tony Vochelet, et d’autres doivent suivre. L’entreprise s’agrandit également physiquement : « Nous avons signé vendredi dernier l’achat d’un bâtiment de 4 000 mètres carrés à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) qui sera notre centre névralgique du nucléaire pour le sud de la France, c’est-à-dire tout ce qui est au sud de Lyon », développe Thierry Vézinet. Le patron de l’activité nucléaire et industrielle dans le sud l’affirme : « Les perspectives sont très bonnes. »
Reste que pour respecter sa feuille de route, l'entreprise va devoir recruter, et pas qu’un peu. « Ce n’est pas évident de trouver du personnel », souffle Thierry Vézinet. Mais il ne se laisse pas abattre : avec d’autres, il travaille à développer le Centre de formation des apprentis de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) de l’Ardoise, pour le faire passer de 60 à 250 alternants d’ici deux ans, et contribue au GEIQ, le Groupement des employeurs pour l’insertion et la qualification de Bagnols, qui forme des personnes éloignées de l’emploi. Enfin, ce lundi soir, il signera en tant que président de l’association Port d’Ardoise un partenariat avec Gard entreprises et les corps d’armées visant à aider à reclasser les soldats quittant l’armée, « une source potentielle de recrutement », commente-t-il.
« Il nous faut être astucieux, sortir de nos clivages », souligne Thierry Vézinet, agacé de voir un véritable mercato dans son secteur, les différentes entreprises se piquant les talents, « ce qui ne créé pas de la richesse, puisque ce sont les mêmes salariés. » Il faut donc rendre l'industrie plus attractive pour trouver les bras nécessaires à l’exploitation et la maintenance des installations nucléaires.
C’est une mutation importante, pour un secteur qui en a connu beaucoup. « Dans l’industrie, tout a changé au cours des dix dernières années, et parfois ce qu’on a su faire en cent ans, il faut le faire en un ou deux ans », avance-t-il. Pas plus inquiet que ça cependant : « Les entreprises ont toujours su s’adapter, relève Thierry Vézinet. La preuve, Fouré Lagadec est depuis cent ans dans le monde industriel. »
Thierry ALLARD