FAIT DU JOUR Michael Stange : "Le parlement européen n’est pas là pour servir des intérêts nationaux"
Les élections européennes, c'est le 9 juin. Un scrutin à un seul tour qui permettra d’élire 81 eurodéputés français sur les 720 du Parlement européen à Bruxelles. Objectif Gard a rencontré le Monsieur « Europe » de la ville de Nîmes et directeur de la Maison de l'Europe, Michael Stange. Entretien.
Objectif Gard : Pouvez-vous vous présenter ?
Michael Stange : J’ai 45 ans, je suis Français et Allemand. Je suis arrivé à Nîmes il y a dix ans. En fait, je suis un produit d’Erasmus. J'ai décidé de rester en France où j’ai perdu mon cœur. Et puis, je trouve qu'en Allemagne, on respecte trop les règles, nous sommes trop carrés. Ça ne correspond pas trop à ma personnalité...
Un débat sur les élections européennes
La Maison de l’Europe - Europe directe est une institution à Nîmes. À quoi sert-elle ?
La création des premières Maisons de l’Europe remonte aux années 50 en France et en Allemagne. Celle de Nîmes a vu le jour en 1966. En revanche, ces structures de proximité n’existent qu’en France et en Allemagne. C’est la Commission européenne à son tour qui a lancé en 2005, après le non des Français à la Constitution européenne, le réseau européens des Centres Europe Direct, présent dans les 27 Etats membres afin de répondre sur toutes les questions européennes dans le territoire.
Aujourd’hui, seuls 47 % des électeurs prévoient de voter le 9 juin, selon un récent sondage Ifop-Fiducial pour LCI et TF1 info. Comment expliquer ce désintérêt ?
Je ne dirai pas désintérêt. Aux dernières élections de 2019, nous avons eu un regain de 8 %. En Slovaquie où les conditions de vote sont plus compliquées, la participation était de 22 % ! L’Europe est omniprésente dans nos vies. Or, peu de personne en comprenne l’importance. Savez-vous que 80 % des lois votées en France sont des directives européennes ? Si demain on donne une majorité verte au Parlement, ce ne serait pas étonnant qu'il y ait plus de décisions prises en lien avec l’écologie. Vous n'aurez, par exemple, pas la même politique sur le glyphosate.
« L’Europe, c’est ce que vous en faites »
Justement, comment agit l’Europe au quotidien ?
D'abord, il y a les fonds structurels portés en France par les Régions. En Occitanie, cela représente 1,4 milliards d’euros sur la période 2022/2027. Divers projets ont été financés, à Nîmes, comme le Musée de la Romanité à hauteur de 2,3 M€ ou le pôle éducatif Jean-d’Ormesson pour 85 000 €. Et puis, lorsque vous allez à l’étranger, vous bénéficiez de la sécurité sociale européenne. Le forfait de téléphonie n’est plus soumis aux frais d’itinérance. Sans un accord des 27 pays européens, aucun opérateur ne l’aurait accepté !
Pour beaucoup, l'Europe n'est pas une chance... Les agriculteurs ou buralistes français souffrent d’une concurrence déloyale avec l’Espagne. Comprenez-vous leur colère ?
L’Union européenne est là, elle, pour harmoniser. S’il y a des différences, ça relève de la politique de chaque état membre. Aujourd’hui, la Pac (Politique agricole commune) est un budget important de l’Union. La France reste un grand exportateur de vins et de fromage dans le monde. Le problème de la Pac, ce sont plus les charges bureaucratiques : en Occitanie, 20 % des fonds n’ont pas été consommés. Il y a eu aussi le pacte vert voulu par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
Pour harmoniser les différentes politiques des états, les décisions doivent être prises à la majorité, voire à l'unanimité des 27 états membres. C’est mission impossible, non ?
Ce n’est pas simple, c'est vrai. Nous le voyons avec les droits de douanes sur l’importation de véhicules électriques chinois. La France aimerait prendre cette mesure. Les Allemands refusent, ils produisent beaucoup de voitures en Chine. L’Union, c’est 27 états avec 27 intérêts et histoires différentes. Mais l’Europe, c’est aussi celle qui nous a permis d’acheter des vaccins en grande quantité pour que l’ensemble des pays y aient accès. C’est aussi le plan de relance : c'est la première fois, dans l’histoire de notre institution, que les états ont emprunté ensemble. En clair, l’Europe, c’est ce que vous en faites.
Qu’en est-il de la Défense de l’Union européenne ?
Pour l’instant, nous sommes dans le giron de l’OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord). Mais certains se posent la question de créer une force de Défense européenne.
« L’Europe, c’est seulement 1 % du budget de tous les états »
La contribution française au budget de l’Union européenne est-elle inférieure ou égale à ce que l’Europe nous rend au travers des subventions ?
Nous sommes "un contributeur net". La France donne un peu plus d’argent que ce qu’elle reçoit. Toutefois les bénéfices avec les marchés, c’est-à-dire la richesse créée par les entreprises grâce à l’Union, n’est pas comptabilisée.
On tacle souvent l’Europe comme n’étant pas « démocratique ». Qu’en pensez-vous ?
Le parlement européen n’est pas là pour servir des intérêts nationaux. Le rôle du parlement est de voter les budgets. Il peut ainsi rejeter l’exercice présentée par la Commission européenne qui propose, elle, des textes législatifs (...) On se trompe de débat. À Bruxelles, les eurodéputés sont placés dans des groupes parlementaires. Aujourd’hui, le RN n’a pas de groupe. Il faut six pays pour en créer un. En plus en étant nationaliste, l’ADN n’est pas forcément de travailler avec les autres...
Les membres de la Commission européenne qui proposent les lois ne sont toutefois pas élus…
D’accord mais elle est composée de 27 commissaires européens, désignés par chaque gouvernement de chaque pays. Eux sont élus par les peuples ! Et puis, le choix de ces commissaires est soumis au vote du parlement européen. Enfin, l’Europe, c’est seulement 1 % du budget de tous les états de l’Union. On dit souvent pourquoi l’Europe ne fait pas ça ou ça. Pour cela, il faut lui donner des compétences.