FAIT DU SOIR Apprenti torero, Valentin est "prêt pour la con caballos"
À peine la vingtaine, l'apprenti torero Valentin fait le bilan de sa saison en novillada sans picadors. Il désire passer rapidement à la catégorie supérieure, la novillada avec picadors.
ObjectifGard : Comment va Valentin ?
Valentin : Tout va bien ! En pleine forme, j’ai pris beaucoup de maturité et j’ai trouvé le vrai moi. Pourquoi je veux faire ci, pourquoi je veux faire ça, où je veux aller et pourquoi je veux y aller.
Et dans les arènes, comment va Valentin ?
Le déclic est arrivé très tôt dans la saison, à Valencia, quand j’ai senti les responsabilités. J’ai dû prendre dix ans ! Ça m’a aidé à avancer en bien, à prendre de la hauteur sur les choses, à avoir une autre mentalité dans les arènes comme à l’extérieur. Il y a eu des grands moments et des petits. Dans la voiture avec la cuadrilla, l’hôtel, les voyages, les rencontres… ça m’a ouvert et ça m’a montré autre chose. Et ça, c’est bueno !
L’humain est fait pour évoluer. Le torero aussi.
Oui, c’est l’humain avant tout et ça on le retrouve dans mon toreo.
Quel était le plan du début de saison ?
Faire une grosse temporada pour marquer les esprits et faire parler de moi. Je voulais me préparer à débuter con caballos. On a su montrer qui on était. Mon but est de devenir matador de toros et figura ! C’est encore plus clair et affirmé mais avant ça il me faut montrer en novillada que je peux aller plus loin.
Combien de temps vous donnez-vous pour y arriver ?
J’aimerais débuter en début de saison, dans l’idéal en mai ou en juin. J’ai des pistes, des choses me donnent aussi envie en fin de saison mais pour y aller il me faudrait débuter au bon moment. On a réfléchi à la chose. Débuter mais ne toréer qu’une course dans la saison, ça ne sert à rien ! Faire les choses tranquillement, la patience est le pouvoir du torero.
Revenir dans les arènes déjà connues ?
Oui, c’est aussi sympa d’aller là où j’ai toréé, là où j’ai triomphé et là où je me suis senti aimé et à l’aide. Ces moments sont peu nombreux et je les garde précieusement.
Alors, le bilan de la saison ?
Au total j’ai fait 13 courses. Je n’avais pas d’objectif spécial, mais j’en ai eu presque autant en France qu’en Espagne ! En France je n’ai eu que des grosses arènes ou des arènes qui comptent dans le milieu taurin. Valencia, Alès, Nîmes, Arles, Boujan, Plan d’Orgon, Tarascon, Riscle, Lerma, Algemesi, Brea de Tajo…
Dans quelles arènes vous êtes-vous senti bien ?
Valencia, ça a été spécial ! La tauromachie a une saveur spéciale là-bas (sourire). Il y a eu Nîmes, bien sûr. Tarascon, l’ambiance, la direction des arènes… Brea de Tajo, j'ai énormément aimé car c’est un mini Madrid, ceux qui y vont vont aussi à Las Ventas. Ils viennent voir un torero et un toro, pas un jeune. Algemesi ! Un mini Pampelune… C’est à part de tout, c’est quelque chose à vivre ! La novillada a commencé à 23h et je toréais en dernier vers 1h30. Je m’étais dit qu’il n’y aurait plus personne mais les arènes étaient pleines et c’était le feu, j’ai coupé deux oreilles et le toro a fait la vuelta ! J’ai donné la première oreille à un jeune dans les tribunes, on aurait dit que je venais de lui donner un cadeau de Noël. La deuxième, je l’ai donné à une peña de jeunes qui m’avait demandé l’oreille au départ alors je leur ai donné. Ils se la jetaient d’un bout à l’autres des gradins, je faisais le tour de piste et je voyais cette oreille volant au-dessus de moi, elle a fait le tour de l’arène avant de revenir à son premier possesseur ! C’était touchant !
D’autres arènes positives ?
Ensuite, Lerma avec cette novillada digne d’une corrida de toros. Je me suis dit que j’étais prêt pour la con caballos, je me suis senti bien. Tout le monde l’a vu ! Riscle aussi pour mon deuxième paseo, une union entre arène, torero, toro et ganadero !
Et celles…
Je ne vais pas le cacher parce qu’on m’a volé. Le public était avec moi ! C’est Arles. Je suis de Nîmes, du Centre Français de Tauromachie. C’est tout. Il y a eu un froid, maintenant j’ai un truc avec ces arènes. J’apprécie beaucoup Jean-Baptiste, c’est plus avec l’école taurine d’Arles qu’il a eu ces problèmes. C’est comme ça mais ça m’a beaucoup aidé. J’ai pris plus qu’une baffe, l’avenir arrive, je suis là et je n’oublie pas. Si un jour je reviens dans ces arènes, attention ! On ira avec les crocs.
