FAIT DU SOIR Danylo, Ukrainien installé à Nîmes : "La vérité est entre les deux"
Danylo, 21 ans, pose ses valises à Nîmes en 2016 avec ses parents et sa petite sœur pour fuir la guerre en Ukraine. Aujourd'hui étudiant, il s'est habitué à sa vie française. Il pense que les Ukrainiens et les Russes jouent à un jeu politique et que la vérité est entre les deux.
Né en 2000 en Ukraine, Danylo, 21 ans habite le quartier des 7 collines de Nîmes et fait ses études à Montpellier. À seize ans, alors qu'il vit à Kiev (prononcer "Kiyouf") avec ses parents, il prépare ses valises et deux semaines après, se retrouve dans l'avion avec sa sœur et sa mère, direction Paris. "J'ai emporté quelques vêtements, mon portable et un chargeur." Son père les rejoint plus tard en France.
Ses parents ne voulaient pas qu'il fasse la guerre
Puis la famille se rend à Montpellier où habite une tante ukrainienne. Un peu plus tard, sa mère s'installe à Nîmes avec un Français. "C'était en 2016, nous avons quitté le pays suite à la guerre en Crimée et dans le Donbass. Mon père et moi étions susceptibles d'être mobilisés dans l'armée et mes parents ne le voulaient pas."
Dès son arrivée à Nîmes, il entre en première au lycée Philippe Lamour. Il apprend le français en parallèle au lycée Daudet. Il réussit son bac Littéraire avec une note de 20/20 en russe. Aujourd'hui, il est étudiant en licence Langues Étrangères Appliquées (Anglais-Russe) à l'université Paul Valéry de Montpellier où il se rend tous les jours en train. Il parle parfaitement quatre langues, le Français, l'Anglais, le Russe et l'Ukrainien bien entendu.
La langue russe est bien ancrée en Ukraine. La séparation des deux peuples ne date que de 1991, avec l'effondrement de l'URSS. Ses parents et ses grands-parents parlent Russe entre eux, entre amis et avec les enfants. "En Ukraine on apprend l'Ukrainien mais dès que l'on quitte l'école on parle russe avec les copains" raconte t-il.
Aujourd'hui, sa vie est en France
À 16 ans, Danylo a quitté tous ses amis pour un pays inconnu, la France, où il se fait appeler Daniel. "Au début c'était très dur quitter son pays d’origine et de se retrouver plongé dans une culture et une langue totalement différentes. J'étais effondré, mais je me suis finalement habitué au style de vie français." Il a gardé des contacts avec quelques amis ukrainiens mais aujourd'hui sa vie est ici en France. Là-bas il faisait du karaté, ici, il fait de la musculation avec son père, à "l'équilibre", route de Beaucaire.
Il parle français parfaitement, s'est fait des amis et sort d'une relation amoureuse. S'il ne savait pas trop quel métier il voulait faire quand il était petit, aujourd'hui il veut exploiter sa connaissance des langues et son futur diplôme français pour travailler dans les relations internationales. La France pour lui est très différente de l'Ukraine notamment pour ce qui concerne le niveau de vie. "Les retraités français peuvent vivre décemment et même voyager alors qu'en Ukraine ils sont vraiment dans le besoin. Ils sont également plus connectés et donc restent plus proches de leurs enfants", souligne Danilo.
"Je ne veux pas infliger à mes parents la perte de leur enfant"
S'il retourne en Ukraine aujourd'hui, il devra prendre les armes contraint et forcé puisque le président Zelensky a déclaré la mobilisation générale pour les hommes de 18 à 60 ans. Danylo ne veut pas de la guerre, il veut vivre sa vie même si cela doit se faire loin de son pays natal. Il ne se sent pas prêt à mourir pour son gouvernement. "Je ne veux pas infliger à mes parents la perte de leur enfant. Je ne veux pas non plus l'infliger aux parents russes !"
La guerre du Donbass dure depuis 2014 et ni les Russes, ni les Ukrainiens n'ont respecté les accords du protocole de Minsk. Danilo déteste la guerre mais il tient une posture critique à l'endroit des deux protagonistes. "C'est de la communication politique autour du Donbass des deux côtés. Je lis les journaux russes et ukrainiens puis je me fais ma propre opinion. La vérité est entre les deux. Pour moi il n'y a pas de méchant et de gentil comme en 1939 avec le nazisme. Cette fois, chacun a sa part de responsabilité dans cette guerre."
Son enjeu, c'est d'obtenir la nationalité française puis son diplôme. S'il obtient son titre de séjour, il poursuivra un master en relations internationales à Aix-en-Provence. Ensuite, il veut juste "vivre sa vie". Peut-être retournera t-il un jour en Ukraine, en tant que touriste.
Yannick Pons