FAIT DU JOUR Philippe Corti, de nuit comme de jour
La feria de Pentecôte s'est achevée en début de semaine et va laisser place aux soirées d'été. Ce monde de la fête, Philippe Corti n'a jamais cessé de le côtoyer. Le DJ gardois, qui vit à Uzès, partage maintenant son emploi du temps entre la nuit et les tournages.
Philippe Corti vient de garer sa moto dans la cour, il porte une veste de costard bleu avec des motifs végétaux blancs et des baskets montantes de marque. Le rendez-vous est donné à la Maison Bronzini, à Villeneuve-lez-Avignon, là où il doit animer la fête de la musique le 21 juin prochain. À peine quatre jours après l'ouverture de la billetterie, la soirée affiche déjà complet. C'est dire l'aura du DJ de 65 ans qui a marqué les soirées avignonnaises et plus largement du sud de la France, et qui se partage aujourd'hui avec les tournages. Il vient de boucler une série TF1 intitulée "Saint Barth" tournée dans les DOM-TOM, il retournera devant la caméra en août pour "Crunch", un film sur l'univers de l'ovalie.
La filmographie de Philippe Corti est bien étayée puisqu'il a aussi eu un rôle dans "Inestimable" et "Le Clan" (2023) ou encore "Permis de construire" (2022) d'Éric Fraticelli, "Overdose" (2022) d'Olivier Marchal, "R.T.T." de Frédéric Berthe. On a pu le voir dans des séries aussi comme "Sous le soleil" ou "Alice Nevers", mais aussi sur les planches ou dans des émissions de télévision, notamment au côté de Thierry Ardisson qui lui a ouvert les portes à sa sortie de prison (Philippe Corti a été incarcéré entre 1994 et 1996 pour trafic de drogue, NDLR). Un parcours médiatique qui reflète une personnalité affirmée dès l'enfance. Déjà à l'école, Philippe Corti faisait le pitre sur l'estrade, il avait besoin de se mettre en scène pour faire une bêtise avant de reprendre le cours. N'empêche qu'avant chaque set, il ressent encore du trac et n'y va jamais la fleur au fusil. Même après plus 40 ans de carrière.
Des musiques à "contre-pied" des tendances
Aujourd'hui, les jeunes spectateurs le connaissent avant tout à travers le grand écran. Leurs parents pour sa carrière de DJ. Enfin de "disquaire", comme aime se décrire Philippe Corti. Préfère-t-il l'un ou l'autre ? "La vie est un jeu permanent. Être acteur de sa vie, c'est important", retourne-t-il. Acteur, Philippe Corti l'a été. Il n'a pas peur de le dire, il se considère comme le premier DJ professionnel du monde qui part avec ses disques et tourne partout : "Toute la grande French touch a commencé avec moi, que ce soit Guetta, Garnier, Bob Sinclar ou Carl Cox..."
Au plus haut de sa carrière, le Gardois d'origine corse mais né à Millau, tournait jusqu'à six fois par semaine. Il n'est pas du genre à passer ses journées, assis, en studio : "Il y a les musiciens et les mecs qui touchent à l'ordinateur, qui n'ont jamais vu une trompette de leur vie. Ce n'est pas le même métier." Et gare à ceux qui dénaturent la musique en mixant au tempo : "Il n'y a rien de mieux que l'original, mais il y a une manière de retravailler, de rebooster le morceau." C'est comme pour la grammaire, il y a des règles.
Fils d'instituteurs, Philippe Corti a grandi à Montaren avant d'intégrer l'école normale en 1976 à Nîmes qu'il a abandonnée au bout d'un an et demi. Philippe Corti est davantage attiré par les dance-floors et veut faire plaisir aux fêtards de tous les horizons. Il a commencé à côtoyer les platines après son service militaire et a animé les soirées de la fac de droit car les musiques des autres ne le transportaient pas : "J'ai pris le contre-pied tout de suite, j'ai mis Dalida, Claude François. Je ne commence jamais pareil une soirée. Je passe des morceaux qui semblent impossibles à mettre, comme les musiques de film. La musique est toujours liée à un sentiment, un souvenir..."
Le Sholmes, le Privé, le Papagayo, La Churascaïa...
Il a fait danser le public de nombreuses discothèques incontournables de l'époque et du sud comme le Sholmes à Rochefort-du-Gard, Le Privé aux Angles, le Papagayo à Saint-Tropez. Sans oublier "la matrice", la mythique Churascaïa perdue au milieu de la Camargue où le "mouvement homosexuel a pu s'afficher et qui a inculqué à toute une génération la tolérance totale". Il a aussi ouvert sa propre boîte La Scatola, à Port-Camargue et se distingue avec de la musique qui se détonne allant jusqu'aux morceaux classiques.
Très peu pour lui les musiques de "keke" actuelles, moque-t-il avec son franc-parler naturel. Et de rajouter avec finesse : "J'aime le live. Le mix, n'importe quel jeune peut le faire. Mais la merde mixée avec de la merde, même si c'est bien mixé, cela reste de la merde." À la Maison Bronzini, pour la fête de la musique, il prévoit un cocktail avec des airs funk, soul, latino et quelques morceaux house. "Je ne suis pas raciste dans ma musique. Elle est internationale", glisse-t-il avec un clin d'œil.
"Si la rue est belle, les bodegas sont belles"
Il y a une semaine encore, Philippe Corti donnait le ton au Victor-Hugo et son emblématique tête de taureau en ouverture de féria : "Dans une feria, ce ne sont pas les bodegas privées qui sont importantes mais c'est la rue. Si la rue est belle, les bodegas sont belles." Très tôt, il a participé à cette grande fête : "La deuxième bodega à Nîmes, c'était moi. C'était même avant le mariage d'Yves Mourousi (le journaliste avait repéré Philippe Corti et lui a demandé d'animer la soirée de son mariage, où étaient présentes des milliers de personnes à Nîmes, NDLR)."
Le Gardois est bien content que les smartphones n'existaient pas à l'époque. Pas besoin de photo, les souvenirs sont gravés "là", dit-il en pointant sa tête. Son art l'a amené à voyager dans le monde entier : New York, Russie, Chine... Il a même fait partie des chanceux à monter à bord du Concorde pour assurer deux soirées d'affilée qui se trouvaient d'un bout à l'autre de l'Atlantique.
Un récit qui mériterait d'être couché sur le papier vous dites vous ? C'est en partie fait. En 2005, Philippe Corti a publié "Autobiographie d'un DJ" qui retrace sa vie de sa naissance à sa sortie de prison. Y aura-t-il une suite ? Le Gardois, papa de deux enfants et grand-père de deux petits-enfants, réfute : "Ce serait un livre de la nuit, des paillettes : les Bains, directeur au Palace... J'en ai fait mais je n'ai pas envie de raconter ça. Ce n'est pas ma vie. Ma vie, c'est réparer ma moto, voir mes potes, mes petits-enfants, ce que m'ont donné mes parents... Les paillettes, elles s'envolent."