NÎMES Phytocontrol et l'explorateur Jean-Louis Étienne vers un avenir plein d'aventures avec Polar Pod
On parle d'une aventure qui n'aura pas lieu avant 2023 mais quelle aventure cela sera ! Phytocontrol et Jean-Louis Étienne viennent de signer un partenariat qui les embarquera sur l'océan austral pour collecter des données sous-marines inédites dans des eaux méconnues.
Mikaël Bresson, le président du groupe nîmois Phytocontrol spécialisé dans les analyses liées à la sécurité sanitaire des eaux et des aliments, vient de frapper un gros coup dans son domaine et sur la scène planétaire. " Au nom de toute l'équipe, merci ! C'est une fierté d'être à vos côtés. C'est une belle opportunité qui s'est transformée en grande aventure. Votre confiance nous va droit au coeur ", avoue le patron nîmois en s'adressant à l'explorateur Jean-Louis Étienne.
Pourquoi de tels mots ? Les deux parties sont aujourd'hui liées par un contrat qui prévoit un travail commun. Phytocontrol met de l'argent dans l'aventure, évidemment, mais le projet va au-delà de l'aspect purement financier. " Jean-Louis Étienne a une expérience de 30 ans dans les expéditions à travers la planète. Les données qu'il va recueillir avec le Projet Polar Pod sont inestimables car elles seront accumulées sur une longue période. Elles seront inédites ! "
Un projet qui a résonné comme une évidence pour le groupe né à Nîmes et devenu au fil des ans leader (ou quasiment) en Europe. " C'est un projet fou, comme nous ! C'est une mission à la Jules Verne. On ne sait pas ce qu'on va trouver vers ces fameux cinquantièmes hurlants. Ce projet est technique et humain, il a du sens pour nous. Nous sommes seuls en France voire en Europe à faire ce que l'on fait avec l'analyse des contaminants dans l'eau. Nos équipes sont prêtes à aider Polar Pod car ces données serviront à mener des actions plus larges ", poursuit Mikaël Bresson.
Une vie dédiée à la découverte
Place à l'aventurier né en 1946, Jean-Louis Étienne. Ses propos sont ceux d'un passionné qui veut transmettre, d'un aventurier de longue date qui a toujours été le premier partout où il a mis les pieds. Il a aussi eu un parcours des plus étonnants. Après un CAP de tourneur-fraiseur, il a passé un bac technique puis s'est glissé en fac de médecine avant de devenir médecin dans la marine marchande, coéquipier d'Éric Tabarly ou encore d'être sélectionné pour être spationaute...
" Jeune, j'avais des notes proches du niveau de la mer en français mais j'avais le désir de faire des expéditions. C'était un rêve de gamin et quand j'étais interne en chirurgie je me suis lancé. À 40 ans j'ai fait ma première expédition personnelle au Pôle Nord. J'aime la construction technique et les zones méconnues comme l'océan austral sont excitantes. En plus, tous les résultats seront exploités à des fins pédagogiques et ça me force à savoir pour expliquer ", relève Jean-Louis Étienne.
Il faut dire que le CO2 se dissout plus et mieux dans les eaux froides que dans les eaux tempérées. De ce fait, l'océan austral est probablement le plus gros puits à carbone des océans. Comme c'est aussi une immense réserve de vie marine, toujours méconnue, le fait que Polar Pod fonctionne avec six éoliennes pour le propulser et qu'il ne fait pas de bruit, il pourra faire l'inventaire de la faune grâce à des captations acoustiques. Voilà un des buts de la mission à venir. Plusieurs saisons seront nécessaires pour recueillir toutes ces données car les animaux aussi ont une vie ! L'impact anthropique y sera également étudié car même si l'Homme est loin de cet espace inconnu, sa présence sur Terre se ressent partout sur le globe... Hélas.
Un "bateau" peu commun
Un projet indépendant mais dont la construction du bateau spécial sera financée par l'État via l'Ifremer avec des appels d'offres à la clé. " C'est un projet polaire de plateforme océanographique dérivante, d'où son nom de Polar Pod. Ça va être un baladeur autour de l'immense océan austral qui encercle l'antarctique. On va s'installer là-bas pendant trois ans et collecter des données car rien n'a jamais été fait ", explique l'explorateur.
