FAIT DU SOIR La Compagnie de la Côte du Rhône gardoise, 40 ans au service d’« un certain art de vivre à la française »
La Compagnie de la Côte du Rhône gardoise, une des plus importantes confréries bachiques du territoire, fêtait ce samedi ses quarante ans à Pujaut. Quatre décennies de militantisme épicurien.
En quarante ans, plus précisément quarante-deux, la Compagnie n’a connu que deux présidents : son fondateur, l’ancien chef d’agence de Midi Libre Bagnols Jacques Bonnaud, resté à sa tête pendant 24 ans, et Géry Delbecque, qui occupe toujours la fonction aujourd’hui. L’histoire démarre officiellement le 10 juin 1980 lors du chapitre de création de la Compagnie au domaine Sainte-Anne, à Saint-Gervais, avec 79 membres fondateurs.
Une initiative de Jacques Bonnaud, rabelaisien devant l’éternel, pas vigneron mais passionné de vin, accompagné de vignerons et de passionnés comme lui. « Ils s'étaient rendus compte que chaque vigneron travaillait de son côté, n’allait pas voir ce qui se faisait ailleurs, or nous étions à une époque où on cherchait à améliorer la qualité des vins et à donner du renom aux Côtes du Rhône gardoises », retrace Géry Delbecque.
C’est un des premiers objectifs de la Compagnie : la promotion interne. « Les vignerons sont allés déguster les vins du voisin, et se sont remis en question, ce qui a permis d'améliorer la qualité », résume le président. Depuis, les vins de la Côte du Rhône gardoise ont fait du chemin, et acquis leurs lettres de noblesse. Donc « cette promotion interne n’a plus lieu d’être, mais défendre la cause du vin devient de plus en plus important », estime Géry Delbecque.
« Ce n'est pas le plaisir de l’alcool qu’on recherche »
Avec leurs tenues évoquant le bleu du ciel méditerranéen et l’or du soleil qui baigne les vignes, la soixantaine de compagnons ne manquent jamais de rappeler que le vin est « d’abord une mémoire civilisationnelle depuis plus de 2000 ans », souligne le président. Et ce alors que « le vin est toujours attaqué en tant qu’alcool, alors que l’alcoolisme d’aujourd’hui, ce n’est plus le vin. » Pour les compagnons, le vin ne se boit pas, il se déguste. « On ne prône pas la beuverie, les bacchanales, c’est terminé, martèle Géry Delbecque. En dégustant un vin de qualité, il y a tellement d’arômes qu’avec un quart de verre, on prend un plaisir considérable, ce n'est pas le plaisir de l’alcool qu’on recherche. »
Peut-on considérer la Compagnie de la Côte du Rhône gardoise comme une force de lobbying ? « On est obligés d'en faire, il y a un tel lobby anti alcool et anti vin en face », admet le président. La Compagnie se veut proche des élus, et va bientôt se rendre au Sénat avec les trois sénateurs gardois pour y faire la promotion des vins. « Il y aura aussi d’autres produits gardois », précise Robert Themines, compagnon, soucieux d’inclure les vins dans la grande famille de la gastronomie gardoise. Par le truchement des vins de la Côte du Rhône gardoise, la Compagnie souhaite défendre « un certain art de vivre à la française », résume Géry Delbecque.
Un président qui a impulsé des chapitres dédiés aux jeunes, pour les introniser en tant que compagnons d’honneur, mais aussi des événements dédiés aux élus, dans l’idée de faire connaître le monde viticole. Aujourd’hui, la Compagnie compte 2 600 compagnons d’honneur, dont quelques personnalités comme François Hollande, Carole Bouquet ou encore les défunts Georges Frêche, Fernand Sastre ou encore Louis Nicollin.
Malgré les remous, et une importante crise viticole il y a vingt ans dans les Côtes du Rhône, la Compagnie a toujours poursuivi ses actions. Son fondateur et premier président Jacques Bonnaud est décédé en mars dernier, sans avoir pu célébrer les quarante ans de la Compagnie, reportés deux fois pour cause de crise sanitaire. Un fondateur qui a toujours tenu à ouvrir la Compagnie non pas aux seuls vignerons mais aussi aux œnophiles, « une richesse », selon Géry Delbecque. Surtout avec le vin, « qui permet, rajoute le président, à sa manière, le rapprochement entre les hommes. »
Thierry ALLARD