FAIT DU JOUR Le SDF de la rue de l'Aspic hébergé par des Nîmois
Alors qu'il faisait la manche dans la rue de l'Aspic à Nîmes, François Bonheur a été sorti de la rue par un couple de Nîmois qui l'héberge depuis trois ans.
Lorsque l’hiver est là qui montre les crocs, la question des personnes sans domicile fixe (SDF) revient sans cesse avec son lot quotidien de drames. Pour François Bonheur, les fêtes de cette fin d’année lui ont laissé une fois de plus un goût amer. Même s’il est aujourd'hui dans une position plus favorable que ses compagnons d'infortune grâce à la générosité d’un couple de Nîmois rencontrés rue de l'Aspic, son territoire de mendicité.
Le tourbillon de la vie
François Bonheur, retraité de 68 ans originaire de Lille, s’est retrouvé à la rue rapidement après avoir effectué les démarches de demande de retraite à Tarascon en 2017. « Tout était complet mais depuis, aucune nouvelle », indique François, divorcé et père d'un enfant. Sans nouvelles de l’administration française, cet ancien militaire a rapidement été emporté par le tourbillon de la vie. Ses économies ont fondu comme peau de chagrin. En 2020, incapable de payer son loyer, sans nouvelles de sa pension de retraite et rayé des listes du Revenu de solidarité active (RSA), ce Ch'ti d’origine est contraint de faire la manche à Nîmes, rue de l’Aspic. « J’ai fait les commandos en Afrique puis toutes sortes de boulots. Maçon, peintre en bâtiment... Je n’ai pas complété toutes mes annuités, mais je ne mérite pas de me retrouver à la rue, sans un centime », lance le retraité, dépourvu de toute source de revenu.
Les joies de l'administration
Caroline, une cliente de la rue de l'Aspic, une artère commerçante nîmoise, commence par lui donner la pièce. Puis au fil des discussions, elle décide d’accueillir le SDF chez elle, dans sa villa située sur les hauteurs de la ville. Ainsi depuis trois ans, la Nîmoise et son mari Jean-Christophe* installent François dans un petit studio planté dans le jardin à côté de leur maison. À proximité d'une piscine. Prison dorée mais refuge providentiel. Et puis le couple de bienfaiteurs s’attèle au dossier retraite de leur protégé. Ils redemandent l'obtention du RSA, obtenu puis annulé, à la suite d’une convocation reçue trop tard. Caroline se rend alors à Marseille et s’aperçoit que le dossier est en cours de traitement depuis deux ans et demi et qu'il reste en suspension entre Tarascon et la cité phocéenne, intangible. Dans un vide intersidéral, comme si François n’existait plus. Dans les méandres des deux Centres communaux d'action sociale (CCAS), absolument personne ne sait mettre la main sur ce dossier, et encore moins le débloquer. Une situation ubuesque qui plonge le Nîmois dans l'abattement. « Quand on voit à Nîmes que n’importe quel migrant est immédiatement logé dans un hôtel et que nous qui avons travaillé toute notre vie, on dort dehors. On se dit que quelque chose ne tourne pas rond ! », s’exclame François, au bord de la crise de nerfs.
Féminisation
Dans un pays riche comme la France, la dimension éthique est d’autant plus critique qu’elle se voit tous les jours dans la rue, comme le contraste accentué d'une photographie. Estimés par l’Insee à 70 000 en 2001, la fondation Abbé Pierre chiffre le nombre de SDF à plus de 330 000 aujourd'hui. L’Insee s’apprête à lancer cette année une grande enquête nationale par sondage, la troisième édition, avec la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Selon Julien Darmon, un million de personnes, aujourd’hui en France, estiment avoir vécu, au cours de leur existence, une telle situation. « Se pencher sur les SDF, c’est aborder un concentré de tous les problèmes sociaux (chômage, permanence et mutations des inégalités, évolutions de la famille, tensions sur le marché du logement) et un précipité des difficultés de l’action publique », indique l’écrivain. De plus, les études menées sur les dernières décennies indiquent que les populations exposées au mal-logement ont une certaine tendance à se féminiser, dénonce le 28e rapport de la fondation Abbé Pierre sur l'état du mal-logement en France de 2023.
Caroline et Jean-Christophe ont tout essayé pendant trois ans mais rien n’y fait. Les Nîmois ne lâcheront pas François, c’est une question de responsabilité collective, d’humanité. Impossible d’accepter cette situation. Leur engagement à faire avancer les choses ne faiblit pas. François lui, a joué sa dernière carte. Il a finalement remis son dossier entre les mains d’un défenseur des droits à la préfecture de Nîmes. Une bouteille à la mer, comme un dernier cri.
Féminisation
Baromètre du 115 (22/08/22) - France métropolitaine et Outre-mer 26 744 femmes seules avec enfants en hébergement d'urgence (soit 34 % du total des personnes hébergées en famille cette nuit-là). 893 femmes seules avec enfants en demande non pourvue (DNP) (soit 29 % du total des DNP). Source: UNICEF - Fédération des acteurs de la solidarité - baromètre enfants à la rue