LE 7H50 de Philippe Pellaton, président d’Inter Rhône : « Les vins français sont otages d’un conflit qui nous dépasse »
Depuis un an, la « taxe Trump » frappe, entre autres, les vins français et a déjà fait du mal aux vignerons de notre pays. Entrée en vigueur ce mardi, cette taxe vient d’être élargie.
Et si cette majoration de 25 % des droits de douane a été décidée dans le bureau ovale de la Maison Blanche en représailles d’aides européennes apportées à Airbus dans sa guerre concurrentielle avec l’avionneur américain Boeing, elle a des conséquences très concrètes chez nous. Le président de l’interprofession des Côtes du Rhône Inter Rhône, le Laudunois Philippe Pellaton, fait le point.
Objectif Gard : La « taxe Trump » deuxième mouture vient de rentrer en vigueur ce mardi. Quel est l’impact pour les Côtes du Rhône ?
Philippe Pellaton : Ça va faire un an qu’on subit cette taxe, mais elle n’était ciblée que sur quelques vins. Là elle est élargie à d’autres catégories, comme les vins en vrac ou les bag in box, et les vins au-dessus de 14 degrés. Or les vins des Côtes du Rhône peuvent se retrouver facilement au-dessus des 14 degrés. Donc pour nous, c’est 100 % des vins qui sont désormais touchés. L’impact de cette taxe a été direct. Sur 2020 c’est moins 17 % en volume et moins 23 % en valeur sur le marché des États-Unis, qui était devenu le premier marché des Côtes du Rhône avec 20 millions de bouteilles. Ce marché avait doublé le Royaume-Uni en 2019 et il repasse en deuxième position en 2020.
Et avec l’élargissement de la taxe, ces chiffres vont empirer...
Nous sommes otages d’un conflit qui nous dépasse. Nous sommes démunis et nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés. L’impact de cette taxe va s’accélérer avec un problème de valeur faciale et une distorsion de concurrence qui va donner un coup de pouce aux vins américains, australiens, chiliens et italiens, qui ne sont pas touchés. Aujourd’hui, l’impact sur 2020 de cette taxe a été chiffré à 300 millions d’euros sur les vins français, et c’était avant l’extension de la taxe. La filière demande à l’État français de compenser en aides directes ou à la promotion, mais nous n’avons pas de réponse.
Est-ce que cette nouvelle donne remet en cause votre stratégie commerciale aux États-Unis ?
Ça ne la remet pas en cause, mais ça oblige à des arbitrages. Les États-Unis restent un marché important pour nous en valeur. Nous allons maintenir des investissements promotionnels là-bas mais le double effet de la « taxe Trump » et du covid limite grandement l’impact commercial avec, par exemple, l’annulation des salons. Donc nous avons revu légèrement à la baisse la voilure, en lien avec l’absence des salons, mais il nous appartiendra d’y retourner dès qu’on le pourra.
Cette taxe vient donc s’ajouter à la crise du covid…
Effectivement, l’impact du covid est fort et ce double effet aux États-Unis est compliqué. Les ventes y ont baissé dès la fin 2019 avec l’annonce de la taxe, avant le covid, mais nous avons vu des arrêts complets d’importation car les importateurs étaient dans un moment de flottement. Et le covid n’a pas arrangé les choses.
En plein Brexit, votre premier marché d’exportation redevient donc le Royaume-Uni...
Oui mais le Royaume-Uni a progressé cette dernière année car il y a eu des anticipations du Brexit et là le fait de savoir que le deal commercial a été accepté sans droits de douanes supplémentaires fait que ça se passe pas trop mal. Pour le Brexit, ça aurait pu être pire. Nous aurons toutefois une surcharge administrative à gérer avec les formalités douanières. Ce sera assez lourd, au moins dans un premier temps.
Espérez-vous que Joe Biden revienne sur cette taxe ? Y croyez-vous ?
C’est un vœu pieux. Bien sûr ce serait une bonne nouvelle mais je pense que Biden a bien d’autres sujets à gérer et il a les intérêts américains à défendre. Il faut que la diplomatie fasse son travail mais il n’y a pas de lueur d’espoir à court terme.
Propos recueillis par Thierry Allard