SPÉCIAL FÊTES L'année vue par... Éric Teyssier, historien et professeur
Comme chaque année, Objectif Gard demande aux personnalités du territoire de faire le bilan de l'année passée et de se projeter sur la nouvelle. Avant de clôturer cette série spéciale fêtes en fin de semaine, place ce jeudi à Éric Teyssier, universitaire et historien français qui écrivait le scénario des Grands jeux romains et qui oeuvre au quotidien pour la reconnaissance historique de Nîmes.
Objectif Gard : Quel a été votre meilleur souvenir de 2021 ?
Éric Teyssier : Sur le plan personnel, familial, c'est l'arrivée de mon premier petit-fils, Antoine. C'était un grand moment, très important. Sur le plan de mes activités, je pense que c'était le 5 mai 2021 et la célébration du bicentenaire de la mort de Napoléon que j'ai eu la chance de pouvoir célébrer aux Invalides avec une toute petite fraction des milliers de reconstituteurs qui auraient voulu être là. Nous étions environ 70 autour du tombeau de Napoléon. Je me sentais un peu comme un représentant de tous ces reconstituteurs. C'était particulier, j'ai ressenti quelque chose, je m'en souviendrai.
Et le pire ?
C'est forcément lié à la covid... Mais les pires souvenirs ont été les deux annulations successives des Grands jeux romains dans les arènes de Nîmes. Ces annulations venaient après deux autres de l'année précédente. Deux années de travail perdu. On avait la volonté de revenir, de reprendre en octobre. J'ai le sentiment qu'on aurait pu le faire malgré le contexte, mais cela ne s'est pas fait à cause d'un autre contexte, plus politique. C'était une grande frustration, nous avons espéré jusqu'au bout. Ce fut la grande désillusion de 2021 mais cette année tout ira bien, je l'espère.
Qui a été, selon vous, la personnalité de l’année ?
C'est Napoléon ! Il a accompagné toute cette année 2021, ça a aussi été l'occasion de polémiques injustifiées mais révélatrices de notre époque. Il y a une nouvelle religion qui impose ce qu'il faut dire ou ne pas dire, qui met des anathèmes partout, qui fait des anachronismes qui servent des polémiques faciles. C'est intéressant car ça a permis, je pense, aux historiens d'avoir le dernier mot. Napoléon en reste le grand vainqueur. Il est plus moderne que jamais et les politiques qui se succèdent ne sont pas à la hauteur, les derniers jours ne font que confirmer cela. Les Français veulent connaître leur histoire, il y a quelques anticorps ! Il existe une volonté de connaître l'histoire mais aussi d'en être à la hauteur.
Qui sera celle de 2022 ?
Je ne suis pas voyant et bien malin est celui qui pourra le dire... Je pourrai vous dire ça l'année prochaine. Je vais vous dire une chose que je dis à mes étudiants. Il n'y a qu'une seule leçon de l'histoire : tout est possible. On peut prévoir mais on se trompe souvent, même le plus improbable peut arriver. En ce moment, plus que jamais ! Avant on pouvait entrevoir un horizon de cinq ans, aujourd'hui, même pas six mois. Et encore... Plus qu'une personnalité, en 2022, c'est le retour des spectacles dans les arènes avec au mois de mai Hadrien et la guerre des Pictes et au mois d'août avec Nîmes la cité des dieux qui va attirer mon attention en 2022. J'écris et je mets en scène ces deux spectacles avec Yann Guerrero. J'espère que cela sera le symbole d'un retour à la vie normale si on nous y autorise.
Année électorale oblige : votre pronostic pour la Présidentielle ?
Franchement et ça renvoie à la question précédente, pour cette Présidentielle je pense qu'absolument rien n'est fait. Le pronostic que je peux émettre c'est que peut-être que nous vivons la fin du clivage Droite/Gauche. Il y aura un avant et un après. C'est la seule évidence au-delà de la candidate ou du candidat qui va sortir vainqueur du chapeau. Cette fin marquera la naissance d'un autre clivage qui s'ouvre entre mondialisme et souverainisme. Continue-t-on dans un système pour lequel on voit toute les limites ? L'alternative n'est ni à Droite ni à Gauche. Redonnera-t-on du pouvoir aux États et aux peuples ? Le mondialisme est une nouvelle féodalité. La féodalité existait à l'échelle d'un pays comme la France par le passé, mais aujourd'hui, les Gafam imposent leur point de vue à des États qui sont de plus en plus inexistants par rapport à cela. Les peuples ne peuvent pas être représentés par les Gafam. C'est un problème d'époque. Nous ne pouvons plus avoir un débat raisonnable, sans anathèmes ou excommunication. L'historien que je suis n'aime pas cela ! C'est un piège et les enjeux sont effrayants.
Propos recueillis par Anthony Maurin