GARD Le muguet ne fait plus recette
Hausse des prix, culture fragile, climat inhospitalier ou moindre engouement pour le 1er mai : les producteurs et fleuristes Gardois misent de moins en mois sur le muguet pour vivre.
En faisant la somme des commandes des différentes sections du Parti Communiste du département, Françoise Ferretti, en charge de l’opération muguet à la Fédération du Gard doit se rendre à l’évidence. « Nos ventes de muguet sont en forte baisse ces dernières années : nous sommes passé de près de 4 000 pots commandés à seulement 1 500 cette année, calcule-t-elle. Si la vente de muguet représentait une ressource financière importante pour nous, elle est beaucoup plus maigre aujourd’hui ! »
Enchaînement des campagnes depuis quelques mois, restrictions contraignantes limitant la vente ambulante au profit du porte-à-porte plus chronophage, hausse des prix des fleurs et des matières premières : les raisons de cette diminution des ventes sont multiples. « Cette année, le prix a beaucoup augmenté, notamment celui des pots de terre qui ont subi une hausse d’environ 50 centimes pièces », constate Françoise Ferretti.
Expérience avortée
En outre, la météo gardoise n’est pas non plus particulièrement favorable à la culture du muguet, qui vient général de la région de Nantes ou de Bordeaux. Anaïs Gevaudan, implantée à Manduel avait néanmoins décidé l’année dernière de relancer sa production de muguet, après 30 ans d’interruption. La Serre aux fleurs a ainsi cultivé 5 000 pots en 2021, mais elle a renoncé cette année à poursuivre l’expérience. « Le climat de la région est trop chaud. Or, le muguet demande une culture très délicate : il suffit de trois jours trop chauds ou trop froids pour rater totalement la saison, explique l’horticultrice. La rentabilité n’est pas au rendez-vous ».
L’année dernière, le coût de production de son propre muguet s’élevait ainsi autour de 4 euros, qu’il fallait revendre au minimum 8 euros pour dégager des bénéfices suffisants. Sans compter que la culture du muguet occupe beaucoup d’espace. « Or, les coûts de productions des autres plantes fleuries, comme les géraniums ou les pétunias, qui durent toute une saison, se situent plutôt autour de 2 euros. Nous avons donc préféré consacrer la place disponible à d’autres plantes de saison, plutôt que tout miser sur une vente d’un jour. », conclut Anaïs Gevaudan. Pour satisfaire ses clients, l’horticultrice fera tout de même venir du muguet en pot en provenance de Nantes. « Mais avec la hausse des prix du gasoil et du transport, le pot de trois brins nous coûte 5,20, il faudra donc le vendre autour de 10 euros… »
En pot ou en composition
Chez ce fleuriste nîmois franchisé, grâce au jeu des commandes groupées auprès de ses gros fournisseurs agréés, les trois brins devraient plutôt se vendre autour de 4 euros. Mais son gérant se souvient avec nostalgie qu’il achetait le brin à 29 centimes, il y a dix ans… Pour sa boutique, il en a commandé 2 000 cette année, mais sans enthousiasme particulier. « Nous sommes obligés de répercuter les hausses des prix de nos fournisseurs et transporteurs. Mais pour nous, le muguet n’est rentable que lorsqu’il est vendu en pot ou dans une composition, explique-t-il. En dehors de cela, ce n’est pas du tout intéressant, étant donné le temps passé à le rouler, le tailler, et le mettre en pot. Sans compter les pertes car c’est une fleur très fragile ! »
Une délicatesse qui explique pourquoi le muguet ne sort des chambres pour se retrouver sur les étals des fleuristes qu’au tout dernier moment. Nénamoins, le vendeur l’assure : le muguet de cette année sera « très beau, pas jaune et bien rempli avec de nombreuses clochettes. »
Pierre Havez