FAIT DU JOUR Fin de la voiture thermique, hydrogène vert et ZFE : la mobilité de demain se dessine à Alès
Depuis hier et jusqu'à ce soir, la 14e édition des Rencontres internationales des véhicules écologiques (RIVE) bat son plein au Pôle mécanique Alès-Cévennes. Selon le même process que d'ordinaire, un parterre de personnalités prestigieuses tente de relever le défi de l'urgence climatique en (re)pensant les mobilités de demain, qui sont déjà celles d'aujourd'hui...
Ceux qui sont rompus à l'exercice des Rencontres internationales des véhicules écologiques (RIVE) pourraient être tentés de souligner la redondance des discours, laquelle tend à donner l'impression que "le temps est long entre la phase de recherche et la mise en œuvre", tel que l'a exprimé lors des discours inauguraux Christophe Rivenq, "ardent défenseur de l'hydrogène dont on parle depuis 50 ans". Lorsqu'elles ont été initiées par le dernier nommé avec le concours de Max Roustan et du père-fondateur Marc Teyssier d'Orfeuil en 2010, les RIVE se préparaient déjà à relever les défis environnementaux de demain.
Treize ans plus tard, alors que la 14e édition s'est ouverte au Pôle mécanique ce mercredi 5 juillet au lendemain de "la journée la plus chaude de l'histoire dans le monde", l'urgence climatique semble se faire de plus en plus pressante. De réchauffement de la planète, d'hydrogène vert et de véhicules électriques, entre autres, il était déjà question lors de la dernière édition alésienne il y a deux ans. Parce qu'elles ne sont pas résolues, ces préoccupations étaient naturellement une nouvelle fois à l'ordre du jour ce mercredi.
Au frais, dans la salle de réception du bâtiment l'Ingénium, décideurs publics et privés, élus locaux et ministres d'ici ou d'ailleurs ont esquissé la mobilité - durable - de demain, qui est déjà celle d'aujourd'hui. Au rayon des "nouvelles orientations", Marc Teyssier d'Orfeuil, surplombant la piste vitesse du Pôle mécanique, a suggéré à l'assistance de prendre sans hésiter l'autoroute du rétrofit, de l’hydrogène vert et des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) auxquelles il serait à ses yeux de bon goût d'ajouter les véhicules au bioéthanol.
Ce à quoi a abondé Alexis Landrieu, lequel a fondé en 2011 Biomotors, un concepteur de boîtier éthanol qui assure la conversion vers l'E85 de votre auto fonctionnant à l'essence. "La vignette Crit'Air 1 devrait être donnée aux détenteurs de véhicules bioéthanol au même titre que le GPL", clame-t-il. En effet, bien que le superéthanol E85 soit un carburant jugé moins polluant, le texte de loi concernant les ZFE et les vignettes Crit’Air visant à lutter contre la pollution de l'air ne contient pas d’aménagement spécifique pour les véhicules utilisant ce biocarburant. Les véhicules fonctionnant au bioéthanol sont donc classés dans la même catégorie que leurs homologues essence en fonction de leur norme Euro et de leur date d’immatriculation.
"Non, nos métropoles ne seront pas fermées aux véhicules diesel en 2025"
Ce qui peut être fâcheux pour les usagers qui misaient sur la facette plus écologique de l’éthanol afin de circuler dans les onze grandes villes appliquant une ZFE depuis le 1er janvier 2023. Et tandis que certaines agglos dont celles de Reims et de Montpellier ont voté des dérogations, l'application des restrictions "ZFE" s'étendra à 43 autres agglomérations (toutes celles dont la population est supérieure à 150 000 habitants, donc pas Alès) en 2025. À ce sujet, "pas de panique" rétorque le député des Yvelines Bruno Milienne. Spécialiste de la question, le dernier nommé aurait beaucoup aimé "ferrailler" avec le député gardois Pierre Meurin, lequel faisait partie de la liste des intervenants de la conférence ZFE-m. Mais, retenu pour un problème de… transport, l'élu RN se présentant comme "un automobiliste militant" a manqué ce rendez-vous qui lui aurait permis d'exprimer des positions divergentes (relire ici).
"2025 c’est la ligne de départ. 2032 notre ligne d’arrivée. Non, nos métropoles ne seront pas fermées aux véhicules diesel en 2025. Ne vous inquiétez pas ! Et, de grâce, pas de politisation de l’outil ZFE", a donc profité de glisser Bruno Milienne, absent lui aussi, mais ayant adressé une vidéo aux organisateurs. Un peu plus tôt dans la matinée, Nicolas Rialland, porte-parole de la Collectivité bioéthanol, avait assuré la promotion de l'E85. "En France, plus de 3 500 stations proposent du bioéthanol. Bien qu'il ne représente que 7 % des essences consommées, plus de 200 000 personnes en profitent au quotidien", a affirmé celui qui est aussi directeur général de la CGB. Les automobilites concernés bénéficient ainsi d'une économie de "500 euros dès 13 000 kilomètres parcourus", puisque le prix du litre se situe très légèrement au dessus d'un euro.
Trouver le bon dosage entre "l’incitation et la contrainte"
Déjà présent en 2019 lorsqu'il était ministre de l'Écologie, François de Rugy était du rendez-vous alésien ce mercredi. Invité par le maître de cérémonie à donner son avis au sujet d'un supposé "manque de pédagogie et de communication autour des ZFE", l'ancien président de l'Assemblée nationale s'y est attelé sans ambages : "Il y a un problème qu’on n’assume pas pleinement. Tout le monde est pour la qualité de l’air. Mais quand on dit que pour lutter contre ce problème il va falloir prendre quelques mesures un peu contraignantes, ça coince ! Je pense que c’est une question de dosage entre l’incitation et la contrainte sur laquelle il faut travailler."
