UZÈS Mas Careiron : l’unité spécialisée dans les troubles autistiques veut plus de reconnaissance
« Ce matin encore, une collègue a pris un gros coup de poing », souffle Tony(*), moniteur éducateur à l’unité Mélanie-Klein du centre hospitalier du Mas Careiron, à Uzès.
Une situation exceptionnelle dans la plupart des services hospitaliers, mais pas à Mélanie-Klein. Car cette unité accueille « des patients essentiellement atteints de troubles du spectre autistique accompagnés de grosses difficultés, de gros troubles du comportement, avec des conduites auto-agressives et hétéro-agressives », explique Chloë(*), qui travaille au sein de l’unité. Concrètement, ces patients se montrent violents contre eux-mêmes, mais aussi envers les soignants de l’unité.
« Ces passages à l’acte sont quotidiens », reprend Chloë. Lors de leurs crises très souvent imprévisibles, les patients, âgés de 15 à 50 ans, « nous griffent, nous attrapent, nous tirent les cheveux, nous touchent avec du sang, de la salive ou encore des matières fécales », poursuit-elle. Sa collègue Ibtissen(*) affirme avoir été victime de morsures jusqu’au sang et nous montre une cicatrice sur son poignet. Tony et Chloë montrent eux aussi les leurs, marques indélébiles de leur engagement.
« Si on n’aide pas ces patients, qui va les aider ? »
Chaque incident fait l’objet d’une fiche dédiée, et on en est à plus de 150 depuis le début de l’année, soit un peu plus d’un événement déclaré tous les deux jours. Et encore, les soignants indiquent ne pas tous les déclarer, « sinon on ne ferait que ça », glisse Nico(*), infirmier dans l’unité. Sans compter les agressions mutuelles entre patients : « s’ils sont calmes, ça va, mais dès qu’un patient est agité, il agite les autres et la situation peut dégénérer », rajoute Pedro(*), qui travaille à l’unité depuis plusieurs années. Il est fréquent que les soignants doivent s’y mettre à plusieurs pour maîtriser les patients en crise. Bref, « les conditions de travail sont extrêmement difficiles », résume Chloë.
C’est donc le métier, et le profil très particulier des patients de l’unité, qui veut ça, et ses soignants, qui ont entamé une grève reconductible à leur initiative avec le soutien de SUD Santé sociaux ce mardi suivie par une trentaine des 35 soignants de l’unité, le savent. « Et on aime notre taf », martèle Tony. Un sacerdoce. Ce qui fait tenir les soignants est la mission dont ils sont investis, s’occuper au mieux de ces personnes dont « certains sont abandonnés par leur propre famille, si on ne les aide pas, qui va les aider ? », lance Ibtissen.
L’unité compte donc 35 soignants pour 15 patients, « ce n’est pas un problème d’effectifs », balaie Chloë. Le problème est ailleurs, dans la reconnaissance. « Nous souhaitons une reconnaissance salariale avec des primes qu’on n’a pas, il faudrait que l’unité soit requalifiée pour rentrer dans des critères qui nous permettraient de toucher une prime », affirme-t-elle, alors que l’établissement travaille actuellement à son projet médical. « Il faut reconnaître la spécificité de notre travail », rajoute Tony. Une reconnaissance sonnante et trébuchante qui permettrait, avancent les grévistes, de limiter le turnover qui touche l’unité. « Un tiers de l’effectif change chaque année alors que nos patients n’aiment pas le changement, cela pose un problème de stabilité », estime Pedro, avant d’affirmer que la moyenne de présence dans le service n’excède pas les trois ans. Les grévistes revendiquent aussi une priorité sur les mobilités après quatre ans au sein de l’unité.
« Ils revendiquent d’avoir une prime qui n’existe pas »
Contacté, le directeur par intérim du centre hospitalier du Mas Careiron Roman Cencic affirme… qu’il ne peut rien faire. « Ils revendiquent d’avoir une prime qui n’existe pas. Il faut être dans une unité qui permet ce type de reconnaissance, là ce n’est clairement pas le cas, c’est avec beaucoup de regret que je ne peux rien leur verser », développe-t-il. Un discours déjà tenu aux soignants de l’unité il y a quelques jours lors d’une réunion. « Ils ont l’impression qu’on peut faire ce qu’on veut, mais non », reprend le directeur. Seule possibilité selon lui, « une évolution nationale. »
Roman Cencic estime qu’il n’y a « pas de problème d’attractivité (dans l’unité, ndlr), nous avons réussi à pourvoir tous les postes. » Quant à la question de la mobilité interne, le directeur rappelle qu’il avait proposé une charte ad hoc, « charte qui a été refusée par les syndicats, donc les mobilités se font au coup par coup. »
En attendant, les grévistes affirment qu’il poursuivront leur mouvement, qui n’a pas d’impact sur le service apporté aux patients, « jusqu’à obtention de (leurs) revendications », et font signer une pétition au personnel de l’établissement. Ce mardi à la mi-journée, elle avait recueilli plus de 120 signatures.
Thierry ALLARD
thierry.allard@objectifgard.com
(*) Les prénoms ont été modifiés.