FAIT DU SOIR L’humoriste Tanguy Pastureau : « chaque époque a ses tabous »
L’humoriste, chroniqueur dans l’émission de Nagui La Bande Originale sur France Inter du lundi au vendredi, sera ce samedi 25 septembre sur la scène de l’Ombrière, à Uzès, pour y jouer son spectacle « Tanguy Pastureau n’est pas célèbre ».
L’occasion rêvée de lui poser quelques questions pleines de second degré pour obtenir des réponses truffées de premier degré, voire de troisième, on s’y perd un peu, mais aussi de disserter célébrité, Brigitte Macron, « Jean-Pierre Belmondo » et, on y revient toujours, du Gard.
Objectif Gard : Votre spectacle s’appelle « Tanguy Pastureau n’est pas célèbre »… C’est de moins en moins vrai, non ?
Tanguy Pastureau : Je ne sais pas en fait, je crois que je suis un peu dans cette espèce de zone grise de la célébrité. Les gens qui m’écoutent sur France Inter, qui m’ont vu à la télé dans deux ou trois émissions me connaissent, mais pour le grand public je peux me balader dans la rue et il ne m’arrive rien, je suis très peu reconnu. Je trouve qu’aujourd’hui la plupart des célébrités sont comme ça, par exemple vous avez des youtubeurs très connus des jeunes mais moi si je passe devant eux je ne les reconnais pas non plus alors qu’à la Fnac quand ils vont dédicacer il y a une file d’attente exceptionnelle. Je trouve qu’avant il y avait des célébrités que tout le monde reconnaissait, maintenant c’est plus devenu un truc de niche, donc moi à titre personnel je dirais que je suis moyennement célèbre, mais ça me va tout à fait.
Pourquoi faudrait-il éviter d’être célèbre ?
Je pars du principe que quand on est caché on est quand même plus ou moins heureux, parce que la célébrité apporte aussi beaucoup de mal-être, de soucis. Dans mon spectacle je retrace le parcours de pas mal de célébrités. Ça part de Brigitte Macron, je dis qu’en fait elle devrait bénéficier d’une retraite de prof à l’âge qu’elle a, tranquille à écouter Vincent Delerm chez elle, la malédiction des Kennedy par exemple où ils sont tous morts dans des circonstances atroces… je passe en revue des célébrités en disant que leur vie est un enfer. Donc mon credo est de conseiller aux gens tout au long du spectacle de rester le plus anonyme possible et d’ailleurs je leur donne des conseils pour le faire.
Justement, quelques astuces ? Le masque, actuellement ça peut aider, ou alors si on fait un article sur vous, avoir la photo d’un autre pour l’illustrer ?
Exactement ! Ça m’est arrivé avec L’Obs, il y a trois ans, c’était mon premier portrait à dimension nationale, j’étais content, j’avais appelé mes parents pour leur dire. Et je ne sais pas ce qui s’est passé, un problème au niveau de la banque d’image, mais ils ont mis la photo de quelqu’un d’autre, d’un autre animateur radio qui me ressemble à peine (Grégory Ascher, ndlr) et j’ai trouvé que ça définissait bien le niveau de célébrité dans lequel j’étais. En fait on peut mettre à peu près la photo de n’importe qui, Mimie Mathy, un poisson, je ne sais pas, tout passe. Ça m’a fait rire, et c’est de là qu’est venue l’idée de ce spectacle. C’était drôle dans l’absolu, je ne me suis pas senti blessé.
« Mes souvenirs du Gard sont de l’ordre presque de la sensation »
Vous auriez dû inaugurer l’Ombrière à Uzès en décembre dernier, à cause de la crise sanitaire ça ne s’est pas fait et vous êtes finalement parmi les premiers à vous y produire, mais pas le premier. Ce n’est pas trop décevant ?
Si très. C’est très décevant parce qu’on n’a pas toujours l’occasion de marquer l’histoire d’une salle de son empreinte et j’étais content d’ouvrir cette salle. Après je pense que les premiers ont étrenné la salle, il y a peut-être eu des petites contraintes techniques, des petites choses, je pense que je vais aller dans une salle déjà rodée donc dans un sens il y a un avantage aussi. Mais c’est une petite déception quand même, ça me faisait plaisir d’être le premier sur scène dans cette nouvelle salle.