Sans se risquer à donner un nombre précis de morts qu'ils ont générés, François de Rugy a aussi rappelé à l'auditoire qu'à "chaque fois qu’il y’a des pics de pollution mesurés, il y a un pic d’hospitalisations pour des bronchiolites derrière". Une manière d'expliquer qu'il y a urgence à agir, bien que "les choses se feront progressivement". "Il faut arrêter de dire aux gens qu’ils vont devoir passer d’une voiture diesel d’occasion achetée 3 000 euros il y a quinze ans, à une voiture électrique neuve haut de gamme à 70 000 euros", a ajouté le dernier nommé. Et de poursuivre : "Cette personne devra plutôt acheter une voiture retrofitée, ce qui constituera déjà une progression."
À ses côtés, Marc Lejeune, directeur "Business Intelligence" de Renault Trucks, s'est lui aussi montré enclin à envisager des solutions "rationnelles" et "acceptables" par le plus grand nombre. À ce titre, le concessionnaire poids-lourds a fait un pari, celui de réaliser "la moitié" de ses ventes en électrique en 2030. De pari il a aussi été question pour Pierre de Firmas, directeur du programme de Mobilité électrique d'Enedis. À l'heure où le développement de l'hydrogène semble sujet à des lenteurs, "l’électricité va être le principal levier de décarbonation du transport" a-t-il annoncé.
"Une borne de recharge tous les 60 kilomètres"
Dans l'Hexagone, en 2023, un véhicule sur cinq acheté neuf serait de nature électrique ou hybride. "En 2035, 40 % du parc automobile français sera électrifié", prévoit Pierre de Firmas, désireux d’accompagner cette "transformation fondamentale". Dans la même veine que François de Rugy avant elle, Pascale Boyer, députée des Hautes-Alpes, a prévenu : "Tout le monde ne pourra pas acheter une voiture neuve électrique dans les prochaines années. Il faut accélérer les efforts en matière de rétrofit des voitures. Pour ça, il faut des aides assez conséquentes pour passer du moteur thermique au moteur électrique."
L'élue, également présidente de la commission Développement durable à l'Assemblée, a par ailleurs insisté sur le "nécessaire maillage territorial" en matière de déploiement de bornes de recharge de voitures électriques, largement "insuffisant" à ses yeux pour l'instant. Fidèle des RIVE, première femme à la tête de la "très conservatrice" commission Transports au Parlement européen, Karima Delli a rassuré son monde : "La feuille de route, c’est d’imaginer qu’il y aura une borne de recharge tous les 60 kilomètres sur le réseau central. On vient d’atteindre les 100 000 bornes dans le pays. On a un peu de retard puisqu’on aurait dû y être il y a trois ans, mais on est malgré tout le pays d’Europe le mieux doté en la matière derrière les Pays-Bas."
"On s’est très bien occupé de la France des centres-villes. On doit maintenant s’occuper de la France des périphéries. C’est là où vivent les gens qui roulent le plus. Or la voiture électrique n’est rentable que si elle roule", a enchaîné l'eurodéputée écologiste, laquelle porte par ailleurs le "ticket climat", soit un ticket bon marché visant à généraliser le transport ferroviaire au bénéfice des plus modestes . Les ardents défenseurs de la mobilité électrique se sont peut-être trouvés un allié de circonstances - et de poids - en la personne de Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies. Absent lui aussi, l'ancien élève de l’IMT Mines Alès avait pris soin d'expédier une vidéo. "Une partie de nos clients va disparaître avec l’électrique. Il faut pouvoir offrir à ces derniers des bornes de recharge rapide pour les trajets longs. Pour ça il faut équiper les autoroutes", a analysé celui qui a ainsi acheté "40 % des concessions autoroutières" du pays.
"Ce qui n'a pas d'avenir, c'est la voiture thermique"
Conscient qu'il faut aussi "travailler sur des carburants aériens durables", le PDG de TotalEnergies a confié son ambition de rafler "10 % du marché mondial" en la matière d'ici 2035. Et d'ajouter, à l'attention de ceux qui en auraient douté : "Le tiers de nos investissements est consacré à la décarbonation !" Ce n'était pas forcément sa vocation première, mais elle a sonné comme une conclusion. L'intervention du ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, elle aussi préalablement enregistrée et donc projetée à l'assistance, a clos les débats de la première session des RIVE, lesquelles se poursuivent ce jeudi.
"Les transports sont le premier secteur émetteur de gaz à effets de serre du pays avec 30 % de nos émissions totales. Il y a une urgence à agir plus vite et plus fort car c'est le secteur le plus en retard sur sa trajectoire de décarbonation pour tenir nos engagements internationaux avec l'objectif de la neutralité carbone d'ici 2050", a entamé le ministre. Et d'enchaîner : "Ne nous leurrons pas. La voiture est, au quotidien, pour la plupart des Français, vitale. Ce qui n'a pas d'avenir, ce n'est pas la voiture, c'est la voiture thermique. À L'État, aux industriels et aux élus locaux de créer les conditions de cette nécessaire transition." D'ailleurs, parce que les élus locaux sont selon lui "les hussards verts de la transition énergétique", il n’y aura "pas de planification sans territorialisation". Ils ne demandent qu'à voir !
Ils ont été récompensés
Des mains de Marc Teyssier d'Orfeuil, la députée européenne Karima Delli a reçu "le prix de l’engagement des Rive", matérialisé par un trophée fait de bois et de lichen. Après elle, la députée Pascale Boyer, le maire d'Alès Max Roustan et le président d'Alès Agglo Christophe Rivenq ont reçu la même récompense (notre photo).