Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 11.08.2022 - boris-de-la-cruz - 3 min  - vu 5612 fois

UN ÉTÉ DANS LE GARD La longue traque du corbeau de Lucas Tronche

Me Laurence Aguilar. Photo Boris de la Cruz / Objectif Gard

La disparition de Lucas Tronche, 15 ans, à Bagnols-sur-Cèze en mars 2015, a déclenché un dispositif de recherches hors norme sur tout le territoire français.

La tête de l'adolescent était affichée sur les camions, sur des panneaux en 4/3m, au bord des routes, dans le métro parisien... Mais alors que les enquêteurs de police essayaient de retrouver sa trace dans des investigations complexes, un étrange corbeau a envoyé des lettres à la famille et a totalement pollué l'enquête durant de long mois.

Dès octobre 2015 et jusqu'en juillet 2016 date de son interpellation, il a envoyé onze lettres, toutes postées de la Drôme où le corbeau vit et travaille. Ce salarié dans un supermarché près de Valence a joué avec les nerfs d'une famille dévastée. Un homme de 58 ans, au moment de son interpellation, décrit comme solitaire, terré dans sa caverne drômoise, et difficile d'identifier pour les enquêteurs à sa recherche qui ont déployé des moyens considérables pour lui mettre la main dessus.

"Vous êtes de la race de ceux qui en d’autres temps auraient écrit des lettres anonymes pour envoyer des personnes dans les chambres à gaz. Vous êtes un cafard", avait dénoncé à la barre de l'audience correctionnelle de Nîmes qui jugeait le corbeau, maître Isabelle Mimran, pour la famille de Lucas. "On est dans le domaine du plaisir et de la jouissance. Vous vous faites plaisir en envoyant les lettres aux parents de Lucas, des parents qui ont espéré à travers les mots ignobles écris par votre main. Les parents de Lucas ils ne vivent plus, c’est l’agonie, c’est l’angoisse pour eux, car ils ne savent pas si leur fils est squelettique au fond d’un trou, s’il est séquestré, s’il a faim, s’il a froid, s’il appelle au secours. Vos lettres, elles font plus mal que des violences physiques », avait estimé la pénaliste nîmoise.

Un prévenu inconnu de la justice jusqu’à cette affaire, qui était poursuivi pour "violence avec préméditation ou guet-apens sans incapacité". Et heureusement que les parents de l’adolescent disparu n’étaient pas à l’audience pour voir et écouter cet étrange personnage qui manie le silence et l'intrigue encore devant les magistrats du tribunal correctionnel de Nîmes…  "Afin d’éviter la violence réitérée de vos propos, de vos silences, lorsque l’on vous pose la question à la barre de savoir si vous connaissiez Lucas ou pas", avait requis la vice procureur en demandant 2 ans de prison à l’encontre de cet employé.

« Je regrette, maintenant c’est trop tard. Mais j’ai écrit ces lettres car j’ai la conviction, c’est mon imagination qui m’enveloppe pour Lucas. J’ai envoyé les lettres pour rassurer les parents du Lucas. On parlait dans la presse, les médias, on évoquait toujours le suicide, l’enlèvement, la séquestration, des choses négatives. Moi, je voulais rassurer les parents" , répond le plus naturellement du monde, cet homme impénétrable à la barre du tribunal. 

''Il a une conception mentale atypique. Son imaginaire est son quotidien… Un imaginaire qui a pris le dessus sur la réalité" , souligne son conseil Maître Laurence Aguilar.

Le tribunal correctionnel de Nîmes a estimé que le prévenu était coupable et l'a condamné à 2 ans de prison dont une année ferme. Le tribunal a assorti la peine d’une mise à l’épreuve de 2 ans. Le corbeau drômois n'a plus jamais fait parler de lui, tandis que les ossements de Lucas Tronche ont été découverts plus tard durant l'été 2021, au pied d'une falaise à quelques centaines de mètres de chez lui.

Boris De la Cruz

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