Et Nîmes ?
Nîmes, c'est à part, car en plus d’être ma ville adoptive, avec le public, j’ai une connexion spéciale. J’aime les gens de Nîmes, j’ai été à Madrid et quand je suis rentré… Nîmes, c’est ma ville, les gens que j’aime sont ici et ceux qui me voient sont contents de me voir. C’est au fond du cœur et des tripes. Quand j’y torée, ça n’est pas pression, j’ai juste envie d’y aller et de me donner à 100 % et de me dire que les gens qui sont là ont eu envie de venir me voir. C’est une vraie reconnaissance.
Pour début 2025, combien de sans picadors ?
Moi, même dix, je prends ! Il en faut avant de monter en piquée, je serai chaud. Le campo n’est pas pareil, il faut se remettre dans le bain.
Pendant ces mois d’hiver ?
Préparation physique, footing, musculation naturelle. Mentalement être encore plus fort. Développer l’amélioration dans tout, comme un matador de toros, une figura. Techniquement je veux développer le campo et le toreo de salon qui est primordial.
Justement ! Qui est le Valentin torero ?
J’ai découvert mon style de toreo en fin de saison ! C’est particulier. Beaucoup de pouvoir, je baisse la main et je torée pour de vrai en m’imposant sans imposer ma tauromachie, en m’adaptant au toro. Je suis content parce que je l’ai montré avec les Saltillo à Brea de Tajo en fin de saison.
Mais vous allez passer en piquée et beaucoup de choses changent.
Non je ne pense pas, au contraire, ça va encore s’améliorer. Ce style me va, il plaît aux gens parce qu’il est explosif et risqué et moi, je me sens bien comme ça. Je ne suis pas un torero qui triche, qui va dire que le toro n’est pas bien, moi c’est tous les toros !
Et les encastes ?
Oui j’ai toréé plusieurs encastes mais en vérité il y a eu beaucoup de Domecq. C’est 90 % mais avec Nuñez del Cuvillo, du Jandilla et du Marquis de Saltillo qui a été un plus. Cette course avec les Saltillo m’a apporté dans la vision de la toreria et des toros. Tous les toreros, au moins une fois dans leur vie devraient toréer une ganaderia du genre. Victorino, Adolfo, Miua, La Quinta, on voit la race du toro et ça n’a rien à voir avec les Domecq. C’est hyper exigeant et hyper technique. Si techniquement, physiquement ou mentalement tu n’es pas là c’est foutu. C’est le toro qui décide et ça, ça m’a aidé.
Même avec des Domecq ?
L’idée du toro, c’est la même. Ils sont proches tout en étant éloignés. Plus l’encaste est complexe, plus la technique sera importante. Il faut s’adapter, à chaque passe avoir le bon toque et le placement qu’il faut. J’essaie d’anticiper, de me mettre dans les bons terrains.
L’entourage est de bon conseil dans ces moments ?
J’écoute ce qu’on me dit, c’est important parce que si tu restes dans ton truc et que tu commences à avoir des problèmes, il faut comprendre. De l’extérieur, ils le voient. En toréant de salon je demande parfois qu’on me fasse un toro très dur pour m’entraîner aussi à réagir.
Au campo cet hiver ?
Oui, normalement à Salamanque, peut-être à Séville, j’aime beaucoup Madrid aussi mais à Salamanque j’ai plus de contacts, il y a de grandes ganaderias qui permettent de to former. En France on doit aller chez Tardieu ou Gallon.
Des pépins physiques cette saison ?
Une petite blessure à Boujan, un coup au nez à Brea de Tajo mais rien de plus ! Mais j’ai pris de vraies boites… Sur le moment, j'ai encore plus envie et le lendemain, tu restes un peu couché dans le lit, tu mets un peu de crème et ça repart. À chaque fois que je me fais attraper, ça me dévoile un truc. Je me remets en question à chaque toro.
Allez-vous au sorteo ?
Quand je torée le matin c’est trop tôt. Quand je torée le soir j’allais au sorteo. Ça ne me dérangeait pas mais ça ne m’apportait pas grand-chose si ce n’est les avoir vu. J’étais content de les voir et de rencontrer tout le monde. C’est aussi là que tu parles de tout et de rien, de l’avenir. On commence à montrer son visage.
Les clarines viennent de sonner. Le toro sort du toril.
J’analyse. Je regarde son comportement, comment il est physiquement. Dès qu’il arrive au burladero, je sors.
Au capote avec le toro parfait ?
J’aime commencer en Véroniques à pieds joints, ça a de la gueule et en même temps tu torées le toro. Après, quelques Véroniques, pourquoi ne pas partir en Chicuelinas et un remate avec un jeter de cape rattrapée fini sur une main par le bas.
En novillada piquée, il y a les piques !
