David n'est pas étranger dans ces montagnes. À vol d'oiseau, la maison où il a grandi n'est qu'à une quinzaine de kilomètres, à Saint-André-de-Majencoules. Mais comme sa nouvelle résidence toise deux vallées, la distance s'allonge fortement par la route. Les Cévennes lui sont apparues comme une évidence au moment de créer les Monts Bleus, maison d'hôtes LGBT qui se veut ouverte à tous. Et il n'a pas hésité longtemps, avec Francisco, son compagnon d'alors, quand il est arrivé à Saint-Roman-de-Tousque, visiter ce qui est devenu les Monts bleus. 

Pour ceux qui ne connaissent pas ce hameau de la commune de Moissac-Vallée-Française, il faut s'imaginer sur une crête, au-delà du col de l'Exil et avant la Corniche des Cévennes proprement dite, entre Vallée Française et Vallée Borgne. Le regard embrasse alors des kilomètres de panorama. De surcroît, les Monts Bleus couronnent le hameau, toisant les autres habitations. 

"J'ai vécu à l'étranger, en Inde pendant trois ans, entame David. Je vivais comme un local. Si bien que je suis entré dans la culture culinaire indienne, mais aussi celle de Hong-Kong, de Taïwan, etc." En 2016, David revient en France, "j'habitais entre Salon-de-Provence et Aix et j'organisais des banquets d'entrepreneurs à Marseille". Le principe : "Un banquet, une table, des gens. Et on partage le repas comme entre famille et amis". De quoi désinhiber des craintes entrepreneuriales. "C'est une thérapie face-à-face, en groupe. L'intérêt, quand quelqu'un explique un truc, c'est qu'il fasse écho chez l'autre", détaille David. 

À partir des banquets, David imagine des week-ends en immersion, alors même qu'il s'apprête à déménager. "Je me suis dit : "Quitte à bouger, autant retourner dans les Cévennes". Il me restait mon métier, l'accompagnement des entrepreneurs, et je voulais ajouter des soirées Brésil. Les week-ends en immersion, ça permet d'être au coeur de soi." David crée le concept avec Francisco. La maison d'hôtes qu'ils imaginent sera LGBT, gay-friendly, avec une grande tablée, une cheminée centrale utilisable pour cuisiner, une cave à vin profonde, une cuisine vaste et fonctionnelle pour que David puisse s'y épanouir et poursuivre ses expériences culinaires à l'intention des hôtes, un jacuzzi face au panorama et quelques chambres pour faire reposer yeux et estomac. "Mais on peut aussi juste venir manger, sans dormir." 

"Un pied de nez aux applis de rencontres"

David, gestionnaire des Monts Bleus

"Il y a deux raisons au côté LGBT, approfondit David : déjà, c'est sympa de faire quelque chose pour la communauté. Et puis, c'est un pied de nez aux applis de rencontres." Car David aime la véritable rencontre et est conscient qu'afficher maison LGBT permet aux visiteurs de s'afficher, si besoin, et d'être accueillis sans regard appuyé sur les désirs de chacun. D'ailleurs, depuis qu'il est à Saint-Roman-de-Tousque, David continue d'approfondir ses envies. En plus des Monts Bleus, qui s'applique à n'utiliser (vin mis à part) que des produits provenant de moins de 20 kilomètres à vol d'oiseau (jusqu'aux légumes bio de l'exploitation de ses parents), David s'est lancé dans une deuxième activité, la production d'un podcast, Homo Heureux (à retrouver ici), "en lien direct avec la maison. Dans ce cadre-là, je suis thérapeute", poursuit David, qui fait usage de "coaching narratif".

Enfin, le locataire des lieux ne quitte pas son activité d'accompagnement d'entrepreneurs. Un "business de mentor", assimilable à "la notion de grand frère", explique-t-il. Il a souvent affaire à "des gens installés mais qui sont gênés dans leur quotidien, qui doivent démultiplier l'activité et assurer la transmission. Le filtre, c'est la pertinence de ce que fait l'entrepreneur : la dimension économique et sociale accompagne-t-elle l'humain ?"

Dans le silence qui borde la route de la Corniche des Cévennes - en dehors des week-ends... - David n'a donc pas le temps de s'ennuyer. La crainte de ne pas réussir à attirer de clients a vite été dissipée. Celle d'être accepté localement aussi. Si les gens du hameau ne viennent pas forcément visiter les Monts Bleus, ils n'ont montré aucune animosité à la création d'une maison LGBT. "Ma crainte était de ne pas attirer le cliché du vieux gay graveleux, avoue David. En réalité, ce n'est quasiment jamais arrivé." David reçoit autant de couples d'hommes que de femmes, des couples hétérosexuels aussi, notamment lors des Drag queen party, qu'il organise quatre fois dans l'année. Un jour, une habitante de Barre-des-Cévennes est passée lui offrir une bouteille de champagne en le félicitant pour ce qu'il faisait. Et s'en est allée, ensuite, sans plus de formalités. 

David attribue aussi le succès de ses Monts Bleus à "la baisse globale des lieux LGBT en France, notamment pour un facteur immobilier. Désormais, les lieux sont souvent associatifs et il y a assez peu de renouvellement de l'offre, donc une certaine lassitude. Et puis, les applications, comme Grindr et compagnie, ont tué les bars gay." Et, de toute façon, aucun ne mettait les petits plats dans les grands comme le fait David, avec sa cuisine au feu de bois, sa centaine de références de vins et sa fantaisie dans la cuisine servie. 

Ces critères font que les Monts Bleus de David commencent à se tailler un petite réputation, ne serait-ce qu'à Marseille ou Montpellier, au sein de la commuanuté LGBT, bien sûr, mais pas seulement. En près de quatre ans, le pari est réussi. Et David multiplie les propositions, entre soirées Drag Queen et week-end immersion entre hommes, pour évoquer les difficultés ou particularités propres aux homosexuels masculins. La fin d'année donne aussi l'occasion d'un réveillon banquet spectacle et Drag Queen show, avec jacuzzi extérieur chauffé. Les Monts Bleus seront, alors, tout proches de fêter leur quatre ans d'existence. 

Le site internet des Monts Bleus est à retrouver ici.