ÉDITORIAL Baguette à 29 centimes : la com' hasardeuse de Leclerc
Avant l'Euro, la baguette coûtait 3 francs et 50 centimes, au pire 4 francs. Pour ceux qui s'en souviennent. Aujourd'hui, difficile de trouver une boulangerie qui propose ce même produit en dessous de 1 euro. La cause de cette flambée du prix ? Le coût de la vie, les taxes et les charges, et des produits de base comme la farine et autres ingrédients nécessaires pour réussir cette recette 100% française enviée dans le monde entier. Agréable surprise pour certains, mais colère pour beaucoup d'artisans quand ils ont appris le coup de communication des enseignes Leclerc annonçant bloquer le prix de leur baguette de pain à seulement 29 centimes d’euros. On est loin, très loin du prix habituel, même en pratiquant la vieille conversion en franc. C'est d'autant plus incompréhensible que le prix du blé a explosé cette année, de même que les tarifs de l'énergie. La dernière opération commerciale du groupe E. Leclerc a donc du mal à passer pour la filière. Face à la polémique, le patron Michel-Édouard Leclerc a tenté de se justifier. Pour lui, il s'agit ni plus ni moins que d'appuyer une réalité à travers un symbole. "La baguette est un repère de l'évolution des prix et du pouvoir d'achat pour les consommateurs", pense-t-il. Il a donc voulu "investir sur ce marqueur afin de rassurer sur la capacité de ses magasins à rester accessibles au plus grand nombre". Une bonne réplique de communicant qui sent le vent tourner depuis quelques années. Les consommateurs les plus modestes privilégiant aujourd'hui d'autres enseignes comme l'Allemand Lidl. Tout est une question de parts de marché en réalité. Et c'est peut-être ce cynisme qui dérange. D'abord parce que faire profiter les Français d'un prix de la baguette au ras des pâquerettes, c'est oublié un peu vite la filière céréalière française derrière qui récupère au final de maigres centimes pour tout le dur travail réalisé. Ensuite, vouloir faire croire qu'un blocage des prix sur le pain (un certain temps) permet de préserver le pouvoir d’achat des Français, en pleine période d’inflation, c'est se moquer du monde. Car Leclerc, comme les autres, ajusteront le prix sur d'autres produits pour conserver leur marge, personne n'est dupe. Enfin, une telle campagne publicitaire envoie un signal un brin négatif sur le coût du savoir-faire de l’ensemble des acteurs qui méritent une juste rémunération. Cerise sur le gâteau, cette promotion spectaculaire arrive en pleine négociation comme chaque année entre producteurs et distributeurs… Michel-Édouard Leclerc devrait donc se contenter de vendre l'essence à prix coûtant comme l'été dernier plutôt que de vouloir s'aventurer sur des terrains qu'il maîtrise bien mal !
Abdel Samari