SAUVE Pour continuer d'exister, la MFR Porte des Cévennes espère un agrément précaire
Parents, élèves, enseignants et élus ont manifesté devant ce qui ne sera bientôt plus une Maison familiale rurale, suite au retrait de la délégation d'un baccalauréat professionnel. Les 150 élèves qui restent doivent envisager leur avenir ailleurs, sauf le conseil d'administration réussit dans sa recherche de solutions pérennes.
Les oreilles d'Olivier Bérard ont dû siffler. Président de la MFR Gallargues, c'est lui qui avait délégué le bac professionnel services aux personnes et aux territoires (Sapat) à la Maison familiale rurale Porte des Cévennes, à Sauve. Parce que ce mercredi matin, devant ce qui ne sera bientôt plus la MFR Portes des Cévennes, il y en avait beaucoup pour lui et son vice-président, Patrick Hernandez, ancien président de la MFR de Sauve. Ce sont eux qui ont finalement dénoncé la délégation, notamment parce que la présidence n'était pas assurée par un parent alors même que c'est un groupe de 70 parents qui a élu le président actuel, l'ancien artisan Michel Chiarelli (relire ici et *).
"La MFR, c'est fini"
"La MFR, c'est fini. On ne parle plus de la MFR." Michel Chiarelli est amer mais souhaite désormais passer à autre chose. "On veut obtenir un agrément précaire auprès de la DRAF (direction régionale de l'agriculture et de la forêt) qui nous reconnaisse organisme de formation. On a des pré-inscriptions, dix-sept gamins qui attendent de savoir s'ils peuvent entrer en seconde." Des pré-inscriptions négociées lors de la médiation de la sous-préfète du Vigan à la première annonce de fermeture, en décembre 2021 (relire ici), et acceptées par la MFR de Petite Camargue, celle-ci même qui retire la délégation, source de 50% des revenus de la MFR Porte des Cévennes.
"C'était sous réserve que la MFR respecte ses obligations vis-à-vis de la fédération", explique Olivier Bérard, président de la MFR Gallargues et des MFR territoriales. Chose qui n'aurait pas été faite à ses yeux, car "depuis le 22 octobre, l'association a toujours été en opposition". De quoi justifier son exclusion par l'Union nationale des MFR, quand Michel Chiarelli oppose, entre autres, sa proposition de démission lors du conseil d'administration du 30 mars, en présence d'une quarantaine de parents et des représentants des MFR territoriale, régionale et nationale. Une démission rejetée à l'unanimité par les parents...
Les "manquements graves de la gouvernance associative aux valeurs du mouvement MFR" que dénonçait la MFR Gallargues ont donc eu raison du bac professionnel. "Avec l'agrément précaire pour un an, on pourrait faire le bac professionnel et de l'apprentissage, riposte Michel Chiarelli. On travaillerait avec des partenaires, comme le Mas Cavaillac, l'Ifad (information, formation, animation, développement) de Ganges ou l'IFME de Nîmes (institut de formation aux métiers éducatifs)." Président des deux premières entités, Jean-Luc Sauvaire confirme. "Je travaille avec eux depuis la création de la MFR à Saint-Hippolyte-du-Fort. J'ai un grand nombre d'apprentis qui vient d'ici et a toujours été ravi du travail effectué. C'est une hérésie de fermer une telle structure alors qu'elle s'engage avec des enfants qui sont sur des parcours difficiles. C'est une guerre d'ego qui met à mal cet outil. Il faut le garder sur le territoire."
Un collectif de parents en cours de construction
En face, les parents s'organisent à leur tour. Émilie Martin est à la tête d'un collectif en cours de construction. "Il faut sauver tous les enfants en gardant la certification Qualiopi qui permet de continuer les formations. Certains enfants ont choisi cette MFR et elle leur a sauvé la vie." Une mère d'élève qui conserve un souvenir violent de sa rencontre du 19 avril avec le conseil d'administration de la fédération, qu'elle a vécu avec d'autres. "On a été maltraités, jusqu'à nous demander si on avait le bac pour nous faire passer pour des gens qui n'avaient pas le niveau de compréhension."
"Le réseau ne veut plus de nous, soit. Nous continuons sans eux, a dit au micro le président de la structure. Je rappelle à tous les élus : nous avons besoin de vous pour nous aider à obtenir l'agrément précaire." Le maire de Vic-le-Fesq et son premier adjoint étaient venus ceints de leur écharpe tricolore, ainsi qu'un représentant de la municipalité de Saint-Hippolyte-du-Fort. Maire de Sauve après avoir été député, Olivier Gaillard est monté à la tribune faire part de sa propre expérience sur le sujet. "J'ai œuvré, de 2018 à 2020, pour que cette MFR puisse avoir son indépendance. Il y avait même un accord de principe du ministère de l'Agriculture." Et puis, l'engagement s'est étiolé avec la démission du député.
Au milieu de ces prises de parole, ce sont les témoignages des élèves qui ont ému l'assistance. Comme Zoé, élève de seconde : "Avant de connaître cet endroit, ma seule envie était de tout abandonner, stopper le système scolaire, et donc me condamner à un avenir sans but. Ma santé mentale diminuait, ma confiance en moi et envers les autres était au plus bas, et à certains moments, je voulais mourir. Tout ça à cause d'un simple système scolaire. Un système non adapté à ma différence : je suis neuroatypique." Angela, 15 ans, écrit, elle, que "cette histoire n'est qu'une histoire de gamins comme disent les parents". Avec l'abandon de l'agrément MFR, le site de Fonsanges pourrait prendre le nom de CFA Cévennes Formation.
François Desmeures
francois.desmeures@objectifgard.com
* Au passage, et contrairement à ce qu'Olivier Bérard prétendait également dans nos colonnes, les statuts de la MLFR du 22 octobre 2021, approuvées par l'Union nationale des maisons familiales rurales, ne contraignent absolument pas la MFR a élire un parent comme président. C'est le conseil d'administration qui doit être "composé, au moins pour moitié, par des pères et mères de famille ou représentants légaux ayant ou ayant eu à une époque remontant à moins de 3 ans, un ou des enfants dans la MFR".