FAIT DU JOUR Christian Perdrier : la lumière au bout du tunnel
À quelques heures d'un match décisif contre Lens aux Costières, les nîmois retiennent leur souffle et espèrent finir la soirée avec ces 42 points tant attendus, synonymes d'un maintien quasi assuré. Le président, Christian Perdrier, se livre pour remettre les choses à plat et faire un bilan de cette deuxième partie de saison historique, avant la rencontre qui se jouera à guichet fermé.
Objectif Gard. Les derniers matchs aux Costières ont avoisiné les 10 000 spectateurs, alors que le club peinait à en accueillir la moitié jusqu'à l'année dernière. Vous avez gagné votre pari ?
Christian Perdrier. Côté public, oui. On est une société de spectacle comme n'importe laquelle. S'il n'y a personne dans la salle, c'est que le spectacle est nul. Il fallait tout tenter pour voir ce qui marche, on a vu que la publicité dans les médias ne fonctionnait pas. Les 4 000 d'avant sont les "Jean Bouin" - je les appelle comme ça -, mais les 10 000 d'aujourd'hui sont un public nouveau, 80 % de jeunes. Ils ne lisent pas le journal mais sont sur internet. On a ciblé nos actions et on a embauché un community manager qui fait un boulot remarquable. Aujourd'hui, on récolte tout le travail qui a été fait sur le terrain et sur le plan marketing.
Tous les clubs professionnels sont actifs sur les réseaux sociaux depuis déjà longtemps. Vous avez rattrapé le retard.
Oui. Quand on dit qu'on a fait des miracles, je répond non. On n'a fait que notre boulot, on n'a rien inventé. Il fallait passer l'étape du 21 ème siècle et lançer l'opération Nîmes Olympique 2.0. Le club aura 80 ans l'année prochaine, regardons vers l'avenir pour nous demander : c'est quoi les 80 prochaines années ? Il faut s'adapter. Quand je suis arrivé, il y avait 40 % de billets gratuits, aujourd'hui on est à 15 %, donc je ne me suis pas fait que des copains. J'essaie d'emmener le club vers une autre dynamique, ça a été violent car j'ai bougé tout le monde d'un seul coup. Il fallait cogner vite, le club ne pourra pas monter en Ligue 1 sans ça. Il faut valoriser le passé, mais ne pas vivre dans le passé.
Dans une interview de 2015 dans Objectif Gard, vous disiez "le désamour du public est peut-être plus profond". Un an plus tard, on sent que le Nîmes olympique a regagné le cœur des supporters.
Pour retrouver l'amour d'une jeune femme, il ne suffit pas d'arriver avec une rose, il faut ramer un peu. Il y a aussi le fait que 9 joueurs sur 16 sur la feuille de match sont issus du centre de formation. L'amour du public oui, mais je crois surtout qu'il se rend compte qu'on est honnête, qu'on travaille dans la transparence avec une petite équipe. On n'a pas d'ennemi, on n'a que des cousins.
"On n'est pas dans une usine de poulets ici, ce n'est pas du bétail"
Cela vous donne encore plus confiance dans ce centre de formation.
C'était évident, vous ne pouvez pas ne pas investir sur la jeunesse. En tant que président, le résultat immédiat je m'en fous. Je suis à un âge où j'ai du temps devant moi, je ne fais pas ça pour un égo mais pour le club. Un gamin ne passe pas de 5 ans à 20 ans, il faut l'accompagner. Le problème d'un point de vu économique, c'est que beaucoup de clubs développent leur centre de formation pour vendre tout de suite leurs joueurs. Je suis contre, si on développe des joueurs c'est pour qu'ils jouent chez nous. On n'est pas dans une usine de poulets ici, ce n'est pas du bétail, on est là pour former des jeunes pour l'équipe première. On est entrain de réfléchir à une planification pour ne pas se retrouver avec trois gardiens demain matin, on a par exemple plutôt besoin d'un arrière gauche d'ici trois ou quatre ans.
