FAIT DU JOUR Apprendre le français par la restauration, la bonne addition
L'association Quartier Libre aide les personnes étrangères qui arrivent en France et à Nîmes, dans l'apprentissage du français et dans la formation professionnelle. Le Resto Dynamo est une de leurs Action d’Insertion et d'Accompagnement (AIA) soutenue par le département du Gard.
Cela fait maintenant quatre années que Quartier Libre met en avant la cuisine, pour accélérer l'apprentissage du français, en plus des cours enseignés la semaine, des personnes étrangères. Depuis mars 2017, cette initiative se déroule au restaurant "Au Dynamo", qui deux fois par mois voit ses locaux investis par une brigade de huit personnes, réparties sur la cuisine, le service et l'accueil. Cette équipe prépare un menu complet, au tarif de 13 euros, pour au maximum 42 personnes. Ouvert à tout le monde, la restauration se fait uniquement sur réservation.
Ces apprenants, pour la plupart, sont en France depuis peu de temps et débutent donc dans la langue de Molière. Travailler le français et cuisiner en même temps a un aspect ludique mais pas seulement pour Raoul, coordinateur administratif de l'association. "C'est aussi une expérience professionnalisante, ils sont sous les ordres de quelqu'un et ça leur donne des clés pour évoluer ensuite." Même si cette activité ponctuelle dans la restauration ne correspond pas à une véritable expérience, cela s'apparente à une découverte et peut susciter des vocations. "On a deux jeunes sénégalais qui sont devenus cuisiniers par la suite", commente Eva, également coordinatrice.
Les ordres c'est Rolf qui les donne, le chef de cuisine. Originaire du Bostwana, ce cuisinier de formation arrivé en France il y a 4 ans, a côtoyé l'association et travaille désormais à temps plein dans le restaurant "Au Dynamo". Preuve du fonctionnement de cette recette, Rolf est ravi d'endosser le tablier du professeur, "c'est plus facile d'apprendre le français avec la cuisine. Parfois c'est difficile de me faire comprendre, alors je fais des gestes, c'est plus facile ! ", sourit-il.
Pas évident d'expliquer à Petrita, 55 ans, qui vient de Roumanie, que les entrées doivent être tournées dans le même sens pour faciliter le travail du serveur. Présente depuis septembre dernier, c'est elle qui accompagne le chef avec Favour, à l'arrière plan, 23 ans, en provenance du Nigeria. Les organisateurs font en sorte que les postes tournent. Pour ce repas, ce sont Samia et Abdel qui s'occupent du service.
Les apprenants s'occupent de tout, pratiquement de A à Z. Le menu est conçu par le chef, des sets de table sont réalisés par l'équipe et même les asperges sauvages de la tarte proposée ce mardi, ont été cueillies par leurs propres mains. L'agneau, pour le plat, n'a pas été tué par leurs soins mais acheté chez un boucher du centre-ville. "On s'efforce aussi de faire marcher les commerces de proximité et de proposer des légumes bios, de saison", reprend Eva.
Outre de recevoir des consignes en français, en cuisine, la confrontation avec la clientèle, en salle, est une autre paire de manches. Préciser le contenu des différents plats et répondre aux multiples requêtes des clients, peut s'avérer difficile. Même Abdel relève le défi même s'il lui arrive de confondre le vin avec le pain ! Mais au final, les deux finiront sur la table. Le jeune marocain, qui a atterri il y a quelques mois sur notre territoire, y prend goût : "je trouve ça génial ! Pour m'aider à parler, c'est très bien, maintenant j'arrive à m'exprimer seul".
Samia, sa coéquipière du jour, avait déjà acquis quelques notions dans son pays natal, l'Algérie. "Je me débrouillais déjà avec le français, mais surtout cela m'a donné envie de travailler comme serveuse, je vais peut-être faire un CAP, l'année prochaine."
"Plein de bonnes raisons de venir"
Un concept qui perdure et qui plaît aux habitués ou curieux venus déjeuner. La salle fait régulièrement le plein. "C'est un moyen d'insertion très intéressant", lâche Micheline, avant d'attaquer son plat. Son mari, Christian, prend le temps de développer son ressenti. "Ils apprennent un métier, une culture et ça nous permet de rencontrer des personnes différentes, des vieux, des jeunes... et en plus on mange bien". Mais pas question de tout leur passer, "on doit garder une certaine exigence, pour les aider", relève Micheline, qui semble apprécier les légumes de printemps.
Ces cinq amis, en ont fait leur rendez-vous mensuel. Ils se retrouvent pour déjeuner et partager un bon moment. "Il y a plein de bonnes raisons de venir ici. C'est convivial, le repas est bon et en plus c'est pour la bonne cause" reprennent-ils en coeur. "En plus, ce n'est pas comme un don quelconque. Il y a un intérêt, parce que l'on rencontre les personnes. Du coup, elles se sentent soutenues dans leur démarche parce qu'elles voient qu'il y a du monde qui répond présent", complètent les messieurs, au premier plan. Des bénéfices qui servent d'autofinancement pour l'association, qui organisent aussi des projections de films ou des expositions. Un moyen de donner de la matière, à l'appétit dévorant de ces apprenants de la France.
Corentin Corger
Pour participer au prochain repas du 10 avril, les inscriptions se font à l'adresse mail suivante : restodynamo@associationquartierlibre.com