Publié il y a 1 an - Mise à jour le 06.10.2023 - Corentin Migoule - 4 min  - vu 7553 fois

ALÈS Les vérités de Fabrice Gerber, PDG de Toujust, après le placement en redressement judiciaire de la maison-mère

FABRICE GERBER TOUJUST

Fabrice Gerber reconnaît des erreurs dans la stratégie de l'enseigne Toujust.

- Corentin Migoule

Au lendemain de l'annonce du placement en redressement judiciaire de Tazita Direction Nationale, maison-mère du réseau Toujust qu'il a récemment fondé (relire ici), Fabrice Gerber revient sans fard sur les débuts chaotiques de l'enseigne à laquelle d'aucuns tenteraient de "nuire". Le fondateur de la chaîne de magasins reconnaît par ailleurs des "erreurs" et se raccroche à l'espoir relatif à l'arrivée probable d'un investisseur. Interview !

Objectif Gard : Dans quel contexte intervient de placement en redressement judiciaire ?

Fabrice Gerber, fondateur de Toujust : On est dans une situation financière compliquée. On est en cessation de paiement depuis plus de 45 jours. Au-delà de 45 jours, on se doit, pour préserver l'entreprise et les intérêts communs, de dénoncer auprès d'un tribunal ce qu'il se passe, sinon on aurait pu nous le reprocher. Le redressement judiciaire a été réclamé par nous, moi personnellement et mon service financier. Je suis allé voir des mandataires judiciaires pour leur exposer les difficultés rencontrées par la holding qui est un centre de coûts. Sur conseil de notre mandataire, nous avons pris acte avec le tribunal de commerce de Créteil pour présenter un plan de redressement. On a présenté au tribunal les éventuelles pistes sérieuses que nous avions. Le tribunal l'a très bien entendu, c'est la raison pour laquelle il nous laisse cette période de trois mois pour parvenir à conserver les emplois, payer les fournisseurs qui attendent et garder les magasins ouverts. On a protégé l'environnement de l'entreprise en admettant qu'il nous fallait un peu d'oxygène et de temps pour rebondir. Ce sont des choses qui peuvent arriver dans la vie d'une entreprise. Je préfère que ça nous serve pour continuer plutôt que d'aller dans le mur et qu'on aille directement en liquidation judiciaire. 

Quelles sont ces "pistes sérieuses" que vous évoquez ?

C'est un investisseur qui a déjà exprimé son intérêt. La réalité c'est qu'on a eu un investisseur qui devait s'engager depuis le mois de mars. Voilà pourquoi on a continué dans cette voie là. De mars à septembre, par des écrits, on a eu un investisseur qui nous a promis de venir. Il ne l'a pas fait. Pour des raisons déontologiques, je ne rentrerai pas dans les détails, mais on en est pratiquement à des faits d'escroquerie. Avait-il une volonté de jouer la montre pour qu'on aille droit dans le mur et nous faire espérer quelque chose qui n'arriverait jamais ? La justice fera son travail. Si des choses ont été faites pour nous nuire, elles seront punies. Je travaille depuis un mois pour trouver de nouveaux investisseurs qui apprécient notre modèle et ont envie de s'investir. On est dans une phase plus que positive. 

FABRICE GERBER TOUJUST
Fabrice Gerber reconnaît des erreurs dans la stratégie de l'enseigne Toujust. • Corentin Migoule

Ce placement en redressement judiciaire vous incite-t-il à revoir dans les grandes largeurs votre modèle initial, comme ce fut partiellement le cas dans l'été avec une baisse de la cadence d'ouvertures de magasins et une réduction du nombre de références dans les rayons ?

On a réduit la cadence car financièrement nous étions dans des difficultés ne nous permettant pas d'ouvrir. Les ouvertures prévues sont toujours d'actualité. Si demain matin, l'investisseur nous rejoint, on recommence tout tel que nous l'avions prévu. Aujourd'hui, la priorité c'est de maintenir le cap. 80 emplois sont en jeu. Il y a des gens qui n'ont qu'une envie c'est qu'on s'arrête. Comme ça ils pourront dire que le modèle ne pouvait pas fonctionner. Certains se donnent un mal fou pour nous crever. Ils nous ont fait du mal auprès des investisseurs et des banquiers. On est parti d'une page blanche. On a écrit 3 000 pages de process. On a écrit une histoire. Je reconnais des erreurs. 

Quelles sont les principales erreurs ayant freiné votre envol et que vous avez l'intention de corriger ? 

Nous avons construit une structure nous permettant d'ouvrir 300 magasins. C'est l'erreur majeure que nous avons commise. On pensait que ces magasins allaient pouvoir ouvrir de façon plus rapide avec l'abondement des fournisseurs et l'arrivée d'un investisseur. Voilà la principale erreur en tant que dirigeant. J'ai voulu aller trop vite en mettant en place cette structure très coûteuse qu'est la maison-mère. Tous ces éléments ont engendré un décalage de trésorerie et un surcoût pour la holding. 

"Il y a un modèle qui peut fonctionner, j'en suis persuadé !"

Fabrice Gerber, PDG de Toujust

En matière de fréquentation, notamment pour le magasin d'Alès, reconnaissez-vous une baisse considérable une fois passées les premières semaines ayant généré l'effet de curiosité ? 

Il y a un vrai public à aller chercher car le modèle avec un approvisionnement suffisant et des produits intéressants à bas prix peut encore attirer du monde, c'est certain. Il y a une déception de la part des clients en termes d'approvisionnement. Ils ont le sentiment de ne pas avoir en face d'eux la marchandise qu'ils ont envie d'avoir. Une fois encore ça s'explique par le manque de trésorerie. 

Au rayon des critiques qui reviennent souvent dans la bouche des clients interrogés, c'est la présence abondante de produits d'Europe de l'est ou du nord de l'Afrique alors qu'ils s'attendaient à une majorité de produits locaux. Ça fait partie des axes de progression ?

Oui, clairement il y a un vrai travail à faire sur ce sujet-là. Mais encore une fois, il faut trouver les produits locaux qui permettent demain de pouvoir avoir un positionnement prix intéressant. On a répondu à des unités de besoin mais pas suffisamment aux produits locaux. C'est un sujet sur lequel nous devons continuer de travailler. 

Vous avez donc le sentiment que l'enseigne Toujust n'a pas encore eu les moyens de révéler son vrai visage ?

Non, nous n'avons pas encore mis en œuvre tout ce que nous pourrions faire. Mais il y a un modèle qui peut fonctionner, j'en suis persuadé ! Il faut rester optimiste.

Dans quel état d'esprit êtes-vous à l'heure de vous lancer dans cette course contre la montre d'une durée de trois mois ?

Je me suis présenté avec mon équipe au tribunal de commerce et la question a été posée. Les dames qui m'entouraient, puisque mon équipe était exclusivement composée de femmes, ont répondu unaniment qu'elles faisaient confiance à leur président. C'est le mot le plus fort qu'on ait pu dire. Si moi je n'y crois plus, ce n'est plus la peine de croire en rien. Je me dois de m'arracher tous les jours. Le matin, à 4 heures, quand le réveil sonne, il faut trouver l'énergie et le positivisme pour continuer. Quand on voit tout le travail qui a été mené en amont, on se dit que ça serait dommage de ne pas y arriver.

Corentin Migoule

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