BAGNOLS/PONT-SAINT-ESPRIT Importante mobilisation des agriculteurs ce lundi
Les files de camions et de voitures s'amassent à l'entrée des villes. Ce lundi, les agriculteurs ont organisé des blocages. D'abord le matin à Pont-Saint-Esprit, mais aussi à Bagnols-sur-Cèze l'après-midi.
Sur le rond-point de l'Europe à Bagnols-sur-Cèze, les marques des précédentes manifestations sont encore visibles. Des amoncellements de légumes produits à l'étranger sont encore visibles sur le bord du giratoire. Ce lundi après-midi, plusieurs feux ont été allumés avec des pneus et autres combustibles de fortune. Alors que les panneaux directionnels noircissent sous la chaleur des flammes, les tracteurs bloquent les bretelles d'insertion. L'appel à l'apaisement lancé ce week-end par le maire, Jean-Yves Chapelet, n'aura pas suffi. Les manifestants ralentissent la circulation et vérifient les chargements des camions étrangers. Une citerne transportant 30 000 litres de vin rouge espagnol aurait été vidée, selon nos confrères de Midi libre.
La mobilisation provoque d'importants bouchons sur toutes les routes convergeant vers Bagnols-sur-Cèze. L'autoroute A7 étant toujours fermée, de nombreux camions sont contraints de passer par le Gard rhodanien et densifient un peu plus le trafic. Une dame ouvre alors sa portière et lance : "On est de tout cœur avec vous."
"On est encore là car les annonces n'étaient pas à la hauteur"
À Pont-Saint-Esprit, les agriculteurs ont décidé de bloquer l'ensemble des entrées de ville ce lundi matin, à partir de 6h. Leur mobilisation a là encore, généré des embouteillages jusqu'à Bagnols-sur-Cèze, une quinzaine de kilomètres plus loin, et dans les départements limitrophes. Après une pause, ils ont réinvesti leur QG, le rond-point de Saint-Étienne-des-Sorts, où ils ont commencé jeudi à 30 tracteurs. Ils étaient autour de 60 aujourd'hui pour dresser des filtrages. "On est encore là car les annonces n'étaient pas à la hauteur. On est une région viticole et arboricole, aucune annonce nous concernant n'a été faite", pointe Yves Jullien, producteur arboricole et céréales à Pont-Saint-Esprit et représentant syndical du canton pour la FDSEA.
Dans les bennes des tracteurs bloquant les bras du rond-points, sont entassées des souches de cerisiers arrachées. Elles symbolisent la colère des agriculteurs français : "On ne peut plus produire de cerises car on nous a supprimé tous les produits phyto, toute la matière active qui nous permettait de maintenir les insectes loin des cultures", déplore Yves Jullien. Flavien complète : "On parle du Drosophila suzukii, une espèce qui vient d'Asie, qui met 15 à 20 vers dans les cerises et peut générer 14 générations sur une saison. Elle est capable de ravager un verger en 24h. On essaie de trouver des solutions mais c'est cher et du coup, on préfère arracher."
"C'est le seul métier où on produit mais on ne sait pas pour combien"
Plus généralement, les agriculteurs souhaitent vivre décemment de leur travail. "C'est le seul métier où l'on produit mais on ne sait pas pour combien. On va nous donner le prix que l'on veut bien nous accorder après un an de travail parfois émaillé par les aléas climatiques", souligne Simon, vigneron à Saint-Paulet-de-Caisson. Beaucoup d'agriculteurs ont aussi le sentiment de passer plus de temps à remplir des papiers que dans leurs terres, et d'être soumis à des normes sanitaires que d'autres pays n'ont pas : "C'est pour cela que l'on vide des camions de produits étrangers. Ils ne jouent pas avec les mêmes règles que nous."
Ils restent évasifs sur la poursuite des mobilisations, mais les blocages pourraient être réitérés. "On est fier de notre métier qui est de nourrir la nation. Mais on se pose la question si on en est encore capable", lâche Flavier Jullien. Plus loin, dans les voitures bloquées, des automobilistes s'impatientent, d'autres font preuve de philosophie, comme Tony spécialisé dans les déchets industriels et la ferraille, qui doit rentrer chez lui à Donzère : "Je comprends leur colère. Ils risquent de tout perdre. C'est pas grave, on travaillera plus la semaine prochaine." Le passage sera dégagé pour laisser passer une femme sur le point d'accoucher, qui sera escortée par les forces de l'ordre jusqu'à la maternité.