On ne va pas se prendre la tête, je mène le toro normalement, une mise en suerte propre car elle va coûter au toro et les capotazos mis là seront ceux en moins plus tard. Aller à l’essentiel. Je veux que le toro garde sa force à la muleta.
Justement… avant la faena il y a les banderilles. Vous ne banderillez pas.
Non, je me consacre à autre chose. De temps en temps je m’entraîne. Je banderille plutôt bien mais je n’aime pas banderiller, je ne sais pas l’expliquer ! Ça ne m’attire pas mais je sais que le public apprécie ça. Je veux juste toréer et montrer l’amour que j’ai pour les arènes, de me donner à 100 % à la faena, c’est plus juste et j’essaie d’être sincère avec les gens.
La faena. Juste avant, juste après.
Avant d’aller voir le palco, je bois un coup. Lors du tercio des banderilles j’ai regardé le comportement du toro, ses courses, comment il met la tête dans le capote. Je demande que tout le monde soit tranquille. À l’hôtel, avant de partir, je parle à la cuadrilla et je dis qu’on est là pour se régaler, pour profiter d’un moment. Qu’on n’est pas là pour prouver quoi que ce soit mais qu’on est là pour montrer qui ont est, pour montrer qu’on sait toréer et qu’on est les meilleurs. Il faut profiter, c’est peut-être le dernier toro.
Retour en piste, j’ai récupéré ma muleta et mon ayuda, et là je parle avec mon mozo de espada. Je lui dis ce que je vais faire en début de faena pour qu’il me dise ce qu’il en pense. Je me connais, je peux faire des erreurs par trop d’engagement.
Comment appréhendez-vous la mise à mort ?
C’est une suerte que j’aime. C’est bizarre de le dire comme ça, mais j’aime entrer a matar, c’est un moment vrai, un moment de communion durant lequel il y a le plus de respect possible. C’est une sensation indescriptible, un sentiment fort. Tu tues un animal qui veut, lui aussi, te tuer. On joue pour de vrai.
Vous êtes dans votre bulle ?
Oui. Vraiment, tu es seul au monde. Pendant la faena en entend l’apoderado, le conseiller, le banderillero, la musique, le public… Mais là, quand je prends l’épée et que je sais qu’il faut que je le tue, la tête est figée sur l’endroit où je vais mettre l’épée, sur le souffle du toro, c’est spécial. Je n’ai utilisé le descabello qu’à Tarascon et Boujan mais tout s’est bien passé.
La cuadrilla, on en parle ?
J’y réfléchis, je leur en ai déjà parlé, il y a des Français et des Espagnols, j’aimerais avoir une cuadrilla assez fixe d’un bout à l’autre de la saison. En fin de saison j’ai eu la chance d’avoir les mêmes banderilleros et c’était vraiment bien. Avoir plusieurs visions du toro, c’est toujours bien. Connaître sa cuadrilla est un atout.
Pas facile de communiquer quand on est au centre du ruedo.
Pourtant, les toros, c’est de la communication pure et dure ! Si tu ne communiques pas, tu vas passer à côté, tu vas mal faire les choses, tu vas t’énerver ou imposer ton toreo à un toro qui n’en veut pas… D’ailleurs, j’en veux un peu aux toreros de l’arte pour pour cela. Peut-être que s’ils s’adapter au toro, le toro communiquerait avec eux.
Peut-on vous souhaiter ?
Beaucoup de chance, il en faut ! Dans les arènes et en-dehors même si ma vie c’est les toros. Je veux surtout qu’on me donne une chance de débuter con caballos. J’aimerais débuter dans mon pays, ici en France, c’est gens-là m’ont beaucoup apporté ! J’ai débuté en nsp, ça serait logique de continuer ainsi et je ne demande pas forcément une arène de première catégorie ! J’aime les toros avec un peu de volume et de répondant, j’ai une tauromachie qui accepte cela. De l’émotion et un toro qui transmet.
Carte blanche !
Merci ! Merci à tous les empresas qui m’ont accueilli dans leurs arènes, merci aux ganaderias au campo comme dans les arènes car sans eux nous ne serions pas là. Merci aussi à ceux qui ne croyaient pas en moi et qui ont eu l’humilité de me le dire et de me dire qu’ils s’étaient trompés. Merci à mes parents qui ont toujours été là et que je n’ai pas trop vu ces derniers temps. Merci aussi à ma compagne qui est patiente. Merci à mon mozo de espade, à Paul mon chauffeur, des amis qui sont comme ma famille. Merci à certains banderilleros qui se reconnaîtront. Merci, surtout, à Christian Le Sur, au CFT et à Sophie ! Sans Christian, avec lequel j’ai eu une longue discussion il y a peu, je ne serais pas là. Ils seront encore là, avec Sophie, toujours présente. (ému). Et merci aux toros. Je veux la gloire, le succès, l’argent pour moi et avec les gens que j’aime, le tout dans les règles de l’art et après avoir tout donné pour l’avoir. Je n’oublierai pas