GAJAN L’incendiaire incarcérée pour un an ferme
Cheveux noirs, yeux rougis et air apeuré, Annie est encadrée par trois escortes pour rejoindre la maison d’arrêt de Nîmes, à l'issue de son jugement, vendredi 19 août. La femme de 55 ans est incarcérée pour avoir allumé un feu, le 1er août dernier, à Gajan, à la suite d’une vulgaire dispute de voisinage.
Démarré au chemin de la Mariette, à la limite des habitations du village, le feu détruira 2 000 m2 de végétation, dans la nuit du 1er août dernier. Mais les dégâts auraient pu être bien plus grave si une voisine qui allaitait son bébé n’avait pas aperçue Annie, accroupie en train d’embraser des herbes sèche avec un briquet. Interpellée quelques heures après le début de l’incendie, la quinquagénaire explique son geste par une querelle de voisinage : alcoolisée, elle n’a pas supporté les remarques de l’une de ses voisines, importunée par une fête organisée par la fille de la prévenue. « Exaspérée, vous décidez alors de mettre le feu à des herbes sèches, en pleine nuit, au milieu des habitations. Vos voisins ont vu les flammes pénétrer dans leur propriété ! Mais vous imaginez le risque pour eux s’ils ne vous avaient pas vu allumer l’incendie ? »
« Je n’ai pas eu le courage de leur dire que c’était moi ! »
Annie semble un peu désemparée. « J’aurais appelé les pompiers, je les aurais prévenus bien sûr. Ma maison aussi aurait pu brûler… », assure-t-elle, d’une voix hésitante, avant d’essayer de montrer qu’elle a très vite réalisé la gravité de son acte. « Je suis revenu l’éteindre, mais j’ai vite vu que j’étais dépassé, ça allait trop vite, je suis allé voir les voisins, j’ai crié. Quand je suis revenue, j’ai tout fait pour aider à éteindre, mais je n’ai pas eu le courage de leur dire que c’était moi ! », larmoie-t-elle, à la barre du tribunal judiciaire de Nîmes, vendredi 19 août.
Le juge lui fait remarquer que ce n’est pas elle qui a appelé les pompiers. « Vous dite avoir ensuite voulu éteindre le feu, mais avant cela, vous rentrez chez vous pour changer de t-shirt, pour quelles raisons ? », tente de comprendre le président Jérôme Reynes. L’alésienne de 55 ans secoue la tête. « Je ne sais pas. J’ai changé de pantalon et de chaussures car j’étais en tong. Mon t-shirt rouge était plus inflammable alors que le bleu était en coton : c’était moins dangereux pour retourner éteindre le feu », prétend-elle.
« Elle a voulu nous faire du mal »
Depuis l’incendie, ses voisins ne dorment plus et ont mis leur maison en vente, déclarent-ils à leur tour, à la barre. « Pour nous, elle a voulu nous faire du mal. C’est difficile de se dire qu’on ne peut pas assurer la sécurité de ses enfants dans son propre domicile… », décrit le voisin d’Annie. Trois véhicules et de nombreux pompiers ont été mobilisé pendant plus de deux heures pour éteindre l’incendie, soit un préjudice de 1 128 euros, selon le Sdis 30. « Je n’ai jamais voulu faire de mal à qui que ce soit. Imaginez un fou qui mettrait le feu en pleine nuit pour les tuer ? Non, je ne suis pas ça. Je reste enfermé chez moi tous les jours car j’ai honte de ce que j’ai fait. Mais j’ai consacré ma vie à aider ce qui en ont besoin. Le psychiatre m’a dit que je n’étais pas une pyromane. Moi aussi je vais déménager… », sanglote la prévenue.
L’avocate des voisins d’Annie enfonce le clou. « Ma cliente doit voir une psychologue et se retrouve en arrêt de travail depuis un mois…, pointe Marie Camille Chevenier. Ils ont construit leur maison il y a 3 ans, mais leur vie est devenue un enfer depuis le 1er août. Ils se remémorent tous les jours ce qui s’est passé, ils ont déjà mis leur maison en vente, et ont dû interrompre leur vacances... »
« C’est criminel de jouer avec le feu pour un motif aussi futile »
Philip Ughetto requiert deux ans de prison avec mandat de dépôt contre l’incendiaire. « Ce soir-là, on est passé à côté d’un drame, qui aurait pu avoir d’énormes conséquences sans ce témoin qui, allaitant son enfant, s’est aperçue du comportement suspect de celle-ci et du feu qui commençait à se propager rapidement vers des maisons !, rappelle le magistrat. On ne comprend pas ses explications, elle se dit vexée, mais en période de sécheresse, c’est criminel de jouer avec le feu pour un motif aussi futile, par frustration ou par méchanceté. Cela s’est vraiment joué à peu de chose car il y avait à côté de braves gens en train de dormir. Elle a totalement basculé ce soir-là. »
L’avocate de la prévenue tente de redorer le blason de sa cliente. « Elle m’a clairement dit que son geste n’était pas en lien avec un différend de voisinage. C’est une accumulation de sa fatigue professionnelle, de nombreux crédits à la consommation en cours, l’alcool consommé ce soir-là, etc. C’était un geste spontané et totalement irréfléchi. Elle a vraiment honte de ce qu’elle a fait, elle veut réparer son action, avance Victoria Morgante. Aujourd’hui, elle a perdu son agrément et donc son travail, elle est sous médicaments. Ce n’est pas une victime, mais elle ne représente pas un danger permanent non plus. Cela fait 25 ans qu’elle vit dans ce lotissement sans aucun problème. Il y a de nombreux pyromanes dans notre département, mais ce n’est pas son cas. Elle a été dépassée par les évènements. Mais le risque de réitération chez elle est quasi-nul, alors ne faîtes pas d’elle un exemple ! »
Annie est condamnée à 2 ans d’emprisonnement, dont un an avec sursis et l’obligation de se soigner, de travailler et d’indemniser ses victimes. Le tribunal ayant prononcé un mandat de dépôt, elle repart encadrée par deux escortes en direction de la maison d’arrêt de Nîmes.
Pierre Havez