Sur cet océan fort en tempêtes, cette espèce de bateau va flotter à la verticale, comme un iceberg avec sous sa vigie habitable une tige immergée de 80 mètres de long. Une première ou presque. En surface, il faut être le plus poreux possible car les vagues sont costaudes et que le laboratoire ambulant ne doit pas entrer en résonance avec la houle. Il faut dire que Polar Pod pèsera mille tonnes ! Il sera extrêmement stable et finalement plus confortable qu'un navire.
" On ne peut pas avoir le mal de mer, on ressentira l'équivalent de la secousse que l'on reçoit en TGV quand on va au bar. Nous avons eu de grosses contraintes financières pour en arriver là et pour affronter l'hypothétique vague " cinquantenale " qui doit passer toutes les 38 secondes pendant trois heures. Il faudra fermer les placards mais on sera prêts et en sécurité à l'intérieur ! ", ajoute l'explorateur qui sera en charge de l'organisation logistique maritime.
Comme la station spatiale internationale ?
43 institutions de 12 pays participeront au projet. La construction du bateau devrait prendre de 15 à 18 mois. S'ensuivra une simulation avec une campagne d'essai car cet outil est bardé de capteurs et fonctionnera avec peu de monde à bord, un peu à la manière de la station spatiale internationale. Une fois construit, Polar Pod sera mis sur un bateau qui l'amènera à Port Elizabeth (Afrique du Sud) puis chargé sur un remorqueur jusqu'au cercle polaire.
Huit personnels d'équipage dont quatre ingénieurs et trois marins seront à bord. Départ prévu en 2023 pour deux tours de 18 mois chacun. Les équipes seront relevées tous les mois et Jean-Louis Étienne sera bel et bien dans la première équipe. " C'est innovant et si je fais la fusée c'est pour partir ! "
Il aura mis dix ans à construire ce projet qui se réalise après quelques belles anecdotes. Jean-Louis Étienne avait d'abord pensé créer un système d'une centaine de mètres de diamètre et flottant comme une chambre à air. Il n'en aura finalement conservé que la partie centrale, verticale, après les conseils des constructeurs du Flip (années 1960) qui, pour le compte de l'US Navy, écoutait mers et océans à la recherche de sous-marins. Pour ce travail en profondeur avec de tels ingénieurs, l'explorateur a dû habiter aux USA deux années durant, passant de grandes écoles en facultés de prestiges et recueillant des lettres d'intérêts qui ont servi à financer son projet à son retour en France.
Être le bon prof
Mais pourquoi ce grand monsieur de l'aventure a-t-il choisi une société nîmoise, certes parmi les meilleures au monde dans son domaine, qui n'est pas forcément connue du grand public. " Je me suis renseigné quand même ! Je suis bluffé par Phytocontrol et son excellence dans son domaine ! L'hyper-technicité du laboratoire est incroyable... Je suis très attaché à l'autonomie, construire et développer leur société comme ils l'ont fait me plaît beaucoup. Surtout quand on arrive à ce niveau ! Nos échantillons recueillis dans l'océan austral vont arriver et seront analysés à Nîmes. En sortant de ce labo, je vais être un ambassadeur de Phytocontrol car je comprends mieux ce qu'on retrouve dans nos sols et en agriculture... Je vais le dire dans mes conférences, on a tous intérêt à être vigilant avec ce que l'on mange. "
À 74 ans on pourrait croire que Polar Pod est la dernière expédition de Jean-Louis Étienne... En tout cas il veut laisser quelque chose dans son sillage. " La dernière ? Pas du tout, c'est la suivante ! Il nous faut renouer avec l'économie circulaire parfaite de la nature. Notre économie actuelle est en spirale et nous éloigne de cela. Pour être actif, il faut incarner les choses. C'est ainsi qu'on en devient acteur et c'est pour cela que je me lance dans ce projet. Mon objectif est d'être le bon prof. Celui dont on se souvient toujours. "