NÎMES EN FERIA Cyril Fabre lauréat du 15e Prix Hemingway
Après une exception l'an dernier, la remise du Prix Hemingway, créé il y a 15 ans par l'association Les Avocats du diable pour récompenser une nouvelle tauromachique, est revenu à l'Hôtel Imperator, rebaptisé depuis Maison Albar Hôtels Imperator pour cause de changement de propriétaire.
Changement de décor mais la symbolique du lieu est forte et demeure. Deuxième étage, soleil, et bord de piscine. Nombreux sont les Nîmois et ceux qui ont fait le voyage pour assister à l'événement. Le prix est aujourd'hui ancré dans la culture nîmoise et a fait sa place dans le monde des lettres. Cette année, les montées en puissance du nombre et de la qualité des nouvelles en lice était impressionnante. 267 nouvelles envoyées dont 144 en langue espagnole. Des concurrents de talents, dont deux vainqueurs du prix avaient participé et l'un d'eux, Gil Galliot, écrivain et metteur en scène, s'est même retrouvé en finale et a dû être écarté lorsque l'anonymat sur les textes a été levé.
Des histoires, fantastiques, tragiques, engagées, drôles ou émouvantes
Après une courte intervention de Jacques-Olivier Liby, président des Avocats du diable, Marion Mazauric, directrice de la maison d'édition "Le Diable Vauvert" à l'origine de la création du Prix avec Simon Casas, entre autre, a pris la parole. À charge pour elle de dire un mot des finalistes. "Il y a eu beaucoup d'histoires avec des femmes et des filles, ce qui est rare. Des histoires engagées où l'on a retrouvé des anti-corridas, des migrants, de la science fiction, du fantastique", évoque Marion Mazauric. De l'émotion aussi avec la nouvelle d'isabelle Cousteil qui raconte l'histoire d'un rejoneador (torero à cheval), non voyant dont le cheval est les yeux… Et bien sûr des histoires plus tragiques et plus classiques … Une édition riche, imaginative et visionnaire.
De ce bouillonnement a émergé, une pépite, Mecha de Plata (mèche d'argent), la nouvelle de Cyril Fabre dont c'était là la première participation.
La nouvelle
C'est Philippe Beranger, comédien et lecteur assidu des Avocats du diable qui a lu la nouvelle lauréate devant un public nombreux et attentif. C'est vrai, Philippe Béranger pourrait transporter un auditoire en lisant l'annuaire des PTT, s'il existait encore. Alors s'il est servi par un texte du niveau de celui-là, c'est un moment exceptionnel.
Mecha de Plata raconte l'histoire d'un torero très courageux qui aime trop les femmes. Alors, un jour il se retrouve criblé de balles dans les toilettes d'un bordel à la Junquera. Ce qui l'attend après c'est la douce sensation de l'herbe, le parfum des fleurs… Le torero s'est réincarné en toro de première catégorie. Comprenons ceux qui affrontent les toreros dans les grandes arènes (un Domecq pour les connaisseurs). Tout bien réfléchi, il est plutôt content de cette réincarnation et entend bien, une fois encore, avoir l'occasion de montrer sa bravoure dans les arènes… De l'autre côté cette fois. Une rencontre avec un chat un peu philosophe le fera peut-être changer d'avis… Nous ne vous en dirons pas plus, ce serait dommage.
Vous pourrez bientôt retrouver la nouvelle lauréate en ligne sur le site des Avocats du diable et toutes les nouvelles finalistes dans le recueil à paraître pour la Feria des Vendanges.
Entre Bukowski et Hemingway
Cyril Fabre, Toulousain de 49 ans, s'est retrouvé a Nîmes il y a quelques années par hasard alors qu'il y suivait sa compagne. Ému pendant la remise du Prix, au moment de l'interview, il n'a pas encore réalisé. Mais très vite, avec un phrasé nerveux, il se raconte non sans avoir demandé. "On est là pour parler de moi, c'est ça ?"
Alors, il explique qu'il écrit de la science fiction depuis des années sans grand succès d'édition, a fait de la boxe, "sans grand succès non plus", confie-t-il. Il avoue emprunter à Bukowski, son mentor, faire partie d'un groupe d'écriture , le Crépuscule des nazes, et aimer la chanson française. De sa vie professionnelle, il répète "je m'adapte aux situations, comme je chante pour des prunes et que j'écris pour rien… " Les petits boulots qu'il fait parce qu'il faut bien manger ne comptent pas.
Recevoir le prix Hemingway, outre la très belle statue de Stéphane Lopez qu'il remettra au prochain lauréat dans un an, c'est remporter 4 000 euros et un Calejon permanent (place debout à hauteur de la piste derrière les barrières) offerts par Simon casas, et une résidence d'artiste à la Laune. Quand on lui demande ce qu'il pense que ce prix va lui apporter, le lauréat rigole et répond : "Je vais m'acheter une autre chemise. Celle-là est trouée mais j'ai voulu la porter parce que Hemingway en avait des comme ça". Lorsqu'on lui parle du calejon, il demande "c'est quoi, un calejon ?"
Notre écrivain taurin n'a jamais assisté à une corrida. Mais il en a saisi l'essence en lisant Mort dans l'après-midi d'Ernest Hemingway et avoue tenir de la boxe une admiration pour "la martialité et le courage physique" .
"Je suis amateur de violence quand elle est exprimée avec élégance", conclut-il empruntant encore à Hemingway. Cette nouvelle nous donne l'envie d'en lire plus. Suerte donc à ce nouveau venu dans le monde de la littérature.
Véronique Palomar Camplan