NÎMES Blockbuster : du cinéma au théâtre ou du théâtre au cinéma ?
Tous les ingrédients du blockbuster sont réunis dans cet astucieux mashup (*) : les héros manichéens, les courses-poursuites, les explosions spectaculaires. Venu de Belgique, le Collectif Mensuel, assure en direct avec dextérité le doublage des voix, les bruitages « faits maison » et la musique live. Rien n’est laissé au hasard. Blockbuster est une fable sur la violence de la classe dominante à l’égard du peuple où l’humour se conçoit comme un instrument de contestation. Administrateur délégué et directeur artistique, Renaud Riga nous en dit plus.
Objectif Gard : Pourquoi avoir décidé de traiter ces thèmes-là en particulier ?
Renaud Riga : Nous sommes un collectif théâtral qui travaille exclusivement sur la création. Et pour nos spectacles on a toujours eu un point de vue politique sur le monde qui nous entoure. On traite des sujets qui nous semblent tout simplement important. Blockbuster a été écrit en 2015, et il nous semblait que l'une des questions les plus importantes du XXIe siècle était la répartition des richesses. On avait envie d'en parler sans être des donneurs de leçons, et le procédé du mashup nous a permis de le faire de manière ludique.
Vous avez donc choisi ce procédé-là pour mettre en lumière certains problèmes de notre société ?
À la base, on voulait utiliser le procédé du mashup pour cette pièce. On l'avait déjà testé dans un spectacle pendant 5 minutes. On avait trouvé cela amusant car lorsque le film est lancé, on doit se caler sur les images et on ne peut plus s'arrêter. Concernant la thématique de la révolte, on voulait l'aborder aussi alors on a essayé de voir comment on pouvait faire coller les deux. Au final, on s'est rendu compte que ça fonctionnait bien et que ce procédé donnait une distance automatique. On pouvait aborder des sujets politiques sans être directement dénonciateur.
S'agit-il tout de même de divertir le public ou de dénoncer des problèmes en les tournant en parodie ?
Blockbuster reste un divertissement. Quel que soit le message que l'on veut partager, le premier contrat que l'on doit et que l'on veut remplir avec le public, c'est qu'il ne s'ennuie pas. Puis, le message ne peut pas passer si le public ne s'amuse pas. Cet humour-là permet de faire accepter au public cette proposition politique qui est au final très "premier degré". Sans distraction, je pense que beaucoup de spectateurs ne pourraient pas entendre ce que l'on dit. Surtout que l'on aborde la violence dans notre spectacle et que c'est un sujet difficile à aborder.
Comment avez-vous réussi à aborder la violence dans la pièce ?
L'avantage c'est que la plupart des blockbusters américains sont construits autour de la violence. Il y a toujours à peu près la même trame du méchant qui se fait assassiner par le gentil. On remarque donc que les gens ont accepté cette violence dans les films. Notre société y est habituée. Mais lorsque cette violence se passe dans la rue, c'est perçu différemment. Donc on a pris des scènes de violence et on les met toutes dans la rue avec des enjeux plus profonds que ceux de voler et tuer. On espère par la suite que, lorsque les personnes sortent de la salle, elles débattent ensemble de cette violence. Qu'elles la perçoivent différemment.
Vous avez travaillé avec 160 films et 1 400 plans-séquences. Comment les avez-vous choisis ?
Le choix des films a tout simplement été guidé par le choix du casting. On voulait se faire plaisir, alors on a choisi Julia Roberts et Michael Douglas, qui sont tout simplement des stars et qui ont des filmographies de plus de 20 ans. Dans une même scène, on peut voir un acteur qui se prend 15 ans et trois coupes de cheveux différentes. Mais pour la construction du scénario, on travaille surtout avec 30 films, comme Erin Brockovich, l'Affaire Pélican, The game ou Le Président et Miss Wade. Après, il y avait énormément de petits plans et de jonctions dont on avait besoin, comme des plans de bars, des gens au téléphone... D'où les 160 films en tout.
Cela a dû demander énormément de temps...
On a mis trois mois pour choisir et assembler les scènes. À la fin, nous avons monté un film à la blockbuster qui est totalement cohérent du début à la fin bien que 1 600 plans-séquences ont été utilisés. Après, il a fallu créer le scénario, les dialogues, les bruitages, la musique... Tout est réalisé devant le public, jusqu'au bruitage d'un pneu qui dérape. Ce fut un exercice difficile, car une fois que le film est lancé, on doit se coordonner aux scènes pour les doublages et les bruitages. Cela nous a pris deux mois pour apprendre à tous se coordonner. Maintenant, on joue depuis déjà 5 ans, on a joué plus de 250 fois, alors on l'a bien dans les pattes.
Avez-vous le projet de créer un Blockbuster 2 ?
Nos partenaires et co-producteurs aimeraient beaucoup faire un Blockbuster 2 car il tourne très bien et d'ailleurs dans le monde entier, car on le fait dans plusieurs langues. Mais même si on s'amuse énormément, on reste une compagnie de théâtre. On a envie de se réinventer en permanence. Pour le moment, on a encore plein d'idées de pièces à créer. Peut-être que lorsqu'on aura moins d'idées, on se penchera sur une suite pour Blockbuster.
Que diriez-vous pour convaincre nos lecteurs à venir découvrir la pièce ?
Je leur dirais déjà de se dépêcher car, d'après la billetterie, il ne reste plus beaucoup de places. Ensuite, je leur dirai que la soirée qu'ils passeront - j'en suis quasi convaincu ! - sera totalement originale. Ils auront peu d'occasions de voir cela sur des scènes de théâtre. Ou même ailleurs...
Propos recueillis par Kelly Peyron
* Mashup : mélange de vidéos, d'images et de sons.
Infos pratiques : Le Collectif Mensuel se produit sur la scène du théâtre de Nîmes, les 20, 21 et 22 février. Pour réserver vos billets aux prix de 9€-13€-20€ ou 22€ cliquez ici.