FAIT DU JOUR La pépinière "La Station" : le lien entre les entreprises à l'épreuve de la covid-19
Intégrer un réseau professionnel fait partie de l'ADN des pépinières d'entreprises. Mais le télétravail massif et le renforcement des mesures sanitaires permettent-ils aux entreprises de maintenir un lien entre elles ?
442, rue Georges-Besse à Nîmes. À cet endroit précis se dresse fièrement une pépinière d'entreprises gérée par le BIC Innov'up, une structure spécialisée lancée il y a une trentaine d'années par la Chambre de commerce et d'industrie du Gard. Les avantages pour les entrepreneurs qui s'y installent sont multiples. Ils bénéficient notamment d'un accompagnement à la création et au développement de leur structure. S'ajoute à cela, un accès à un réseau de chefs d’entreprises, d’autres porteurs de projet, et de partenaires potentiels.
Un réseau, un lien qui se construit souvent dans les parties communes de la pépinière nîmoise, dans la salle de repas, de détente, autour d'un café ou de la table de ping-pong à l'occasion d'un tournoi improvisé. Des parties communes qui sont aujourd'hui vides ou presque. D'abord parce que le télétravail est toujours d'actualité dans certaines entreprises, pas à 100% comme c'était le cas pendant le confinement, mais deux à trois jours par semaine.
Le travail à domicile permet une certaine flexibilité et un gain de temps, deux avantages non négligeables selon Alain Godot, président-fondateur Innowtech. Cette start-up installée depuis juillet 2019 à "La Station" - elle a également des locaux industriels à Bagnols-sur-Cèze pour le montage et les essais de systèmes en lien étroit avec le secteur du nucléaire - développe des briques technologiques pour composer des produits ou des solutions de haute technologie utilisable en milieu hostile.
Deux avantages qui ne compensent toutefois pas la perte du lien social. "Le relationnel entre les collaborateurs n'est pas le même en visioconférence ou au téléphone", lance Alain Godot. Partageant cet avis, Guilhem Tuffery, fondateur d'Urbassist - la start-up a lancé le premier assistant pour déclarer ses travaux en ligne - ajoute : "Le travail, c'est aussi une expérience humaine, des échanges entre les collaborateurs. C'est pourquoi, il a fallu trouver un compromis entre le télétravail et le présentiel."
Une présence au bureau qui s'accompagne depuis le 1er septembre d'une nouvelle mesure sanitaire imposée par le Gouvernement : la systématisation du port du masque dans toutes les entreprises privées et publiques, que ce soit dans les open-spaces, les salles de réunion, les couloirs et espaces de circulation, les vestiaires, les accueils, les espaces café, cafétérias, selfs, etc. "Une contrainte supplémentaire mais nous devons faire avec", juge Alain Godot.
"Ce n'est certes pas agréable, pas confortable", intervient Benjamin Néel, co-fondateur de LabOxy (spécialiste de solutions digitales pour la "recherche & développement" et les financements de l’innovation). Mais il comprend l'application du principe de précaution : "Mais on joue le jeu. Nous aurions plus à perdre à être placés en quatorzaine qu'à porter le masque." Un discours repris chez StartingBloch. Le fondateur, Jean-François Bloch est d'ailleurs ravi de retrouver ses salariés au bureau. "Le télétravail n'a pas été facile à gérer pour ma part. Nous avons quatre postes différents, la technique, le juridique, le business et la direction. Chacun doit communiquer avec les autres et j'ai trouvé ça très compliqué sans outil adapté." La société propose un accompagnement personnalisé dans l’élaboration, la gestion et l’optimisation d’une stratégie de propriété intellectuelle.
Le renforcement du protocole sanitaire a entraîné la fuite des parties communes au sein de la pépinière d'entreprises. "On mange sur nos bureaux. Depuis que je suis revenu dans nos locaux, je ne suis pas allé une seule fois dans la cuisine partagée", regrette Benjamin Néel. Le silence règne dans cet espace habituellement propice aux échanges.
"On parlait de tout, de travail, on se donnait des tuyaux. Aujourd'hui, ça a disparu - même si le BIC Innov'up met en place des actions pour maintenir un minimum de lien - et ça manque surtout dans ce contexte si particulier. Ça enlève de l'ADN de la pépinière", explique le co-fondateur de LabOxy.
Jean-François Bloch partage ce même constat : "Finalement, ce n'est pas le protocole sanitaire en lui-même qui pose problème, mais ce sont les à-côtés". Il regrette, outre les échanges à l'heure du déjeuner, "ces moments conviviaux autour de la table de ping-pong". S'ils sont plus rares, ces moments ne sont pas si loin, jeudi dernier, au sortir de notre rendez-vous, Jean-François Bloch, ses salariés et d'autres équipes de la pépinière avaient prévu de se retrouver. Autour d'un verre cette fois-ci.
Stéphanie Marin