MONTCLUS À cause de la sécheresse, un berger s'interroge sur l'avenir de sa ferme
Le mois de mai a été historiquement chaud. Si les températures sont un peu redescendues, la pluie n'est toujours pas tombée. Au point que des tensions sont déjà visibles sur les cours d'eau. À Bagnols-sur-Cèze, la situation est critique avec moins de 2,32m3 qui s'écoulent par seconde alors que le seuil de crise est fixé à 3,22m3/seconde.
Certaines professions pâtissent plus que d'autres de cette sécheresse précoce. C'est le cas d'Erino Frealdo, qui tient avec sa famille la ferme du Petit Gales, depuis vingt ans, à Montclus, une vingtaine de kilomètres en amont de Bagnols. Sous sa responsabilité : 160 chèvres et 20 brebis. Mais plus les années passent, plus l'eau vient à manquer tôt dans l'année. "En 2020, on s'est retrouvé sans eau le 20 août, l'année passée le 20 juillet, mais cette année, ça s'est produit le 12 mai", relate le chevrier. Son forage subit de plein fouet ce manque d'eau. L'éleveur coupe alors les abreuvoirs de ses bêtes le temps que les 300 litres du forage se remplissent. Encore plus assoiffées par la chaleur, elles ont vite fait de le vider à nouveau à peine rempli.
Quant à l'arrosage des plantes ou la cuisine, c'est à oublier. "On est obligé d'aller en camion chez mon fils, au village, remplir une cuve", déplore Chantal, la femme d'Erino. Elle a même songé à louer un appartement dans le centre de Montclus pour pouvoir prendre sa douche et laver sa vaisselle. "L'idée c'est que ma fille reprenne avec moi l'exploitation. Mais quel avenir on lui donne s'il n'y a pas d'eau ?", lance-t-elle.
La situation est déjà compliquée alors que l'été n'a même pas démarré. Erino Frealdo a trouvé une solution provisoire : un groupe hydrophore pour alimenter en eau les chèvres, qui constitue un espace tampon avec le forage. Pour l'instant, cela fonctionne mais l'installation a coûté 500 € et va doubler la facture d'électricité de la ferme. Et il y a autre chose qui inquiète le berger : "Quand on tire trop sur le forage, cela altère la qualité de l'eau et crée de la turbidité. Sur les dernières analyses, je suis d'ailleurs un peu au-dessus de la moyenne. Pour l'instant, j'ai toutes les autorisations pour la fromagerie, mais si l'eau descend encore plus bas, un jour, il faudra que j'arrête le forage..."
Une première tentative ratée pour avoir l'eau de ville
L'idéal pour l'exploitation serait d'être reliée à l'eau de ville. Il y en aurait pour 120 000 € de travaux. Mais là aussi, ça coince. Plusieurs enveloppes, notamment de l'État, devaient être allouées et il espérait être raccordé en juin en mettant plus de 30 000 € de sa poche. En réalité, il a découvert qu'au moment où il disait oui, les subventions étaient déjà perdues depuis plusieurs mois. L'erreur vient-elle du Syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable (SIAEP) Gard Ardèche (*), présidé par le maire de Barjac, Édouard Chaulet ?
Ce dernier assure que la situation d'Erino Frealdo "l'affecte beaucoup" et "qu'il a toute la sympathie du syndicat". Syndicat qui était même prêt à faire un effort financier de 10 % supplémentaire exceptionnel pour amener l'eau jusqu'à la ferme. "Tout était prêt, le financement du syndicat calé au petit poil (...) mais ça a capoté", affirme le président. Entre temps, est entrée en vigueur la loi NOTRe délestant les communes de la compétence eau, assainissement et pluvial, la refilant aux agglomérations. Dans cette nouvelle configuration, la commune de Montclus, appartenant à l'Agglomération du Gard rhodanien, n'avait plus la possibilité d'apporter sa participation pour l'extension du réseau d'eau potable. "La subvention obtenue auprès de l'État est devenue obsolète. Je me suis battu pour avoir des prolongations mais las, le préfet a fini par l'annuler", lâche Edouard Chaulet.
Reconstruire la fromagerie après la crue d'août 2018
D'un côté, on a le SIAEP Gard Ardèche qui demande à l'Agglomération de "se plier à sa doctrine" et payer la part de Montclus pour l'extension du réseau d'eau potable secondaire. De l'autre, on a des doutes sur le "minimalisme des statuts" du syndicat pour faire face aux enjeux du territoire. Mais la conclusion est la même : il y a aujourd'hui une situation de bloquage sur les trois communes du Gard rhodanien (Issirac, Montclus et Le Garn) appartenant au SIAEP Gard Ardèche. Et le prix de cette mésentente politico-administrative, ce sont des administrés comme Erino Frealdo qui le paie.
Aujourd'hui, l'agriculteur bio souhaite vivement être raccordé à l'eau de ville. C'est une étape essentielle pour la reconstruction de son exploitation. Le 9 août 2018, la ferme a été très durement impactée par la crue de la Cèze. La rivière transformée en torrent a emporté dans son sillage plusieurs engins agricoles et aussi dévasté le bâtiment abritant la fromagerie. Pour l'instant, il a aménagé un local de fortune en préfabriqué. Quatre ans après la montée des eaux, Erino Frealdo souhaite reconstruire une fromagerie digne de ce nom, plus haut, à l'abri des flots. Mais sans certitude sur l'accès à l'eau, les travaux restent en suspens... Edouard Chaulet, le président du syndicat mixte, assure qu'une nouvelle demande de subvention a été effectuée auprès du sous-préfet. Mais il est certain qu'il sera plus compliqué de la décrocher après ce premier loupé.
Marie Meunier
(*) Le SIAEP Gard Ardèche est un syndicat à cheval sur les deux départements et comprenant douze communes, dont trois du Gard rhodanien : Barjac, Issirac, Le Garn, Montclus, Saint-Brés, Saint-Privat de Champclos, Bessas, Labastide de Virac, Orgnac l'Aven, Saint-Sauveur de Cruzières, Salavas, Vagnas.