Publié il y a 9 jours - Mise à jour le 07.09.2024 - Thierry Allard - 3 min  - vu 825 fois

FAIT DU JOUR L’hommage à Walter Kranjc, résistant autrichien fusillé aux Angles il y a 80 ans

Walter Kranjc repose à l'ancien cimetière des Angles

- Photo : Thierry Allard

C’est une modeste tombe située dans l’ancien cimetière des Angles, ornée hier matin de deux drapeaux : un français et un autrichien. Il faut dire que cette tombe est celle d’un Autrichien, Walter Kranjc, dont le parcours lors de la Seconde Guerre mondiale, aussi héroïque que tragique, a été honoré ce vendredi en présence d’une délégation autrichienne.

Nous sommes le 29 juillet 1944, il y a un peu plus de 80 ans. Un jeune homme de 28 ans, Walter Kranjc, va être fusillé au champ de tir du Plan de la Dame, aux Angles, près d’Avignon. Au moment fatidique, il lance, bravache : « Vive l’Autriche ! Vive la liberté ! » Ainsi s’est achevée la vie de Walter Kranjc, fusillé par les nazis, qui lui refuseront tout service funéraire, si bien qu’il sera « enterré clandestinement par le fossoyeur de la commune », rappelle le maire des Angles, Paul Mély. Huit décennies plus tard, l’Autrichien repose toujours dans le Gard.

Une cérémonie en mémoire de Walter Kranjc s'est tenue ce vendredi à l'ancien cimetière des Angles en présence d'une délégation autrichienne • Photo : Thierry Allard

Pour comprendre cette fin tragique, et le statut de héros que Walter Kranjc a acquis en Autriche et en France, il faut remonter le temps et le parcours de ce jeune homme originaire du Tyrol, et plus précisément de la ville de Hall, où il fait ses classes chez les Franciscains. « C’est sans doute dans cette école qu’il s’est forgé ses valeurs », estime le Dr Ludwig Spötl, directeur de l’établissement catholique, venu accompagner la délégation autrichienne vendredi. Walter Kranjc part ensuite pour Innsbruck, où il intègre la fraternité étudiante catholique A.V. Vindelicia, qui a organisé la cérémonie de vendredi.

Matricule 1514

Lorsque l’Autriche est annexée par l’Allemagne nazie, il rejoint la résistance catholique, ce qui lui vaudra une arrestation par la Gestapo. Peu de temps après, Walter Kranjc obtient son doctorat de droit, « mais il n’est pas admis au service le 19 mars 1939 car il était jugé peu fiable par les nazis », explique Bertrand Ledermann, membre de la délégation autrichienne. Alors le jeune homme exerce comme expert comptable en Tchécoslovaquie puis en Pologne, et finit par être enrôlé de force en 1940 comme opérateur radio dans la Wehrmacht. Stationné à Dijon, Paris, Lyon puis Avignon, « il se considère comme réquisitionné et fait tout pour rester simple soldat », raconte Bertrand Ledermann. Durant ses années en France, il se fiance avec une française. 

La zone libre finit par être envahie à son tour par les nazis. En novembre 1942, Walter Kranjc noue ses premiers contacts avec la Résistance française alors qu’il est stationné à Grasse (Alpes-Maritimes) et fournit en parallèle des informations cruciales aux armées américaine et anglaise. Il finit par intégrer le réseau Cotre de la Résistance sous le matricule 1514. Puis, affecté à Avignon en juillet 1943, il s’oppose notoirement à l’exécution des otages. « Il est signalé et bientôt affecté à un peloton d’exécution où il refuse d’obéir aux ordres », narre Bertrand Ledermann.

Une cérémonie en mémoire de Walter Kranjc s'est tenue ce vendredi à l'ancien cimetière des Angles en présence d'une délégation autrichienne • Photo : Thierry Allard

Déjà dans le viseur des nazis, il est arrêté le 17 juillet 1944, un membre du réseau de Résistance dont il fait partie ayant parlé sous la torture. Walter Kranjc sera torturé à son tour, mais ne dira rien, préférant sacrifier sa vie que trahir ses camarades. Il tentera même de se suicider à l’aide d’une lame de rasoir, sans succès. Considéré par les nazis comme un espion et un traître, il est condamné à mort le 28 juillet 1944. Dans sa dernière lettre adressée à ses proches, il écrit alors : « Si cela peut vous consoler, il n’y a aucune trace de la peur de la mort en moi. » Il sera fusillé le lendemain.

« Un geste de fraternité »

C’est donc cet homme, qui a choisi « de donner sa vie pour en sauver beaucoup d’autres », selon les termes de Martin Corazza, le président de l’A.V. Vindelicia, dont le souvenir a été honoré ce vendredi. Une plaque commémorative a même été réalisée par la fraternité étudiante, « munie d’un QR Code qui permet de découvrir la vie de Walter Kranjc », précise-t-il. Pour l’heure disponible en allemand, le texte sera très prochainement traduit en français. Car la mémoire de Walter Kranjc est perpétuée dans les deux pays, avec un dépôt de gerbe chaque 8-mai aux Angles, et des commémorations en Autriche, comme l’année dernière à Hall, sa ville d’origine. Cette mémoire commune est donc l’occasion d’un « geste de fraternité », estime le maire des Angles, et ce alors que le bruit des bottes et des canons retentit à nouveau en Europe.

La fraternité étudiante A.V. Vindelicia, présidée par Martin Corazza (à G.) a fait graver une plaque commémorative pour Walter Kranjc • Photo : Thierry Allard

Un aspect souligné par le neveu de Walter Kranjc, Hubert Berger, venu aux Angles avec son fils Michael, ému de voir la mémoire de son oncle honorée. « Je n’ai jamais connu mon oncle, mais il a été toujours très présent dans ma vie, dira-t-il, et je veux remercier la commune des Angles pour son travail, pour n’avoir jamais oublié Walter Kranjc depuis 80 ans. » Journaliste pour le plus grand quotidien autrichien, Kronen Zeitung, Hubert Berger publiera dans quelques jours un long article sur son oncle. Pour que dans son pays d’origine aussi, Walter Kranjc ne sombre pas dans l’oubli.

Thierry Allard

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