Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 30.10.2020 - thierry-allard - 5 min  - vu 4087 fois

FAIT DU JOUR Les commerces « non essentiels » reconfinés et obligés de s'adapter

Emmanuel Andrieu, gérant de la boutique Janîmes (Photo : Stéphanie Marin / Objectif Gard)

Ils ont beau être catégorisés comme « non essentiels » par le Gouvernement, les librairies, magasins de vêtements, bijouteries, coiffeurs ou encore magasins de jouets font partie de nos vies.

Une vie mise une nouvelle fois entre parenthèses par la covid-19 et le reconfinement annoncé mercredi soir par le président de la République Emmanuel Macron. À l’aube d’une nouvelle fermeture de quinze jours minimum et plus sûrement d’un mois, nous sommes allés à la rencontre de celles et ceux qui tiennent ces commerces aux quatre coins du Gard.

Ils avaient été pris d’assaut lors du déconfinement en mai dernier, et s’apprêtent de nouveau à ranger les ciseaux : les coiffeurs n’ont pas chômé pour leur dernier jour d’ouverture. « Depuis hier (mercredi, ndlr), nous affichons complet », affirme Dominique Dumas, qui gère le salon de coiffure « Les Coiffeurs », rue des Greffes à Nîmes depuis vingt-cinq ans. Un rebond après un creux post-déconfinement : « depuis juin nous notons une nette baisse d’activité », explique-t-il.

Dmominique Dumas, gérant du salon de coiffure "Les Coiffeurs", à Nîmes et sa salariée Maéva (Photo : Norman Jardin / Objectif Gard)

Dans ce contexte, le coiffeur redoute ce nouveau confinement, d’autant plus à une période d’ordinaire favorable pour son commerce. « On nous parle de quatre semaines, mais nous sommes dans l’incertitude », avance Dominique Dumas, inquiet pour le mois de décembre : « Avec les fêtes de fin d’année, c’est un mois très important pour nous et si nous ne pouvons pas travailler à ce moment-là, je ne sais pas ce que nous allons devenir. »

À la Maison de la musique, dans le centre-ville d’Alès, la fermeture a été précédée ce jeudi d’« un pic d’affluence encouragé par le fait que les gens veulent pouvoir jouer de la musique et se faire plaisir pendant le confinement », explique la propriétaire Marie-Pierre Greff. Pour autant, la commerçante reste dans le flou, avec un brin de fatalisme : « nous étions dépités au moment de l’annonce des décisions, même si on a moins d’appréhension que lors du premier confinement. On a vécu déjà deux mois de confinement, on repart pour quatre semaines et à l’issue ça va se passer comment ? On a plein de questions et pas de réponses, on nous dit de fermer alors on s’exécute. »

La Maison de la musique, à Alès (Photo : Corentin Migoule / Objectif Gard)

Reste que ce nouveau confinement va avoir un impact fort pour le magasin, face aux sites de e-commerce : « Ce n’est pas la concurrence des grandes surfaces qui nous fait mal mais les sites de vente en ligne comme Amazon ou Thomann. Car il faut savoir que dans la musique, au niveau national comme chez nous, le e-commerce représente environ 40 %. » Pour tenter de pallier cet état de fait, la commerçante s’est inscrite sur la plateforme « Alès of courses », lancée par la Ville d’Alès pendant le confinement pour permettre aux magasins de vendre en ligne. Une initiative saluée, mais « ça ne draine pas ce que la clientèle physique génère », constate Marie-Pierre Greff.

« Une période charnière »

Non loin de là, toujours dans le centre-ville d’Alès, à la bijouterie Grain de Sable, on s’adapte à la situation. « On va essayer de trouver le moyen de poursuivre les ventes en faisant des livraisons, explique Victoria Brouillet, vendeuse à la bijouterie. C’est une idée que j’ai eue et à laquelle on réfléchit avec ma patronne. » Pour ce faire, la bijoutière mise sur les réseaux sociaux, et compte se charger elle-même de la livraison.

La bijouterie Grain de sable, à Alès (Photo : Corentin Migoule / Objectif Gard)

C’est que la fin d’année, et les fêtes qui vont avec, approchent à grands pas. « C’est important pour nous car on arrive à une période charnière de l’année où on avait espoir de bien travailler », affirme-t-elle. En attendant, comme à la Maison de la musique, ce dernier jour d’ouverture a connu un pic d’affluence. « On a fait un gros jeudi en termes de ventes, bien plus qu’un jeudi traditionnel à la même époque », confirme Victoria Brouillet. Ici comme dans d’autres secteurs, « les gens ont anticipé les anniversaires du mois de novembre et les achats de Noël qu’ils effectuent d’habitude plus tard mais qu’ils ont peur de ne pas pouvoir faire cette année. »

Noël, et plus largement novembre et décembre, représente 40 % du chiffre d’affaires annuel de la boutique de jeux Janîmes, dans le centre ville de la cité des Antonin. « Ce n’est pas la bonne période, même s’il n’y a pas de bonne période. Il va falloir que ça reprenne rapidement », souffle le gérant Emmanuel Andrieu, qui espère que la clause de revoyure promise par Emmanuel Macron d’ici quinze jours lui permettra de rouvrir.

