LE 7H50 DE Henry Brin : « Chez les artisans, les gilets jaunes divisent »
Entre la colère des artisans empêchés de travailler et ceux mobilisés sur les ronds-points contre la politique du gouvernement, le président de la Chambre de métiers et de l'artisanat du Gard demande aux gilets jaunes une « trêve des confiseurs. »
Objectif Gard : Cela fait plus de trois semaines que les gilets jaunes sont mobilisés. Dans quelle mesure l’activité des artisans est-elle impactée ?
Henry Brin : Dans Gard rhodanien, à Alès, Nîmes ou encore Aimargues, des entreprises n’arrivent plus à se faire livrer à cause des blocages. Ils n'arrivent plus à avoir du stock. Et puis, c'est tout un climat. En fin d’année, les gens sortent plus. Beaucoup d’artisans pensaient se rattraper puisque début 2018 a été difficile. C’est raté. Aujourd’hui, les gens n’ont pas envie d’utiliser leur voiture, de peur d’être bloqués. Les restaurateurs comme le Skab ou Chez Nutile vont avoir de la matière première sur les bras. Idem sur les marchés de Noël où l’affluence n’est pas au rendez-vous. L’attentat de Strasbourg a malheureusement été la cerise sur le gâteau !
Dans le Gard, les grandes entreprises sont-elles moins impactées que les petites ?
Un petit peu. Les TPE et PME, n’ayant pas beaucoup de stock, sont particulièrement touchées. Les grandes comme Perrier le sont moins. D’ailleurs, qu’il y ait la grève ou non, cette société a investi dans le rail pour permettre à ses produits d’être acheminés à Fos-sur-mer. Ça leur permet de continuer à alimenter l’Amérique et l’Asie. Après, si leurs salariés n’arrivent plus à entrer sur le site à cause des blocages, l'entreprise sera touchée. Royal Canin, grande entreprise, est fortement touchée puisque tout rentre et sort par la route et le fameux rond-point d’Aimargues.
Sur le fond, que pensez-vous de la mobilisation des gilets jaunes ?
Je l’ai suivie au début et je la comprenais. Moi, je n’avais pas à prendre position. J’avais des artisans en gilets jaunes sur les ronds-points. À Aimargues, 30% des manifestants sont issus des professions indépendantes. Je comprends leur colère : au même moment où le carburant augmente sous couvert de « transition écologique », le gouvernement fait sauter le crédit d’impôt sur le remplacement des fenêtres à simple vitrage.
Toutefois, vous demandez aux gilets jaunes une trêve ?
La revendication première des gilets jaunes, c’était la taxe sur le gasoil. On n'est plus à l’époque de la Commune ou de la Révolution ! Ce n’est pas mon rôle de m’engager dans le débat politique, mais plutôt de calmer certaines les ardeurs. Si certains manifestants continuent de bloquer, il va y avoir de la casse. Des commerces de proximité, des artisans, vont mettre la clef sous la porte.
Chez les artisans, les gilets jaunes divisent…
Oui, ça divise. C’est pour ça que je n’ai pas demandé l’arrêt des gilets jaunes mais une trêve. Certaines entreprises vont tirer le rideau. Alors, oui, c’est malheureux mais en France, on a des gouvernements qui depuis Nicolas Sarkozy, François Hollande ou Emmanuel Macron n’écoutent pas les corps intermédiaires. La hausse du SMIC, la CGT pendant plus de 15 ans aurait pu se battre sans l'obtenir. Les gilets jaunes l’ont eu en trois semaines, avec les violences que l’on a pu voir à Paris et contre lesquelles je m’inscris.
La Chambre consulaire va-t-elle compenser le manque d’activité des artisans lésés par les gilets jaunes ?
On a mis en place une cellule d’urgence. On va aider les entreprises en difficultés à monter des dossiers auprès des partenaires banquiers et des organismes sociaux. Mais je ne suis pas sûr que cela suffise. Je rencontre des chefs d’entreprises qui n’arrivent même pas à se payer. Alors la défiscalisation des heures supplémentaires d'Emmanuel Macron, c’est comme donner une doudoune en plein mois d’août ! C’est gentil mais tout de suite, ça ne sert à rien !
Propos recueillis par Coralie Mollaret
coralie.mollaret@objectifgard.com