FAIT DU JOUR Le danger des médicaments anti-rhume
Ce lundi 23 octobre, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a fortement déconseillé les médicaments vasoconstricteurs par voie orale. Destinés à déboucher le nez, ces produits peuvent provoquer, dans des cas très rares, des infarctus ou des AVC.
Le rhume guérit spontanément entre sept à dix jours. Des médicaments peuvent toutefois aider à soulager l’inconfort lié à ces symptômes. Mais l’ANSM vient de fortement déconseiller l’utilisation de cachets à avaler distribués sous les marques Humex, Nurofen Rhume, Dolirhume, Actifed Rhume. Ils peuvent s'avérer dangereux pour la santé. Les risques sont faibles mais ils existent, quelles que soient la dose et la durée du traitement. “L'Actifed Rhume me soulageait vraiment, il m'aidait à dormir quand j'étais enrhumée. Il y a trois ans, j’ai senti mon coeur s’emballer et s’accélérer suite à la prise du médicament. Depuis, j’ai décidé de ne plus en prendre", confie Manon. En découvrant les nouvelles recommandations, la jeune Nîmoise n'a finalement pas été tant surprise.
Ces médicaments sont composés de la molécule pseudoéphédrine. Elle permet certes de déboucher efficacement le nez, mais pose problème. Quand la molécule agit, elle rétrécit la taille des vaisseaux sanguins ce qui peut provoquer des maladies cardiaques dans certains cas. L’ANSM n’a pas pu interdire la vente de ces produits. Une enquête exigée par l’Union européenne est en cours.
Le rôle des pharmaciens
Ces médicaments sont vendus sans ordonnance en pharmacie. Mais dans les officines gardoises, la vigilance était déjà de mise. Ce mardi, à la pharmacie de l’Hôtel de ville d’Alès, Laurence Herbaux admet : “Ce n’est pas un produit que je conseillais de toute façon, ça ne changera pas notre conseil de tous les jours”. Les professionnels de santé recevaient déjà depuis plusieurs années des recommandations. Tiffany Serrano, pharmacienne nîmoise, explique : “Nous connaissions déjà les risques, ce type de médicament ne peut pas convenir à tous, il ne peut surtout pas être pris en même temps que certains traitements ou maladies”.
Les pharmacies ont reçu ce mardi 24 octobre un communiqué de l’ANSM. “Il ne faut plus délivrer ces produits sauf sous conditions strictes”, explique la pharmacienne de la pharmacie des Arènes. Son rôle est d’orienter les clients vers d’autres traitements. Il existe des alternatives plus naturelles avec des médicaments à base de plantes ou des huiles essentielles. “On essaye surtout de conseiller le lavage nasal afin de prévenir le foyer infectieux car c’est de là d'où part le rhume”, informe Tiffany Serrano. La pharmacienne alésienne préfère, elle aussi, inciter au lavage de nez plutôt qu’au médicament miracle.
Un produit moins à la mode
Malgré les trois millions de boîtes vendues en 2022, la vente de ces produits pharmaceutiques est en baisse depuis quelques années. “Au final, on en vend très peu, sauf pour ceux qui tiennent absolument à ça. C’était plutôt la grande mode dans les années 90”, indique Laurence Herbaux. L’Actifed était alors l’une des stars des rayons de pharmacie.
La pharmacienne d’Alès pense que l’interdiction interviendra bientôt de la part de l’Union européenne : "Ce n’est pas très bien de maintenir un produit sur les marchés s’il y a autant de recommandations. Oui, je pense que ce sera interdit à terme”. En France, 150 000 personnes sont atteintes d'AVC chaque année. C’est la première cause d'handicap acquis par des patients qui gardent de lourdes séquelles.
"Le rapport bénéfice-risques est en défaveur"
L’Ordre national des pharmaciens et les syndicats de pharmaciens d’officine ainsi que le Collège de la médecine générale et le Conseil national professionnel d'ORL rejoignent l'ANSM dans ses conclusions. “C’est quelque chose de logique au vu de ce qu’on sait à propos de ces médicaments. Ça fait un moment qu’on fait preuve de précaution avec ce genre de médicaments qui ont d’autres effets secondaires gênants, au-delà des effets graves”, pointe le Dr Frédéric Jean, généraliste au Mas de Mingue à Nîmes. Il ajoute : “C’est assez incompréhensible que ce soit encore en vente libre en pharmacie. Le remboursement a été supprimé car le rapport bénéfice-risques est en défaveur.”
Le médecin a bien conscience que l’obstruction nasale est un symptôme gênant mais “il est bénin et disparaît rapidement”. Il conseille aux personnes malades de se nettoyer le nez avec du sérum physiologique ou de l’eau salée. C’est efficace et sans risque. Son confrère, Philippe Serayet, généraliste et président de la Maison de santé pluriprofessionnelle de Remoulins, approuve. Lui recommande aux patients de bien s’hydrater également : “Ce n’est pas le virus mais l’inflammation (réaction immunitaire) que l’on combat. C’est ça qui va générer les symptômes gênants. La première façon de les combattre, c’est de s’hydrater.”
Il poursuit la métaphore : “Une inflammation, cela correspond à un incendie et pour le neutraliser, on n’a rien inventé de mieux que de l’arroser”. Il préconise aussi le paracétamol qui est “le traitement avec le meilleur rapport bénéfices/risques” quand il est employé seul et ponctuellement. "Pour connaître les doses de médicaments, il ne faut pas hésiter à se tourner vers son médecin traitant ou son pharmacien”. Il veut aussi rappeler que les antibiotiques ne sont pas “appropriés” face aux maladies virales.