MÉDIAS Quelle ligne éditoriale et quel modèle économique pour la presse en ligne ?
Le Club de la Presse et de la Communication du Gard organisait hier au Spot, à Nîmes, un débat sur la presse en ligne entre le directeur général du nouveau site Les Jours Antoine Guiral et le directeur de la publication d’Objectif Gard Abdel Samari.
L’occasion de confronter les modèles tant éditorial qu’économique de ces deux « pure players », terme qui regroupe les titres de presse en ligne non-adossés à un titre papier.
Les Jours et ses « obsessions »
D’un côté, Les Jours, lancé le 11 février dernier par une équipe principalement composée d’anciens journalistes du quotidien Libération. Un nouveau pure player avec une ligne éditoriale innovante : « tout en étant dans l’actualité, proposer un certain nombre de choix, nos ‘obsessions’, qu’on va agripper et suivre au long cours pour redonner de la mémoire, du contexte », explique Antoine Guiral, par ailleurs ancien chef du service politique de Libération. Pour l’heure, une dizaine d’« obsessions » sont en ligne.
Un « journalisme en série », construit sous forme d’épisodes en réponse à « un trop plein d’information », et financé entièrement par le lectorat, « sans publicité, avec un modèle d’abonnements payants », précise le directeur général, qui revendique aujourd’hui 5 000 abonnés sur les 8 000 visés en un an.
Objectif Gard, plus dans « l’immédiateté »
De l’autre, Objectif Gard (que vous connaissez sans doute très bien) et son format « plus sur l’actualité de l’immédiateté », pour son directeur et fondateur Abdel Samari, mais pas que : « on commence à travailler sur des enquêtes, avec la disparition de Lucas en mars et la fin du communisme en Cévennes le mois prochain. » Un site actualisé très fréquemment, avec en moyenne une quinzaine d’articles par jour, lorsque Les Jours publient deux à trois papiers par jour. « Nous ne sommes pas du tout dans cette forme d’immédiateté et de flux », affirme Antoine Guiral.
Question modèle économique, là aussi la différence est flagrante, avec sur Objectif Gard de la publicité et la gratuité d’accès aux articles « pour offrir l’accès à une information de qualité pour le plus grand nombre. » Pour être tout à fait complet, Objectif Gard propose lui aussi un système d’abonnement, « dans un esprit de soutien, on explique que derrière l’information il y a des journalistes à payer », précise Abdel Samari qui exclut toutefois de passer sur un modèle uniquement payant. Aujourd’hui, votre pure player local préféré, qui s’est appuyé sur la société de communication de son fondateur au démarrage, « est autofinancé à 95 %. »
« Objectif Gard est un cas assez unique »
« (Objectif Gard) est un cas assez unique, il est très impressionnant de voir que vous arrivez à assumer les frais », estimera Antoine Guiral. « Nous avons deux approches très différentes a priori, mais une grande complémentarité, poursuivra le directeur général des Jours. Il est très bien qu’il y ait une presse gratuite avec l’idée de donner de l’information au plus grand nombre » face au « vrai risque d’avoir une information de qualité réservée à une élite et de moindre qualité pour ceux qui n’ont pas les moyens. »
Question moyens justement, Les Jours ont « levé 80 000 euros via un financement participatif », s’apprêtent à lancer une opération de « crowdequity » qui permettra aux particuliers de devenir actionnaires du journal et ont réussi à convaincre des investisseurs comme « Xavier Niel (patron de Free, ndlr), Hervé Chaballier (journaliste, ndlr), Pierre-Antoine Capton (producteur, ndlr), Matthieu Pigasse (banquier d’affaires, ndlr) ou encore Marc-Olivier Fogiel », précise Antoine Guiral.
Côté Objectif Gard, là aussi le modèle diffère : « je ne suis pas allé taper aux portes, affirme Abdel Samari. Nous avons deux banques qui accompagnent notre développement. » Et le directeur d’Objectif Gard explore d’autres pistes pour « monétiser » le site, avec le lancement d’un Club de entreprises et d’un Club des associations.
En attendant, les deux médias — « qui sont complètement au cœur de la crise de la presse et de son renouvellement », dixit Antoine Guiral — sont dans une optique de développement. Les Jours dans le rôle de défricheur (« nous sommes les seuls à partir sur un modèle payant avec un nouveau modèle éditorial », revendique le directeur général des Jours) et Objectif Gard dans un développement de son implantation sur le territoire. Ainsi, après Nîmes, Alès et Bagnols, Objectif Gard compte « ouvrir à Vauvert prochainement, et à Quissac ou au Vigan d’ici la fin de l’année, toujours dans une idée de proximité. »
Thierry ALLARD