FAIT DU SOIR Peintre, photographe, graveur : Jacques Clauzel, la quête perpétuelle du sens
Issu d'une vieille famille gallarguoise et cousin du peintre Claude Viallat, Jacques Clauzel a épousé une carrière d'artiste atypique. À 79 ans, il sort un livre de photographie mêlant paysages africains de la fin des années 1960 et clichés plus récents révélant la beauté d'objets à priori sans importance. Portrait.
Jacques Clauzel est venu à l'art par la peinture. "Je crois que c'est ce que j'ai toujours voulu faire, explique-t-il. Dans la famille Clauzel, tout le monde était médecin ou viticulteur. J'étais le premier peintre."
Après ses études secondaires, c'est en toute logique que Jacques Clauzel rejoint l'école des Beaux-Arts de Tourcoing, où il a grandi, puis de Montpellier et de Paris, à son retour de service militaire en Algérie. "Je faisais de la peinture contemporaine et je commençais à être présent dans quelques galeries. Ça fonctionnait pas mal, se rappelle-t-il. On m'a proposé un poste de professeur aux Beaux-Arts à Abidjan. J'ai continué à peindre pendant deux ans, avant de m'arrêter."
Réapprendre à peindre
"L'ambiance africaine ne s'y prêtait pas, justifie-il. Là-bas, j'ai découvert l'art de rue et me suis acheté mon premier reflex. Je me suis mis dans l'idée de faire un reportage photo et je me suis pris au jeu." Au fil de ses voyages au Mali, Burkina Faso, Niger, Togo, Bénin, Ghana et Sénégal, Jacques Clauzel livre son regard l'Afrique noire de la fin des années 1960 et du début des années 1970. "L'œil du peintre et celui du photographe se rejoignent, estime l'artiste. Je m'intéressais notamment beaucoup aux marchés, qui sont des lieux de vie extraordinaires."
De retour en France pour enseigner la photographie aux Beaux-Arts de Montpellier, Jacques Clauzel revient à ses premiers amours. "J'ai voulu reprendre la peinture, mais je ne me sentais pas de faire de l'art contemporain. Dans un premier temps, j'ai voulu repartir des bases, et j'ai reproduit des natures mortes, comme si je réapprenais à peindre, détaille-t-il. Cela n'a pas forcément été compris autour de moi, mais cela correspondait à ce que je ressentais à ce moment-là."
"Je ne veux pas faire joli, je veux parler à l'esprit"
"Je n'ai jamais voulu que l'on trouve mon travail beau, poursuit-il. À une époque, on me disait souvent : "tes tableaux ont de jolies couleurs". Depuis, je travaille principalement en noir et blanc, avec du papier kraft, et du matériel et des peintures utilisés dans le bâtiment." Fruits de ce choix, ses œuvres, jamais titrées, sont finalement plus des objets de méditation que de décoration. Et suscitent bien plus souvent l'émotion que l'admiration.
"Je déteste ce qui se donne, résume Jacques Clauzel. Je ne veux pas faire joli, je veux parler à l'esprit." Cette quête de sens est sans doute le fil rouge d'une carrière d'artiste au cours de laquelle il s'est aussi essayé à la gravure, dès les années 1980.
Démocratiser l'art abstrait
Ses œuvres, Jacques Clauzel préfère d'ailleurs les offrir que les vendre. "L'art ne doit pas être réservé à une poignée de riches collectionneurs, j'estime qu'il doit être ouvert à tous, prône celui qui a notamment fait don de 820 de ses gravures au musée du dessin et de l'estampe originale de Gravelines. Les œuvres abstraites comme celles que je produis sont souvent réservées aux intellectuels. Moi j'estime au contraire qu'elles peuvent toucher tout le monde."
Et pour faire profiter à tous de ses talents, Jacques Clauzel a récemment offert les maquettes des futurs vitraux du temple de Gallargues-le-Montueux, qui doivent être prochainement rénovés. "Ma famille vit dans le village depuis des générations, trois de mes ancêtres en ont même été maire, souligne-t-il. J'ai souhaité offrir mon humble participation à la vie communale."
Un nouveau don qui n'est qu'une infime partie d'une œuvre déjà colossale, que Jacques Clauzel enrichit aujourd'hui encore. "Au travers de mes dernières photos, je cherche à attirer l'attention sur ces objets du quotidien que personne ne regarde, détaille-t-il. Je veux montrer que ce qui paraît pauvre au premier regard peut-être riche en réalité."
À ce titre, sa série de clichés révélant la beauté de fruits en décomposition est remarquable. Ces photos actuelles, mélangées à celles de ses voyages en Afrique ont été compilées dans son dernier ouvrage Photographie de peintre, De l'ombre la lumière. Un titre énigmatique cachant une méditation sur le temps pouvant donner lieu à de multiples réflexions et à interprétations. Comme un résumé de sa carrière d'artiste.
Boris Boutet
En attendant sa distribution en librairie, Photographie de peintre, De l'ombre la lumière, aux Editions ÀTravers, est commandable au 7 rue Jean Bérard, à Gallargues le Montueux. Tél : 0466354790.