Tous les clubs ne prennent pas le risque de titulariser un jeune du centre de formation alors que le club lutte encore pour le maintien.
Pour moi, le Nîmes Olympique de l'avenir, c'est un club 100 % nîmois, avec des anciens qui reviennent vers 28 30 ans. On voit des clubs avec de nombreux mercenaires sur le terrain, je ne veux pas de ça. On doit devenir le club de cœur de tous les clubs amateurs. Les pros ne sont qu'une émanation du centre de formation, il faut une connexion et c'est aussi l'intérêt d'avoir un entraîneur comme Bernard Blaquart. On le voit avec Sofiane Halakouch qui a fait ses débuts sur le côté gauche de la défense contre Tours vendredi dernier. Bernard l'a formé, donc il savait qu'il était prêt. Il faut ouvrir la porte pour qu'il y ait un appel d'air. Et depuis, cela a changé complètement l'atmosphère au centre de formation. Les jeunes se sentent beaucoup plus concernés.
Samedi matin, les supporters ont accueilli les joueurs en gare de Nîmes pour la deuxième fois et ont su se montrer exemplaires. Vous pensez que le club peut aller plus loin dans le lien avec ses supporters ?
On a un public extraordinaire très impliqué. On le voit avec les Gladiators qui sont aussi revendeurs de billets avant les matchs car ils ont envie de participer. On a plein de choses dans les tiroirs pour l'année prochaine. J'ai passé douze ans à Disney, donc la mise en scène et le spectacle, je sais faire. Mais il faut avant tout se maintenir. L'important c'était de nettoyer, ensuite de se maintenir et l'année prochaine sera l'année 1. Le vrai démarrage c'est l'année prochaine.
Ce soir, en cas de victoire, on pourra dire que le plus dur est derrière ?
Oui, avec 42 points, c'était l'objectif de début de saison même si je pense qu'au vu des matchs restants, 39 points peuvent suffire.
"Demain je mets de la bière dans le stade, je peux vous dire qu'il n'y aura aucun problème"
Vous regrettez la décision du Préfet d'interdire le déplacement des supporters lensois ?
Oui dans un certain sens car cela aurait emmené une certaine animation qui aurait pu avoir de la gueule. Maintenant je comprend les autorités, il ne faut pas prendre de risque. Malheureusement Lens a quelques spectateurs indélicats, on l'a vu au Havre et c'est dommage car cette réputation les suit. À un mois et demi de l'Euro 2016 admettons que cela dérape, comment expliquer après que les autorités pourront tenir un Allemagne / Angleterre s'ils ne sont pas capables de tenir un Nîmes / Lens?
On parle du retour de l'alcool dans les stades. Vous y êtes favorable ?
Bien sûr, l'alcool c'est la fête! Quand on dit que cela va provoquer de la bagarre, je n'y crois pas. Les gens se tiennent bien, tout est une question de mentalité. Et on le voit en Angleterre, pourtant ils sont plus violents que nous. C'est un faux problème, on n'est plus à l'époque des hooligans d'il y a 10 ou 15 ans. Demain je mets de la bière dans le stade, je peux vous dire qu'il n'y aura aucun problème. Et puis, si c'est pour boire dix bières dans le bar d'en face juste avant le match, c'est de l'hypocrisie.
On parle d'un rapprochement avec l'équipementier Puma pour la saison prochaine ?
Le contrat avec Errea arrive à échéance après 12 ans de partenariat. Tout le monde se précipite sur Nîmes, alors je me suis posé la question. Ils ont fait un très très bon boulot, mais je me suis dis qu'il était peut-être temps de changer et d'emmener une autre dynamique. On est dans la dernière ligne droite, je ne suis pas là uniquement pour acheter des maillots. Il faut que cet équipementier ait envie de nous suivre dans notre aventure. Si c'est simplement pour faire du business, ça ne m'intéresse pas. Il faut nous emmener autre chose que des maillots. Puma ce n'est pas encore finalisé, la décision va se prendre dans les jours à venir et on s'engagera pour trois ans.
