NÎMES Huit ans de rue et de coups durs : itinéraire du SDF du skatepark
À 26 ans, celui que tout le monde appelle Joey a déjà passé huit ans dans la rue. Pour Objectif Gard, il raconte une jeunesse qui ne l'a pas épargné.
Il passe le plus clair de son temps au skatepark de Nîmes. Son refuge où il s'est fait tant d'amis. Ici, tout le monde le salue. Mais rares sont ceux qui connaissent son histoire. Celle d'un gamin breton dont l'enfance bascule dans le tragique à cause d'un père violent. "Quand j'avais 13 ans, j'ai dû m'interposer pour protéger ma mère, se souvient-il. Mon frère de 17 ans était lui aussi témoin mais ne faisait rien. À partir de là, je n'osais plus aller au collège de peur que mon père recommence à la frapper. Il y avait beaucoup de tensions et j'ai dû quitter le domicile familial quand j'avais 16 ans."
C'est le début de trois ans de galère. Joey parcourt la France, enchaîne les petits boulots, et passe le plus clair de son temps dans la rue où il devient accroc à l'opium. "À 19 ans, j'ai rencontré ma femme, poursuit-il. Ça m'a stabilisé, je suis revenu en Bretagne. On avait un appartement. Elle est tombée enceinte et j'ai réussi à arrêter l'opium."
Mais le sort s'est acharné. Alors qu'elle se rendait au travail en voiture, la jeune femme est percutée par un chauffard. Son enfant et elle décèdent sur le coup. "Ça m'a complètement détruit, raconte Joey. Je ne pouvais plus garder l'appartement, psychologiquement et financièrement. Je suis tombé dans l'alcool et j'ai enchaîné les conneries."
Sept accidents de motos et trois arrêts cardiaques
Errant de ville en ville, Joey n'a plus rien à perdre. Sa source de plaisir désormais : risquer sa vie à moto, boosté par l'adrénaline. "J'ai eu sept accidents, la rotule fracturée, le crâne fêlé. J'ai même fait trois arrêts cardiaques, explique-t-il. Mon foie était lui aussi en mauvais état. J'ai décidé de tout arrêter : l'alcool et la moto. Désormais, c'est au skatepark que je viens me vider la tête."
Installé à Nîmes depuis plusieurs mois, Joey dort sous un préau et passe la plupart des journées sur sa planche à roulettes. "Côté boulot, j'ai décroché plusieurs périodes d'essai. Mais dehors, je ne peux dormir que deux ou trois heures par nuit. Pas suffisant pour pouvoir enchaîner les journées de travail. Désormais, ma priorité est de trouver un appartement."
Suivi par un curateur, Joey touche une pension d'adulte handicapé qui pourrait lui permettre de payer un loyer. "J'ai trouvé plusieurs logements, mais quand les agences apprennent que je suis sans domicile, elle ne donnent pas suite." À 26 ans et un tiers de sa vie à dormir dehors, Joey espère enfin trouver un toit. Pour pouvoir repartir du bon pied, après une jeunesse sacrifiée.
Boris Boutet