ROQUEMAURE En images : 20 ans après le terrible accident de l’A9, « le temps s’est figé »
Vingt ans. Vingt ans ont passé depuis ce funeste lundi 10 juillet 1995, lorsqu’en pleine nuit, à 1h15 du matin, le parcours du car Starbus qui reliait les Pays-Bas à l’Espagne s’est arrêté net, comme celui de 23 personnes, là sur l’A9, à quelques encablures de l’aire Roquemaure-Nord.
Après avoir percuté un camion par l’arrière, le car se renverse et glisse sur plus de 80 mètres sur la glissière du terre-plein central. 22 personnes, principalement celles qui se trouvaient du côté gauche du car, sont tuées sur le coup, une périra des suites de ses blessures quelques heures après. 32 autres des 57 passagers que comptait le car seront blessées, certaines très grièvement. Il s’agit de l’accident le plus meurtrier depuis celui de Beaune en 1982 et ses 53 victimes.
Le journal télévisé du jour du drame :
« Roquemaure n’oubliera jamais »
Vingt ans après donc, une cérémonie était organisée cet après-midi sur l’aire Roquemaure-Nord, où a été érigée une stèle en souvenir des victimes à laquelle les noms des 23 victimes françaises, espagnoles, belges et hollandaises viennent d’être ajoutés.
Des rescapés, familles de victimes et membres des services de secours de l’époque se sont retrouvés pour un moment empreint d’une profonde émotion. « Roquemaure n’oubliera jamais ce tragique événement », a ainsi affirmé le maire André Heughe, alors que le directeur de cabinet du préfet Christophe Borgus a souligné « l’émotion qui a marqué la France toute entière et l’Europe, une émotion qui ne s’est jamais dissipée. » Une émotion palpable chez Jean-Luc Gobert, qui a perdu son fils Baptiste et sa nièce Florence dans la tragédie : « la stèle dévoile les prénoms de ceux qui nous ont quitté et nous rappelle que la folie des hommes et la sur-rentabilité produisent des drames. » Le conducteur espagnol du car n’avait pas respecté le nombre d’heures de sommeil ni les pauses réglementaires.
Un combat pour le port de la ceinture dans les autocars
Une liste de victimes qui aurait pu, dû, être bien plus courte : « si tous les occupants du car avaient porté une ceinture de sécurité, le bilan aurait été divisé par quatre ou cinq », affirme Frédéric Deloeil, vice-président de l’association Citoyenneté Routière, créée après le drame par les époux Gobert pour militer pour le port de la ceinture dans les autocars. Un combat de longue haleine qui a porté ses fruits, puisqu’à partir de septembre, plus aucun autobus ne pourra circuler en Europe s’il n’est pas équipé de ceintures de sécurité.
Pour autant, si une importante bataille a été gagnée, le combat n’est pas fini : « on fait passer l’idée qu’il faut mettre la ceinture, explique la présidente de l’association basée à Valenciennes Michèle Gobert. Il faut que ça devienne un automatisme, comme en voiture. »
« J’avais envie et besoin d’y retourner »
Alors pour faire passer ce message, son fils Benjamin, rescapé de l’accident, a eu une idée : faire le trajet de Valenciennes à Roquemaure à vélo, en faisant de la sensibilisation à chaque étape. « J’ai eu envie de revenir pour la première fois sur les lieux, détaille-t-il. Je n’avais jamais voulu revenir, mais là j’avais envie et besoin d’y retourner mais pas juste en voiture, je voulais créer quelque chose d’utile, c’était le moins que je puisse faire. »
Le groupe de cyclistes emmené par Benjamin Gobert a donc quitté Valenciennes le 28 juin pour arriver à Roquemaure pour le vingtième anniversaire du drame. L’occasion aussi pour lui de se souvenir de cette terrible nuit qui a emporté son frère cadet et sa cousine lorsque, âgé de 17 ans, il partait en vacances à Valence : « je dormais quand ça s’est passé. On a été projetés dans l’autocar, j’étais à demi conscient, dans ces moments là on se retient, on s’accroche. L’autocar a glissé sur 80 mètres, c’était interminable. »
A l’issue de la cérémonie, Benjamin Gobert a longuement échangé avec des pompiers présents le soir de l’accident. « J’ai l’impression que le temps s’est figé pour une journée », affirme-t-il. Lui qui s’en est sorti indemne se dit « content d’être vivant » et espère « que ça serve à d’autres, pour que ceux qui sont morts, dont mon frère et ma cousine, ne soient pas morts pour rien. »
Thierry ALLARD