FOURNÈS Plusieurs centaines de personnes manifestent pour dire « Amazon, ni ici, ni ailleurs »
Une grande manifestation était organisée ce samedi sur le site de la Pale, à Fournès, qui doit prochainement accueillir un centre de tri de colis du géant du e-commerce Amazon. Plusieurs centaines de personnes, un millier d’après les organisateurs, sont venues sous la pluie dire non à ce projet.
Ce samedi, Fournès représentait en quelque sorte l’épicentre d’une journée nationale contre l’implantation de nouveaux entrepôts d’Amazon, avec des rassemblements et des actions dans plusieurs villes de France, à l’appel de nombreuses associations dont Attac ou les Amis de la Terre. Ici, les manifestants ont symboliquement planté des arbres sur le terrain, et ont ensuite réalisé une chaîne humaine censée représenter l’emprise au sol du futur entrepôt d’environ 30 000 mètres carrés.
« Ce projet est un cas d’école de ce qu’on ne voudrait plus voir du tout en France au 21e siècle, des aménagements démesurés, et là où il y a la démesure, il y a le risque, ici c’est un délire. C’est aberrant », lancera au micro Patrick Fertil de l’association ADERE, basée à Fournès, qui lutte contre le projet depuis deux ans. Un projet dont l’association dénonce le l’absence de concertation et même « la plus grande opacité, il faut en finir avec cette manière de faire. » Du reste, le projet de Fournès est mené par l’entreprise Argan, et le fait que le destinataire final des lieux soit Amazon n’a jamais été officialisé par le géant du e-commerce, même s’il n’y a plus aucun doute sur ce fait.
Globalement, le discours des opposants à ce projet comporte deux grands thèmes : un volet environnemental et un volet plus large d’opposition au modèle d’Amazon. Pour le premier, Didier Riesen de l’association uzégeoise Prima Vera rappellera que le Pont du Gard, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, était tout proche : « Imagine-t-on un instant un entrepôt Amazon dans la baie du Mont Saint-Michel ? », fera-t-il mine de demander avant d’affirmer que « la première chose que verront les millions de visiteurs du Pont du Gard sera un entrepôt Amazon. »
« Amazon nous envoie dans le mur climatique, estimera ensuite Alma Dufour, de l’association les Amis de la Terre. Avec ses différents projets, Amazon va importer plus de 2 milliards de produits chaque année en France, ce produits contribuent à jusqu’à 10 % des émissions du pays. » Sans compter le fait que, « ici ce sera jusqu’à 1000 poids-lourds par jour sur la zone, ce qui rendra la vie des habitants impossible », ajoutera-t-elle.
« On sera prêt à revenir si les travaux commencent »
Certes, mais le projet doit créer, selon Argan, 200 emplois. « On nous accuse d’être contre les emplois, nous sommes pour, mais pas n’importe quels emplois, pas à n’importe quel prix, répond François Lataste d’ADERE. Ce que nous voulons ce sont des emplois qui respectent notre qualité de vie. »
Les opposants accusent également Amazon de détruire plus d’emploi qu’il n’en créé : « avec les Amis de la Terre nous avons financé une étude sur l’impact du e-commerce sur l’emploi, par des économistes de l’OCDE, avance la députée européenne la France Insoumise Leila Chaibi, présente à Fournès. Il ressort qu’un emploi créé par Amazon détruit six emplois dans les petites entreprises. » Du reste, il y a un peu plus d’un an l’ex-secrétaire d’État au numérique et député La République en Marche Mounir Mahjoubi accusait Amazon d’avoir détruit 7 900 emplois dans le commerce physique en 2018, rappelle-t-on sur place.
Le président de la Confédération des commerçants de France Francis Palombi, lui aussi présent ce matin, qualifiera Amazon de « prédateur. » « Vous n’êtes ni des procureurs, ni des Amish, mais des citoyens responsables », lancera-t-il à la foule, avant de s’en prendre à l’État et aux autorités locales, coupables selon lui de « complicité » avec le géant du e-commerce. « Il faut de la fermeté, que les collectivités disent non à ces projets », estime sur ce plan la conseillère régionale de la France insoumise Myriam Martin, venue soutenir la manifestation.
Quant à l’argument des impôts que ce projet rapporterait aux collectivités locales, « au niveau national Amazon est un spécialiste de l’évasion fiscale, rétorque Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac France. Et il y a la fraude à la TVA, 98 % des vendeurs des plateformes ne sont pas immatriculés correctement et ne paient pas l’impôts, cela représente 4 à 5 milliards d’euros par an dont 1 milliard pour Amazon. Cela créé une concurrence déloyale. »
Sur le site de Fournès, ADERE verrait plutôt qu’un entrepôt « une régie agricole intercommunale » pour les cantines scolaires des communes du secteur, envisagée comme « une vitrine pour la porte d’entrée de notre territoire », estime François Lataste. Pour l’heure, le terrain est une friche, mais Raphaël Pradeau prévient : « On sera prêt à revenir si les travaux commencent. »
Thierry ALLARD