ANDUZE Une histoire et une actualité des inondations expliquées par l'établissement de bassin
Dans la cadre de la journée nationale de la résilience, le directeur adjoint de l'EPTB Gardons (établissement public territorial de bassin) est venu à Anduze expliquer la dynamique des inondations. L'occasion de pénétrer dans le grand canal d'évacuation des eaux pluviales, qui effectue un bout du parcours de la digue municipale.
Débuté comme un agglomérat de syndicats mixtes, l'EPTB Gardons a désormais compétence sur l'entièreté du bassin versant, c'est-à-dire "la superficie qui draine toutes les eaux en amont d'un endroit donné", définit Étienne Retailleau. Parmi ses missions - en plus de la qualité et de la quantité de la ressource ou de la régulation de la végétation -, la prévention du risque inondation. Ce qui amène l'établissement à travailler sur les digues, à réaliser des travaux hydrauliques au sens large ou des interventions d'entretien des cours d'eau. La restauration de celui-ci est même la mission principale de l'EPTB, "afin de retrouver des milieux aquatiques de meilleure qualité".
Un débit de 3 400 m3/s en 2002
En plus des équipements qui assurent à Anduze une protection partielle contre la violence des crues, Étienne Retailleau disposait ce jeudi, pour appuyer son discours, des travaux d'évacuation de matériels qui se déroulent actuellement dans le lit de la rivière à Anduze, entre les deux ponts (relire ici). Car Anduze a toujours vécu - et vivra encore plus désormais - sous un régime régulier de crues importantes.
"La première, vraiment documentée, date d'août 1697", indique Étienne Retailleau. En 2002, le Gardon d'Anduze affichait un débit 3 400 m3/s. "Il faut se représenter un cube d'un mètre sur un mètre, sur un mètre, illustre le directeur adjoint de l'EPTB. Et imaginer qu'il en arrive 3 400 en une seule seconde. À titre de comparaison, la fameuse crue de la Seine, en 1910, coulait à 2 200 m3/s." En septembre 2020, où la crue était née de précipitations importantes autour de l'Aigoual, qui avaient dévalé la vallée Borgne, le Gardon coulait à 1 800 m3/s à Anduze.
Quatre crues au XIXe siècle, déjà onze au XXIe siècle
Une perspective historique pour étayer un scoop lâché par le représentant de l'EPTB : "La première raison qui explique les crues, c'est la pluie", sourit-il. Ceci dit non pas pour excuser l'artificialisation des sols mais pour relever que les crues étaient déjà nombreuses avant que les sols ne soient imperméabilisés. 1697, donc, mais aussi 1741, 1768, 1790, quatre autres au XIXe siècle, neuf au XXe siècle et... déjà onze épisode au XXIe siècle. "Ce type d'événements augmente de façon significative", constate Étienne Retailleau en relevant qu'il ne s'agit plus, désormais, de s'interroger sur l'origine de cette hausse. "Auparavant, plus de 200 mm en 24 heures, ça n'arrivait pas tous les ans. Aujourd'hui, sur l'ensemble de l'arc méditerranéen, on sait que ça aura lieu. On se demande juste où ça va tomber."
"Des constructions en zone inondable, il y en a eu de tous temps", relativise aussi Étienne Retailleau, avant d'ajouter qu'entre "les années 60 et 90, on a multiplié les enjeux en zone inondable. Mais en 1410 déjà, à côté de Massillargues, un hameau avait été détruit par la crue. On le sait parce que la population a été accueillie par le village alentour. Les gens s'adaptaient donc, comme nous. Mais à l'époque, on n'aménageait pas le rez-de-chaussée."
Car la baisse de la vulnérabilité fait également partie des prérogatives de l'EPTB. "Depuis 2002, précise Étienne Retailleau, 230 dossiers d'expropriation ont abouti. Il en reste une vingtaine." En 2023, un nouveau programme Alabri permettra aux gens, sous une vulnérabilité modérée, de s'équiper à nouveau de batardeaux avec un financement à 80% de l'État.
La crue de 1768 est l'une de celles qui a le plus marqué. La digue, de 700 mètres de long et de neuf mètres de haut, est née de cet événement. En 2019-2020, des travaux impressionnants l'ont consolidée sur sa partie amont, en bordure de la route de Saint-Jean-du-Gard. Au niveau du croisement de sortie de pont, sous la digue, passe la galerie pluviale qui évacue les eaux de pluie d'une bonne partie du centre ville. Un couloir de près de 300 mètres qui se jette directement au Gardon que la commune avait ouvert ce jeudi, à l'occasion de la visite. Un ouvrage voûté impressionnant, du XVIIe siècle lui aussi, qui draine véritablement le village. Car la lutte contre les crues traverse les digues... et les siècles.
François Desmeures
francois.desmeures@objectifgard.com