FAIT DU JOUR À Saint-Hippolyte-du-Fort, Jallatte invente la chaussure de sécurité neutre en carbone
Alors que le groupe est repassé numéro 1 des chaussures de sécurité, il innove avec la gamme "J'Respect", qui utilise des matériaux recyclés et compense ce qui ne peut pas être substitué. Une pierre de plus dans le jardin de la concurrence, placée par l'industriel cigalois, qui s'était déjà fortement diversifié - et renforcé - en proposant des modèles au design inspiré des chaussures de sport. L'entreprise espère que la fabrication vertueuse et française va inciter les collectivités, en plus des groupes déjà séduits, à faire appel à elle.
Une petite touche verte au milieu des couleurs austères de la chaussure de sécurité. En créant sa nouvelle gamme, "J'Respect", Jallatte a tenu à ce que l'appartenance à cette ligne se lise immédiatement, par la couleur de sa semelle, notamment. Depuis, la marque a décliné selon les coloris demandés par les clients. Mais, par exemple, pour les agents de la commune de Saint-Hippolyte-du-Fort, récemment équipés, le vert est resté.
"Depuis le Covid, on a connu une accélération de la prise de conscience que lorsqu'on s'approvisionne en produits lointains, s'il y a une faille de livraison, cela peut créer des problèmes en matière d'EPI (équipements de protection individuelle), explique Jean-Marie Calame, directeur général de Jalatte en son siège de Saint-Hippolyte-du-Fort. En tant que directeur d'usine, si je n'ai pas d'EPI au bon moment et au bon endroit, ça représente des risques."
Preuve que cette réflexion se généralise dans le monde de l'entreprise, "les grands groupes nous ont demandé : "mais alors, d'où viennent vos produits ?", poursuit Jean-Marie Calame. La question est évidemment intéressée : dans le cadre de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises), "les entreprises doivent baisser leurs émissions de gaz à effet de serre". Et le matériel auquel elles font appel pèse de tout son poids dans la réduction souhaitée par les pouvoirs publics.
"On est donc entrés dans la démarche de mesure de notre empreinte carbone, poursuit Jean-Marie Calame. Puis, on a voulu proposer des produits moins impactants en utilisant des produits recyclés, notamment à partir de bouteilles de plastique. L'ensemble des polyesters peuvent être faits en recyclé. On a trouvé un bon compromis, avec des tiges recyclées."
"Tige + semelle, on arrive à 65% de la chaussure fabriquée à partir de produits qui ne proviennent pas du pétrole"
Jean-Marie Calame, directeur général de Jallatte
"Ensuite, BASF nous a proposés un polyuréthane bio-sourcé". Une aubaine pour la démarche des chaussures Jallate, la semelle de cette matière représentant "le plus gros poids du produit, explique Jean-Marie Calame. Du coup, tige + semelle, on arrive à 65% de la chaussure fabriquée à partir de produits qui ne proviennent pas du pétrole." Et à une empreinte carbone de 10 kilos, au lieu de 20 ou 30 précédemment.
Chaque élément a été sourcé et audité par Bureau Veritas, avec un engagement à trois ans dans la poursuite de la réduction de l'impact. "Mais 10 kilos d'empreinte, ça n'était toujours pas satisfaisant, poursuit le directeur général de Jallatte. On voulait arriver à 0 kg par la compensation." Et même si Jean-Marie Calame est bien conscient des travers de la compensation carbone, "ces 10 kilos restent une barre difficile, à faire descendre", ne serait-ce qu'à cause des camions, fonctionnant au diesel, nécessaires au transport des matières premières.
"Nous sommes la première usine à fabriquer des chaussures "carbone neutre"
"On a acheté des produits carbone vertueux du WWF, qui répondent à un cahier des charges des Nations Unies". Jallatte participe ainsi, indirectement, à la construction et au fonctionnement d'un barrage hydroélectrique au Laos, "qui a remplacé une centrale thermique". En participant à bloquer l'émission de CO2 en Asie, Jallatte "verdit" ainsi ses produits d'origine France et peut "revendiquer le zéro CO2 sur nos paires certifiées carbone neutre".
Et le succès ne s'est pas fait attendre, la commune de Saint-Hippolyte-du-Fort n'étant pas la première cliente. EDF, la SNCF, ou encore VÉOLIA font partie des premiers séduits. Les cinq premiers modèles étaient dévolus aux travaux intérieurs, l'usine cigaloise produit désormais dix-huit modèles de ces "chaussures vertes", dont certaines pour les chantiers extérieurs, à côté des modèles plus traditionnels.
"Avec cette labellisation et cette certification, nous sommes la première usine à fabriquer des chaussures "carbone neutre", énonce Jean-Marie Calame. Ce qui nous rend fiers, même si la démarche fut longue et coûteuse." La mairie cigaloise a montré l'exemple, Jean-Marie Calame espère désormais que les autres collectivités locales joueront aussi le jeu de la proximité et accorderont leurs achats avec leurs discours environnementaux. Et que la différence minime entre le prix ces paires et d'autres soit acceptée comme un bénéfice pour l'emploi et l'activité de la région. Après tout, sous l'impulsion du chausseur cigalois, les grosses entreprises françaises du BTP ont "monté en gamme". Si Bouygues ou Eiffage se sont laissé convaincre, le Piémont cévenol, le Département ou la Région se montreront sans doute sensibles au produit.