Abdallah Zekri, délégué général du Conseil Français du Culte Musulman et vice-président du CRCM s'exprime à quelques jours du traditionnel ramadan qui débute ce vendredi. Interview.

Objectif Gard : Comment va pouvoir se dérouler le ramadan cette année avec la crise liée au coronavirus ?

Abdallah Zekri : Il va se dérouler dans un cadre spécial je ne le vous cache pas. Et malgré les mesures de déconfinement prévues à partir du 11 mai prochain, les lieux de culte resteront fermés. J'appelle donc les pratiquants à respecter scrupuleusement les consignes même si je comprends que ce soit difficile car le ramadan est synonyme de partage, de convivialité et de solidarité.

Mais aussi de fête familiale ?

Vous avez raison, habituellement, les uns vont manger chez les autres, ce sont des moments précieux avec nos proches. Mais naturellement, en raison du risque épidémique, il ne faudra pas le faire. Chacun doit rester chez soi et ne pas être tenté même par petit groupe de se réunir. Par ailleurs, durant ce mois de jeune, chaque soir, c'est une tradition, une prière spéciale est organisée dans les mosquées. Là aussi, en raison de la fermeture des lieux de culte et de l'absence des imams, il faudra prier chacun chez soi. Le bon dieu, ne l'oublions pas, accepte les prières d'où elles viennent. Je voudrais en profiter pour témoigner ma solidarité avec les autres cultes, je pense aux fêtes de Pâques ou aux fêtes juives qui n'ont pu se dérouler normalement ces dernières semaines. Nous devons nous aussi nous adapter face à la situation.

Le mois du ramadan est aussi un moment de solidarité. On pense aux repas pour les plus démunis que vous aviez l'habitude de faire chaque soir. Comment tout cela aura lieu ?

Effectivement, depuis plusieurs semaines, nous réfléchissons à la meilleure solution pour continuer cette solidarité très importante à nos yeux. Ces repas sont ouverts aux personnes en difficulté quelle que soit la religion et même pour ceux qui n'ont pas de religion d'ailleurs. Nous prévoyons une distribution de paniers repas pour les plus nécessiteux. Par ailleurs, nous sommes en train de nous rapprocher des associations caritatives pour apporter notre contribution.

Autre point important, le financement des mosquées. Le ramadan est le mois où les musulmans participent activement aux quêtes...

C'est effectivement un problème cette année car généralement, la quête se déroule le vendredi lors du déplacement des fidèles dans la mosquée qui est désormais fermée. Par ailleurs, des urnes sont mises à disposition à l'intérieur des lieux de culte les trois derniers jours du ramadan. Pour pallier au problème, nous allons mettre en place des quêtes en ligne. Enfin, les fidèles pourront venir en respectant toutes les mesures barrières, durant tout le mois du jeune pour déposer leur contribution. Ainsi, cela évitera des files d'attente les trois derniers jours.

Une question est posée pour le personnel soignant musulman. Est-ce que selon vous, il doit aussi faire le ramadan ?

Dans la situation actuelle, il peut être exempté et le rattraper plus tard. C'est aussi le cas pour les malades, les femmes enceintes, etc. La religion le permet. Je voudrais d'ailleurs en profiter pour rendre un grand hommage à tout le personnel soignant, aux médecins, infirmiers, chercheurs, etc. Ils ont tous abandonné leur famille pour sauver le maximum de femmes et d'hommes. Et enfin, apporter tout mon soutien à nos concitoyens qui ont perdu un être cher durant cette épidémie.

Que révèle selon vous cette crise sanitaire ?

Que nous ne sommes pas grand chose face au pire. Qu'il faut s'entraider plutôt que s'entretuer. Soyons les uns avec les autres et non pas, les uns face aux autres. Cette épidémie touche tout le monde, quel que soit la religion, la couleur de peau. La société française est une et indivisible face à cette épreuve.

Une dernier mot ?

L'Islam est une religion de paix, ne l'oublions pas. Et enfin, malgré les difficultés cette année, je voudrais souhaiter un bon ramadan à tous.

Propos recueillis par Abdel Samari