FAIT DU SOIR À Salindres, les salariés inquiets et en colère face à la pollution aux PFAS
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L'entrée de l'usine Solvay à Salindres.
Mercredi 12 février à la Bourse du travail à Alès, le collectif Gard-Eau PFAS, comprenant des salariés de Solvay, des riverains, l'association "Des étoiles dans la mer", et Génération Futures se sont réunis pour interpeller l'usine Solvay, les autorités compétentes et les responsables politiques de la situation en cours aux abords de l'usine située à Salindres.
La réunion d'information organisée, ce mercredi 12 février, par le collectif Gard-Eau PFAS a permis de rassembler des acteurs clés, dont des biologistes, des journalistes et des représentants de la société civile, pour discuter des enjeux liés à la pollution des eaux par les TFA (acide trifluoroacétique, NDLR). Car la situation autour de l’usine Solvay de Salindres soulève de nombreuses inquiétudes, tant du côté des salariés que des riverains. Selon ces associations, les préoccupations sont exacerbées par ce qui semble être un manque de communication claire et d’actions concrètes des autorités locales, particulièrement les mairies et Alès Agglo.
Les salariés de l'usine Solvay sont particulièrement préoccupés par leur exposition aux TFA (substances per- et polyfluoroalkylées), des produits chimiques nocifs pour la santé et l’environnement. Sophian, un salarié représentant, exprime les craintes de ses collègues : « La fermeture est allée très vite. Sept mois après l’enquête du journal Le Monde, ils ont annoncé la fermeture de l’usine. Cela a été tellement rapide qu’on n’a pas eu la possibilité d’examiner à quel point on a été contaminés, ils nous ont enlevé ce droit là. » Cette situation a amené, selon lui, un sentiment de peur chez les travailleurs qui ont observé une contamination potentielle dans leur environnement de travail.
Le problème des TFA est d'autant plus grave qu'ils sont qualifiés de « polluants éternels », car ils ne se dégradent jamais complètement dans l’environnement. Les travailleurs de l'usine dénoncent également la situation du sol de l’usine, qui continue à être imprégné de ces substances. « On veut qu’ils dépolluent le sol, même si l’usine est à l’arrêt. Tous les jours, on a 5-6 kilos de TFA qui coulent de la montagne», précise Sophian. Cela soulève des questions cruciales sur la santé des employés et la responsabilité de l’entreprise dans la gestion de cette crise environnementale.
L’inquiétude grandissante
Malgré les inquiétudes des salariés, selon les élus d’opposition, le collectif Gard-Eau PFAS, et Générations Futures, les autorités locales semblent tarder à prendre des mesures ou à communiquer de manière transparente sur la situation. Étienne Malachanne, maire de Salindres, défend toutefois la position de sa commune : « On n’est pas en mode silence, on a dit ce qu’on avait à dire. [...] Il n’y a pas d’inquiétude concernant l’eau potable à Salindres. » Selon lui, les analyses sur l’eau dans la région ne révèlent aucune présence inquiétante de produits chimiques. Il appelle également les habitants à ne pas céder à la panique, soulignant que l'eau potable à Salindres provient de la Cèze, située à un kilomètre au-dessus de la source de pollution présumée.
« Je conseille de boire l’eau du robinet plutôt que l’eau en bouteille », avoue même le maire, prenant en exemple les récents scandales avec Nestlé ou Perrier.
Cependant, cette tranquillité affichée par les élus locaux contraste avec la gravité de la situation dénoncée par les salariés et les riverains. Si la contamination des eaux semble sous contrôle, la pollution du sol et les effets des TFA demeurent des préoccupations majeures pour l’avenir. Le manque de réactivité de la mairie et de l’agglo face à la dégradation environnementale, ainsi qu’aux problèmes de santé des salariés, suscite une forte incompréhension au sein de la population.
Le cas d'Annecy comme modèle
Alors que la fermeture de l’usine Solvay à Salindres est imminente, les maires locaux, y compris Étienne Malachanne, insistent sur la nécessité de reconvertir rapidement le site pour éviter un désastre économique et social dans la région. « Il faut permettre que le tissu autour de l’usine ne souffre pas trop », déclare-t-il, soulignant l’importance de trouver rapidement des solutions pour réindustrialiser le site.
Cité comme exemple pendant la réunion, l'exemple d'Annecy peut, selon les associations, inspirer la région. Pour rappel, en 2018, face à la contamination de l’eau par des produits chimiques provenant d’une ancienne usine, les autorités locales ont réagi rapidement en lançant des campagnes de tests et en mettant en place des solutions pour protéger la santé publique. Les élus ont été très impliqués et ont pris des mesures concrètes pour soutenir les riverains et les salariés affectés. À Annecy, les autorités ont été transparentes et ont travaillé de manière proactive avec la population pour gérer la crise sanitaire et environnementale.
L'absence d’une telle approche à Salindres, où le silence persiste autour des problématiques environnementales et sanitaires, suscite des critiques, notamment des élues de l’opposition comme Béatrice Ladrange, présente ce soir-là qui représentait le Printemps alésien. Selon elle, « les maires et les responsables politiques locaux devraient prendre exemple sur la réactivité d’Annecy, en plaçant la santé de la population avant l’image de la région. Une gestion plus transparente et plus rapide des préoccupations liées à la pollution, qu'elle soit de l’eau, du sol ou de l'air, pourrait offrir une issue plus favorable à la communauté. »
Permettre un retour à l’emploi
Pour Étienne Malachanne, Solvay a également sa part de responsabilité dans cette histoire et des mesures concrètes vont devoir être prises. « Il faut protéger la santé publique et accompagner les salariés vers de nouvelles opportunités professionnelles. Solvay a l’obligation de dépolluer le sol, avec un premier état des lieux et une analyse des zones contaminées. Des projets de dépollution sont déjà en cours, avec un budget de 20 millions d'euros pour traiter les eaux et dépolluer le site, mais il est impératif que ces efforts se poursuivent. »
Le maire de Salindres souligne également que la reconversion des salariés doit être une priorité. « On met aussi la pression sur Solvay pour que toutes les mesures nécessaires pour une reconversion du site soient prises rapidement », déclare-t-il. L’engagement des autorités locales et de l’agglo à soutenir les salariés et à faciliter leur retour à l’emploi est un facteur clé pour maintenir la stabilité sociale et économique dans la région, selon l’élu.
Le 20 février, un projet de loi très attendu sera soumis pour un vote définitif, visant à interdire les PFAS dans les produits du quotidien. Ce texte, déposé par le député écologiste Nicolas Thierry, a pour objectif de mieux protéger la population des risques liés à ces « polluants éternels » qui sont présents dans de nombreux objets du quotidien et qui ont des effets dévastateurs sur la santé humaine. Le projet de loi veut marquer un tournant essentiel, et les habitants de la région, ainsi que les salariés de Solvay, attendent avec impatience que ces mesures législatives soient adoptées, dans l’espoir qu'elles renforcent la lutte contre la pollution et améliorent la prise en charge des victimes des PFAS.