FAIT DU JOUR Coronavirus : les associations caritatives face à la seconde vague sociale
La crise sanitaire sans précédent que nous vivons depuis le printemps se double d’une crise économique, dont les conséquences sociales sont palpables.
Dans le Gard, les associations caritatives se préparent à faire face à la seconde vague des conséquences sociales de la crise sanitaire et économique, et ce alors que leur activité est rendue encore plus difficile par une autre crise, celle du bénévolat. Nous sommes allés prendre la température sur le terrain.
On connaît l’histoire des Restaurants du coeur, créés il y a 35 ans par Coluche pour, pensait-on à l’époque, une durée très déterminée. Nous sommes en 2020, et l’association n’a jamais compté autant de bénéficiaires. Et ce n’est pas prêt de s’arranger avec la crise actuelle : « Nous sommes en période d’inscriptions pour la campagne d’hiver donc il est trop tôt pour savoir si on va avoir une recrudescence de bénéficiaires, pose le président des Restos du Coeur du Gard Bernard Boulery. Mais si on suit la même progression qu’à la fin de la campagne d’été, on atteindra au moins les 20% de bénéficiaires supplémentaires. »
La campagne d’hiver des Restos s’ouvrira le 24 novembre avec le retour d’expérience du premier confinement. Et il est édifiant : « les 6 et 7 mars, nous avions organisé, comme nous le faisons traditionnellement, une collecte nationale, rembobine Bernard Boulery. Normalement cette collecte nous permet de faire face aux besoins de demandes alimentaires pendant la période d’été, de juillet à septembre. Cette année, elle n’a pas tenu un mois. On a eu la sanction immédiate. » L’association a aussi élargi son activité, en mettant sur pied une maraude depuis cet été à Nîmes. « Quand on a commencé cette maraude, on avait environ 80 personnes par soir à qui on distribuait un repas chaud et un panier avec des denrées alimentaires et des produits d’hygiène, rejoue Bernard Boulery. Aujourd’hui, on en a plus de 200, principalement des gens qui sont à la rue. » Et le président des Restos du Coeur gardois alerte : « de nouvelles familles arrivent dans la rue, avec des enfants. »
« Nous avons vu arriver de nouvelles populations »
Du côté de la Banque alimentaire du Gard, les chiffres sont éloquents : « La crise que nous traversons entraîne une demande supplémentaire de denrées de la part de nos 80 partenaires dans tout le département de 25% », explique le président de l’association Joseph Pronesti. Dans de plus petites structures, comme l’épicerie solidaire de la Maison des alternatives solidaires de Bagnols, on voit aussi la seconde vague arriver : « On s'attend à une demande plus importante, explique la responsable de l’épicerie Emmanuelle Acloque. Pour l'instant, on ne ressent pas de demande croissante, mais on a des créneaux en plus où on peut accueillir des gens. » Pour l’heure, l’épicerie, accessible sur rendez-vous après fléchage par les services sociaux, accueille 36 familles par mois. Elle peut désormais en accueillir jusqu’à 60, après avoir reçu un financement dédié suite au premier confinement.
Même son de cloche à Alès, où le Secours catholique cogère avec trois autres associations, l’Entraide protestante, l’Armée du salut et Saint-Vincent de Paul, une épicerie solidaire, où les produits sont vendus à prix cassés. « Ces derniers temps ça concerne une trentaine de familles, mais ça ne veut pas dire que d’ici un mois d’autres familles ne vont pas être en rupture et auront aussi besoin de ce service », avance Anne-Marie Reboul, responsable de l’antenne alésienne du Secours catholique.
Pour expliquer cette hausse du nombre des bénéficiaires des associations caritatives, Bernard Boulery pointe une diversification du public due à la crise : « nous avons vu arriver de nouvelles populations à savoir des familles qui habituellement ne fréquentaient pas les Restos du cœur. Des gens qui pour une raison ou une autre, ont perdu leur emploi, non encore indemnisés ou des auto-entrepreneurs qui n’ont pas d’indemnisation. » Et le président des Restos du Gard de se remémorer sa rencontre, à Alès, avec un auto-entrepreneur « qui n’avait même plus ses économies puisqu’il les avait investies dans la création de son entreprise. »
« D’après les remontées de nos partenaires, de plus en plus d’étudiants font appel à l’aide alimentaire, affirme pour sa part Joseph Pronesti, de la Banque alimentaire. Mais aussi des personnes qui sont aujourd’hui au chômage, qui avaient des petits boulots d’intérim, qui travaillaient par-ci, par-là. » Bernard Boulery le rejoint sur les étudiants, « notamment des étudiants d’origine étrangère. » Il y ajoute une inquiétude pour une autre population déjà très fragilisée : « c’est un phénomène sur Nîmes qui nous préoccupe beaucoup, on a un nombre important de jeunes migrants, qui sont dans la rue d’ailleurs. »
« Nos stocks se réduisent dangereusement »
Pour faire face à cette crise, les associations caritatives doivent également composer avec un manque de bras, qu’il faut bien compenser. « Nous n’avons jamais arrêté la distribution, affirme Joseph Pronesti. Mais nos bénévoles sont pour la plupart des retraités. Nous leur avons demandé de rester chez eux et avons donc été obligés de recruter de nouveaux bénévoles, plus jeunes, de prendre des personnes en service civique. Nous nous sommes adaptés à la situation. » Son homologue des Restos du coeur gardois s’inquiète de cette situation, à l’aube de la campagne d’hiver : « la majorité des bénévoles des Restos du cœur sont des retraités et sont pour une grande majorité, âgés de 60-65 ans. Donc certains, et à juste titre, font valoir leur droit de retrait. Je n’ai, pour l’heure, aucune statistique précise sur la présence des bénévoles. » La présidente du Secours catholique d’Alès a cette statistique pour son association : « environ la moitié de l’effectif de nos bénévoles a dû se mettre en retrait, soit 45 personnes. »
Autre inquiétude, sans doute la principale : y aura t-il assez de denrées pour faire face à cette seconde vague sociale ? « Nos stocks se réduisent dangereusement, alerte Joseph Pronesti. Les fonds européens devraient être augmentés, la Région avec la Chambre d’agriculture nous font des dons de produits frais mais on compte sur la collecte nationale des 27 et 28 novembre pour nous aider à passer l’hiver. » Cette collecte représente environ 15% du stock de la Banque alimentaire. Pour la mener, 1 200 bénévoles seront présents dans 160 magasins du département.
Chez les Restos du Coeur, ce sujet est aussi source d’inquiétude. « Lors du premier confinement, nous avons pu assumer les sur-demandes. Est-ce que nous pourrons supporter un deuxième choc ? La question se pose », souffle Bernard Boulery. Alors dans ce contexte, le président des Restos du Coeur gardois « suppose que l’État va continuer à aider les associations caritatives comme lors du premier confinement, mais nous avons déjà des instructions qui arrivent du national et il semble que nous soyons sur une tendance de réduction des volumes de denrées alimentaires distribuées. Par exemple, jusqu’à présent pour une famille, nous attribuons pour une semaine et par personne 1,5 litre de lait. On nous demande de réduire à un litre. »
Dans ce contexte, les dons sont plus que jamais nécessaires. Comme cité plus haut, la Banque alimentaire organise sa collecte nationale les 27 et 28 novembre, et la campagne d’appel aux dons du Secours catholique, qui permet à l’association de fonctionner, va débuter prochainement.
Stéphanie Marin (à Nîmes), Corentin Migoule (à Alès), Marie Meunier (à Bagnols) et Thierry Allard