Le maillot de cette saison a fait l'unanimité. Faut-il s'attendre à un nouveau design ?
Ce qui est sûr c'est qu'on n'aura pas de maillot de type "homme sandwich" avec de la publicité dans tous les sens. Moi j'aimais bien le maillot sans sponsor, mais Rani Assaf n'était pas forcément d'accord (rire). On restera dans le côté traditionnel. Finalement, on n'a pas été très fort en terme de vente car nous n'étions pas prêts, on n'avait pas de boutique sur internet et avons fermé la boutique en centre-ville. On s'est concentré sur d'autres priorités donc on n'a pas vendu autant de maillots qu'on aurait aimé. On a eu des problèmes de stock aussi. L'an prochain cela sera différent, on aura une boutique en ligne, on va agrandir celle du stade. Je fais très attention au maillot car dans une société de spectacle, les costumes des acteurs sont importants. Le col blanc, c'était en référence à Cantona quand il était à Manchester, j'ai toujours été impressionné par sa classe.
"Rani Assaf, sa vision, c'est la Ligue 1."
Vous avez tenté de renouer le contact avec Cantona ?
Pas encore mais on le fera, ça c'est clair. Comme avec Laurent Blanc sûrement, on a lancé les Crampons d'Or pour ça. Faire venir Cantona ou Blanc quand on est à 3 500 spectateurs, je ne suis pas sûr que ça les intéresse. Mais dans l'avenir, ça serait ridicule de ne pas se servir de ça, ils ont marqué leur époque.
Qu'en est-il des joueurs en fin de contrat ?
Pour l'instant, on ne sait pas si on est maintenu ou pas, donc je reste prudent. On n'a pas commencé à discuter avec qui que ce soit, c'est aussi ce que je vais leur dire avant le match : "gagnez ce soir et dès demain matin on discutera". Parce que si au dernier moment on se prend les pieds dans le tapis...Ok, on est presque au bout, mais je ne veux pas qu'ils se désunissent. Mounié est un cas particulier car il est en prêt. Même si on veut le garder, c'est le MHSC qui décide. Et eux aussi sont concentrés sur leur maintien à l'heure actuelle.
Comment se passe votre entente avec Rani Assaf ?
Il y en a un qui coupe les oignons, l'autre qui pleure (rire). C'est un investisseur extraordinaire, passionné de football. Il a des idées très précises sur son club, il nous donne l'axe à suivre. Beaucoup de choses vont se mettre en place une fois ce maintien obtenu. Sa vision, c'est la Ligue 1.
Y a-t-il une chance que ces huit points retirés soient à nouveau crédités ?
Je m'en fous, parce qu'on a gagné notre place sur le terrain. Après ce n'est qu'une question de gros sous et cela laverait notre réputation. On veut tourner la page, si on était dernier je ne dis pas, mais on a fait le boulot. Fin décembre, nous avions 10 points de retard, plus d’entraîneur, et deux victoires obtenues sur 19 matchs. Foutu pour foutu, je leur avais dit de ne plus faire de calcul et d'y aller à fond. Et ça a marché.
On parle d'intégrer le club féminin FFNMG au Nîmes Olympique. Qu'en est-il ?
Le football féminin va dans le sens de l'histoire puisque la fédération n'a pas caché que d'ici quelques années, tous les clubs pros devront avoir leur section féminine. C'est dans le sens de l'histoire. Ça tombe bien, à Nîmes il y a une équipe qui marche bien et qui demande à intégrer notre structure au travers de l'association du club. Je pense que le Nîmes Olympique 3.0 sera un club omnisports. Dans les années à venir, les collectivités vont donner de moins en moins d'argent, on le sait. Donc il faudra regrouper tout ça et mutualiser. J'ai un bus avec mon équipe qui pourrait servir pour le hand ou le rugby par exemple. C'est la suite logique.
Propos recueillis par Baptiste Manzinali et Anthony Maurin