Vous vous inspirez beaucoup de l’actualité pour vos chroniques sur France Inter. Dans ce cadre, le Gard vous a-t-il déjà inspiré, et question corollaire, que connaissez-vous de notre département ?
Souvent je prends la presse locale mais je ne me souviens plus à travers toutes ces chroniques s’il y a eu un fait divers ou quelque chose de vraiment typique du Gard qui a attiré mon attention. Je connaissais le Gard quand j’étais petit, mes parents étaient assez amoureux de la région. Je me souviens d’Uzès mais j’étais très petit et je n’y suis pas retourné depuis très longtemps. Je pense que mes souvenirs sont de l’ordre presque de la sensation. Je suis content de revenir, en plus en septembre, on est encore un peu dans l’été donc je vais retrouver un peu de ces sensations là.
Votre métier est de faire rire avec l’actualité tous les jours, n’est-ce pas trop difficile ? L’actualité est tout de même très lourde ces derniers temps.
Oui et il faut justement essayer de contourner cette lourdeur et d’arriver à en faire un truc un peu marrant, rigolo, léger, parfois moins. Comme j’ai une chronique quotidienne parfois je m’autorise des moments plus graves et le lendemain je pars sur quelque chose de plus léger, donc ce n’est pas un vrai problème. Après c’est vrai qu’on a traversé une période très compliquée donc j’ai fait comme tout le monde, essayer d’avancer pour tirer le plus drôle de tout ça. Mais ce n’est pas toujours évident.
« Je n’ai pas l’impression d’une censure particulière ou d’une époque plus frileuse »
Vous qui êtes un spécialiste : quelle est pour l’instant l’actualité la plus drôle de 2021 ?
J’aurais tendance à dire le début de la campagne électorale, il y a tellement de candidats que ça devient un peu absurde. Ces primaires où il y a quasiment plus de gens qui se présentent que d’électeurs. Après je ne sais pas si c’est drôle, vraiment. Je crois que le climat va être assez tendu dans cette campagne et que ça ne va pas être si drôle que ça au final. Mais pour l’instant c’est ce que je retiens du début de saison, car tout le reste est un peu catastrophique, entre la crise climatique, le covid qui s’éternise, on a du mal à trouver des choses un peu marrantes. Mais dans la campagne, parfois il y a des phrases, je me souviens de Sandrine Rousseau des écologistes qui a voulu rendre hommage à Bébel et qui a dit « Merci Jean-Pierre Belmondo » sur Twitter. Ce genre de trucs paraît anecdotique, mais on est tellement dans une époque dure et anxiogène que le moindre petit truc un peu rigolo nous fait rire, je ne sais pas si c’est par dépit ou si c’est vraiment drôle en fait. Après, il y a toujours des titres de presse quotidienne régionale fabuleux…
Une dernière question au choix : « pensez-vous, comme certains, qu’aujourd’hui Coluche et Desproges seraient en prison ? » ou la seconde, « Peut-on rire de tout ? »
Les deux correspondent un peu à la même interrogation. Je ne pense pas qu’ils seraient en prison, mais qu’ils diraient les choses différemment. Ce n’est pas forcément plus mal, chaque époque a ses tabous, sa manière de dire les choses. Évidemment on ne dit plus les choses de la même manière à notre époque qu’à celle de Coluche, Desproges aujourd’hui ce serait plus faisable car il a moins utilisé certaines ficelles. Je pense que c’est plus un travail d’écriture. On peut quasiment tout dire, si on est sain dans son propos, moi je m’autorise à peu-près tout sur France Inter, je n’ai pas l’impression de me restreindre beaucoup, mais comme les gens me connaissent un petit peu il n’y a pas d’ambiguïté en fait. Je pense que là où il peut y avoir un problème c’est si la personne est ambiguë dans son discours, qu’on commence à se demander si elle croit à ce qu’elle dit. Je n’ai pas l’impression d’une censure particulière ou d’une époque plus frileuse, il faut juste dire les choses autrement et se rendre compte qu’avec les réseaux sociaux, les gens dont on se moque ont accès à la parole, ils peuvent aussi nous répondre. Dans un sens tant mieux, généralement ça ne se passe pas mal.
Propos recueillis par Thierry Allard