FAIT DU JOUR Dans le Gard, la pauvreté continue d'inquiéter et gagne du terrain
Ce n'est pas un secret, l'Occitanie ne fait pas partie des régions les plus aisées financièrement. En 2020, 16,8 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Ce même institut affirmait le mois dernier que "la pauvreté monétaire était plus répandue en Occitanie qu'en France métropolitaine, particulièrement dans les départements du littoral et dans les espaces ruraux".
Selon les chiffres fournis par l'Institut, ce sont les moins de 30 ans qui sont les plus touchés par la pauvreté : presque 30 % de cette tranche d'âge dans le Gard, pour environ 23 % à l'échelle nationale. Les familles monoparentales constituent le type de ménage le plus touché avec plus de 35 % de cas dans le département, un chiffre qui avoise les 28 % en France.
Une alerte partagée par l'adjoint à la ville de Nîmes en charge de la Politique de la ville, François Courdil. Ces inquiétudes dépasseraient même le cadre des QPV (Quartiers prioritaires de la ville), la pauvreté serait aussi dans d'autres territoires de la cité romaine, des "poches sociales" comme il l'explique. "On a identifié des besoins spécifiques sur le quartier de la Placette, une partie de celui des Oliviers et le quartier des Jonquilles", décrit l'élu nîmois. Toutefois pour d'autres quartiers très précaires comme celui de Gambetta, il souligne la solidarité très présente et la création constante : "Il y a beaucoup d'auto-entrepreneurs là-bas", ajoute-t-il.
Tout comme les chiffres de l'INSEE, François Courdil estime que les familles monoparentales, et surtout les mères isolées, ont de plus grandes chances d'être en situation de pauvreté. Mais il ne faut pas oublier non plus les seniors : "J'ai mené une étude diagnostique concernant ce type de population dans les quartiers prioritaires de la ville. Jusqu'ici on ne traitait pas cette question spécifiquement, mais on s'est rendu compte qu'il y avait un souci", confie-t-il. Enfin, la jeunesse, victime d'un fort taux de chômage, est aussi très surveillée.
Le Secours Catholique inquiet à son tour
Depuis près de 30 ans, le Secours Catholique publie chaque année son rapport sur l'état de la pauvreté en France. Il y a un peu moins de deux semaines, le bilan 2023 a été dévoilé. Il résulte de données collectées en 2022, par l'étude de près de 50 000 fiches statistiques, comprenant des informations sur la démographie, la situation face à l'emploi, les ressources et conditions de vie des personnes rencontrées dans les 72 délégations de l'association. Le Gard y est bien évidemment représenté.
Selon le rapport, l'aggravation de la pauvreté depuis 2022 et tout particulièrement pour les femmes est accentuée par la forte hausse de l'inflation (+6,8 % pour l'alimentation et +23,1 % pour l'énergie l'année dernière). Ainsi pour rappeler quelques tristes chiffres, parmi les personnes rencontrées par le Secours Catholique dans le Gard, 95 % d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté (estimé à 1 211 euros) et 65 % des personnes rencontrées sont considérées en situation d'extrême pauvreté.
"J'avais l'impression que la vie s'acharnait sur certaines familles"
Vice-présidente au conseil départemental en charge de la Politique de la ville, Amal Couvreur n'est pas surprise de voir des chiffres aussi inquiétants. Avec trois permanences par mois, l'élue a souvent rencontré des familles monoparentales, où la question du logement posait problème. "Parfois, je voyais aussi des personnes personnes porteuses de handicap comme l'autisme. Pour certaines d'entre elles, j'avais l'impression que la vie s'acharnait", déplore Amal Couvreur. Pour elle, l'accentuation de la pauvreté est également due à la réforme de l'allocation logement, entrée en vigueur au 1er janvier 2021. Le montant alloué est désormais actualisé tous les trois mois, prenant en compte la base des revenus sur les douze derniers mois : "Cela a fait énormément de dégâts", souffle-t-elle.
Amal Couvreur délivre quelques chiffres sur l'accompagnement de certaines personnes par le Département. Ainsi, ce sont plus de 3 000 personnes qui bénéficient de la Prestation de compensation du handicap et plus de 17 000 personnes disposent de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA), destinée aux personnes âgées. Mais le souci de pauvreté concerne également les jeunes, et surtout les 18-25 ans : "Cette tranche d'âge échappe à la solidarité nationale puisque pour demander le RSA par exemple, il faut être âgé de 25 ans minimum", souligne-t-elle. Cependant, certains départements comme celui du Gard proposent des aides pour les jeunes de cette tranche d'âge. La région Occitanie a quant à elle récemment annoncé la gratuité des transports régionaux liO pour les 12-26 ans.
Les associations montent au créneau
L'appauvrissement du département du Gard est également constaté par les associations du territoire. La Pléïade, située dans le quartier du Mas de Mingue, en fait partie. Pour Soukaïna Benjaafar, sa présidente, le Covid a été un point de bascule. "Les aides allouées à la sortie de la pandémie pour endiguer la vague de pauvreté ont permis de tenir la barre, mais une fois qu'elles se sont arrêtées, on n'a pas pu rattraper derrière", explique-t-elle avant d'indiquer que des familles calculaient à l'euro près leur consommation d'électricité et refusaient parfois de se chauffer. Les factures s'envolaient, elles étaient parfois multipliées par 2,5. Une conséquence entraînant la réduction de dépenses sur la nourriture ou les loisirs. Soukaïna propose la revalorisation des chèques alimentaires et un accès abordable aux repas pour les jeunes pour aider ces familles : "Pour certains enfants, le repas de la cantine est le seul de la journée", alerte-t-elle.
L'association Ensemble, basée route de Beaucaire, a pour objectif le développement culturel et social. Son président Salim El Jihad partage le même constat que les autres intervenants : "On trouve de nombreuses familles en difficulté avec leur logement. De plus, le Centre médico-social (CMS) dans le quartier est complètement débordé", affirme-t-il. Mais pour lui, la mixité sociale fait la richesse de ce quartier et il y voit un grand élan de solidarité. Salim livre enfin un autre point de vue : la pauvreté éduque à l'humanisme et les personnes les plus démunies sont les plus solidaires, faisant notamment référence à la présence de jeunes du Chemin-Bas-d'Avignon lors des maraudes.