En attendant, dès ce vendredi, Emmanuel Andrieu mettra à jour son site internet pour proposer gratuitement comme il l’avait fait lors du premier confinement, le service « click and collect ». L’objectif est de « limiter la casse », car cette opération a un coût pour le commerçant nîmois (tarif de commissions Paypal, frais de déplacement…). L’Office du commerce et de l’artisanat de Nîmes, Cœur de Nîmes, incite et aide les commerçants à mettre en place ce service de « click and collect ». « Aujourd’hui, l’intérêt c’est de dire aux consommateurs que s’ils veulent garder leurs commerçants en centre-ville, il faut qu’ils les fassent travailler plutôt que de se ruer sur Amazon », lance son président, Paul Giudicelli, qui craint que ce nouveau confinement soit « le coup, sinon de trop, en tout cas celui qui va faire des dégâts et en assommer quelques-uns. »

Les commerces s’adaptent

À Uzès, Christine Nel-Jové tient la boutique de prêt à porter et de bijoux Le Jardin de Prospérine. Elle aussi s’inquiète que, à l’approche de Noël, « les gens vont acheter sur Internet, et petit à petit, on va se retrouver avec des centres-villes vides. » Elle aussi a vu l’affluence augmenter en ce dernier jour d’ouverture, et rappelle que les mesures barrières étaient scrupuleusement respectées dans son commerce : « On avait limité à trois personnes, on utilisait la vaporette pour désinfecter, le gel à disposition, les masques... Je ne suis pas sûre que les grandes surfaces prennent autant de mesures. »

Christine Nel-Jové, commerçante à la boutique de prêt-à-porter "Le jardin de Prospérine" à Uzès. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Pour elle comme pour beaucoup, le salut passera par internet : « Pendant le premier confinement, j'avais commencé à travailler sur un site que je n'avais pas terminé. Là, je pense aller au bout de l'idée sinon je vais perdre trop d’activité. »

Toujours à Uzès, le libraire Yves Mandagot est lui aussi dans l’adaptation : « On envisage d'ores et déjà de prendre des commandes par mail et sur le site. On va proposer de livrer une fois par semaine dans un noyau autour de 15-20 km autour d'Uzès pour minimum 30 € de commande. » Et comme pendant le premier confinement, le libraire envisage d’ouvrir un drive.

Reste une question : l’approvisionnement. « Pendant le premier confinement, on n’a eu aucune livraison. Là, ça va peut-être fonctionner mais sûrement plus lentement », explique Yves Mandagot, qui a « bien travaillé » depuis le début de la semaine, avec des clients venus acheter plusieurs livres à la fois. Là aussi, il s’agissait de faire des provisions.

Yves Mandagot, de la librairie le Parefeuille, à Uzès (Marie Meunier / Objectif Gard)

À Chusclan, près de Bagnols, le vigneron Mathieu Rivier va de nouveau faire face à d’importantes baisses de rentrées d’argent avec la fermeture des restaurants et des bars. « L’activité caveau et les restaurants représentent 95 % de notre activité », explique-t-il. Le caveau, à Chusclan, restera ouvert, mais un doute planait hier soir encore sur le point de vente éphémère que le vigneron a ouvert il y a quelques jours à l’Ardoise pour compenser des travaux sur le pont de Chusclan qui isolent le village.

Alors le vigneron s’adapte : la Maison Rivier a ouvert une boutique en ligne il y a quelques jours, et « nous allons faire du drive, de la vente à emporter et de la livraison deux fois par semaine, comme pendant le confinement », détaille-t-il. La boutique en ligne, « c’est un outil qui va permettre de maintenir peut-être 15 ou 20 % du chiffre de l’année dernière, et j’espère beaucoup plus », avance Mathieu Rivier. Le vigneron, qui se présente comme un « optimiste », veut « rester positif malgré tout, on a déjà connu beaucoup de crises, avec les inondations ou la chute du cours du vin, nous allons être combattifs. »

Corentin Migoule (à Alès), Marie Meunier (à Uzès), Stéphanie Marin et Norman Jardin (à Nîmes) et Thierry Allard (à Chusclan)

Thierry Allard

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