FAIT DU JOUR "Respire la vie", un film pour contrer le succès stupéfiant du gaz hilarant
Euphorie, sensation d’ivresse, rires garantis… La consommation de protoxyde d’azote, sous forme de capsules pour siphon à crème chantilly, se répand dans les quartiers et au-delà. Pour limiter son expansion chez les jeunes Alésiens, l’association Raia a réalisé un court-métrage qui met en exergue les dangers de l'inhalation de ce gaz.
Il a suffi d’une découverte, celle effectuée par Fouad Boumarcid, directeur de l’association Raia, dans le quartier des Près Saint-Jean, à Alès. Une bonbonne bleue contenant du protoxyde d’azote abandonnée sur le bitume. Preuve, s’il en fallait, que le phénomène du "proto", autrement dit un gaz hilarant, (re)découvert durant l’été 2018 à Montpellier dans le quartier de la Paillade, avait bien gagné Alès.
Qu’à cela ne tienne, le directeur de l’association qui œuvre pour améliorer les conditions de vie des habitants et multiplie les actions auprès de la jeunesse alésienne, s’est emparé du fléau. Avec Idriss Coste, directeur du centre de loisirs, Fouad Boumarcid a élaboré un court-métrage de huit minutes intitulé Respire la vie. « C’est un projet débuté en juillet dernier et qui s’est achevé en décembre », prévient Idriss Coste, le réalisateur.
Un clip vidéo auquel les jeunes du quartier ont largement contribué, « devant ou derrière l’écran, au montage comme au cadrage », et qui relate l’aventure d’un groupe de jeunes s’essayant à l’inhalation de protoxyde d’azote, et dont la fin est matérialisée par un écran noir, symbole de la perte de connaissance du personnage de Marouane. « Ça existe depuis un petit moment mais ça a véritablement pris de l’ampleur depuis cet été. C’est comme la cigarette, les jeunes sont parfois tentés d’essayer », tente d'expliquer Idriss Coste au sujet d’un phénomène dont il a étudié les propriétés.
Une accessibilité attractive
« L’effet dure moins de deux minutes, mais dès qu’il s’est dissipé, les jeunes n’hésitent pas à refaire un ballon », reprend le dernier nommé. Et de poursuivre, avançant au passage un argument explicatif du succès du produit euphorisant : « Une grosse bonbonne coûte une trentaine d’euros. Mais au-delà du coût assez bas, c’est la facilité d’accès qui attire. Il suffit d’aller au supermarché ou à l’épicerie pour s’en procurer. » Car à l’inverse d’une autre substance stupéfiante, ce gaz est bel et bien en vente libre, sous la forme de cartouches, pour les siphons à chantilly par exemple, ou de bonbonnes, comme celle retrouvée par le directeur de l’association.
De son côté, Fouad Boumarcid élabore une autre théorie pour justifier la consommation accrue chez les jeunes : « Je crois qu’ils prennent un malin plaisir à se saisir d’un procédé innovant qui de ce fait, échappe à la surveillance de leurs parents, le rendant ainsi difficile à détecter. Ce côté secret, c’est ce qui les anime. » Mais s’il est plébiscité pour son coté "récréatif", l’usage détourné du protoxyde d’azote n’est, comme le met en lumière le court-métrage, pas sans risque.
Une déformation de la voix
Asphyxie, perte de connaissance, désorientation, vertiges et chutes sont autant d’effets immédiats potentiels. En cas de consommations répétées, à intervalles rapprochés et à fortes doses, de sévères troubles neurologiques, hématologiques, psychiatriques ou cardiaques peuvent également survenir. Ces effets pour le moins indésirables, « la plupart des parents présents lors de la diffusion du film la semaine dernière ne semblaient pas les connaître », abonde Fouad Boumarcid. Et d’ajouter : « Il y a une maman qui a insisté en demandant comment était-il possible de le détecter. Un jeune lui a alors répondu qu’il fallait être attentif à la voix qui se déforme après une inhalation. »
Le jour de la projection, un témoin a fait le récit d’une expérience personnelle qui aurait pu mal se terminer : « Après une inhalation au volant, il a eu un accident dans la foulée. La personne s’imaginait qu’elle était au chaud dans son lit alors qu'elle conduisait », raconte le directeur de l’association Raia. Parce qu’il ne veut pas adopter « un esprit de moralisation qui n’aurait pas d’effet dissuasif sur les jeunes », ce dernier préfère sensibiliser et prévenir, au sujet d’un problème qui a été selon lui « identifié mais largement sous-estimé ».
Amené à être diffusé dans plusieurs établissements scolaires d’Alès, à commencer par le collège Jean-Moulin, le court-métrage sera bientôt complété. « On travaille à l’élaboration d’une chanson, avec un rappeur du coin, avant d'enregistrer et de mettre sur CD. Peut-être qu’elle deviendra le générique de fin du film », imagine déjà Idriss Coste, à la tête de ce nouveau projet. Le cinéma et la musique, deux leviers assurément gagnants pour sensibiliser une jeunesse en quête perpétuelle de repères.
Corentin Migoule