NÎMES De l’aficion à la collection
Au musée des cultures taurines, une nouvelle exposition temporaire est à découvrir pour cinq euros jusqu’au 31 octobre.
Nîmes est une ville de passionnés. Ici, par le passé, les boules, le foot et les toros étaient le triptyque essentiel, primordial. Des passionnés, il y en a des milliers. Ils s’unissent tantôt dans un stade, tantôt dans une arène. Et ils collectionnent, les passionnés. Ils entassent pour le bonheur des générations suivantes. Mais il faut faire vivre ces fonds et le musée des cultures taurines, avec la précieuse aide de l’association des amis du musées des cultures taurines, le fait brillamment.
À l’origine du musée
C'est au début de l'année 1986 qu'un petit groupe d'aficionados nîmois décide de fonder une association « en prévision du rassemblement des collections taurines de la ville de Nîmes », avec comme objectif clairement affiché de créer un véritable musée taurin pour les accueillir. Emmené notamment par Claude Viallat et Fernand Mesté qui en devient le président, le projet voit définitivement le jour lors des assemblées du 10 mars et du 23 mai 1986.
La nouvelle association qui compte alors quatorze membres fondateurs, prend le nom d'Association des amis du musée Taurin de Nîmes. Dans un premier temps, c'est un espace d'expositions temporaires, sise boulevard Amiral Courbet, qui accueille, à partir de 1988, le Musée Taurin de Nîmes. Plusieurs expositions de grande qualité y sont organisées, dont celles consacrées, en 1990, à la présentation du volumineux fonds San Lucar que l'association venait d'acquérir, ou à « Albert Dubout - La Bande dessinée et la Tauromachie », en 1992. Le musée doit quitter les lieux en 1993 pour aller à la Galerie des Arènes. C'est à la fin des années 1990, que la décision est prise par la mairie, poussée par les membres du conseil d'administration de l'association, d'enfin installer de façon pérenne un musée taurin dans un lieu qui lui serait entièrement dévolu.
En 2002, le musée des cultures taurines était inauguré... et le nom de l'association se transformait en Association des amis du musée des cultures taurines. Depuis sa création, celle-ci n'a cessé d'enrichir ses collections et quatre personnes en ont occupé la présidence : Fernand Mesté (1986-1991), Emmanuel Durand (1992-1994), Françoise Kusel (1995-2008), Emmanuel Durand (2009-2011) et, depuis 2012, Michel Domergue.
Nîmes taurine, une ville au cœur d’une collection
Nîmes occupe une place à part au sein de la collection des amis du musée des cultures taurines tant il ne pouvait en être autrement pour une association nîmoise portée depuis sa création par un groupe d'aficionados qui avait à cœur de promouvoir le passé tauromachique de sa ville en rassemblant le plus de pièces possible ayant trait à son histoire. Les éléments collectes, sous forme de don ou d'achat, couvrent une période allant de la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours, le plus ancien d'entre eux étant cette très rare affiche grand format de la corrida du 8 mai 1898, avec au cartel les toreros Mazzantini et Reverte.
À travers les affiches, les photographies, les carnets d'afición, les billets de corrida, les objets ou encore les costumes de lumières, la série des livres d'or de la chapelle des arènes de Nîmes et autres curiosités que recèle ce fonds unique en son genre, c'est plus d'un siècle de ferveur taurine, notamment sublimée par le triomphe des plus grands maestros ou par celui des enfants du pays, Nimeño Il en étant la figure emblématique, que cette collection montre à voir ou à revivre.
La Nîmes taurine a aussi été le théâtre d'inspiration de nombreux peintres aficionados d'origine nîmoise ou nîmois d'adoption...
À commencer par Auguste Chabaud dont la collection possède cinq dessins de tauromachie espagnole croqués dans les arènes de Nîmes vers 1925. Elle comporte des peintures ou des croquis d'artistes plus contemporains comme
José Pirès, Michel Gilles, Eddie Pons ou Jean-Pierre Formica qui a peint sur trois grandes toiles les toreros nîmois Alain Montcouquiol, Simon Casas et Denis Loré. Une des ferias de Nîmes est même mise à l'honneur avec un ensemble d'esquisses préparatoires et de projets d'affiches réalisés par Alain Clément pour l'édition de 2005. La collection contient naturellement des « tauromachies » de Claude Viallat qui relèvent de son registre figuratif et non abstrait.
La donation
Une association d'amis de musée constitue un appui et un soutien pour une institution muséale. Le rôle de celle du musée des cultures taurines depuis près de 25 ans, pour accompagner la constitution du musée et l'enrichissement de ses collections, méritait un hommage appuyé en lien avec la donation exceptionnelle faite à la ville de Nîmes pour le musée en novembre 2023.
Par ce don, ce sont plus de 3 000 pièces dédiées à l'univers taurin et réparties dans différents domaines - Beaux-arts, textile, imprimés, objets, photographie, bibliophilie - qui viennent compléter le fonds du musée des cultures taurines - Henriette et Claude Viallat.
Fondée en 1986, l'association a œuvré à la création d'un musée de France spécialisé sur cette thématique. Depuis cette date, celle-ci n'a cessé de collecter et de réunir, notamment lors de ventes publiques, un ensemble de pièces choisies en tout point de vue remarquable, venant utilement enrichir et compléter les collections du musée et celles des autres dépôts.
À ce titre, la collection de l'Association des amis du musée des cultures taurines, par son ampleur et son extrême diversité, constitue un fonds précieux et irremplaçable pour le musée et sa politique de valorisation des cultures taurines. Cette collection, présentée régulièrement lors des expositions permanentes ou temporaires du musée méritait d'être mise à l'honneur en tant que telle.
Cet ensemble, hétéroclite au premier abord, recouvre des thématiques centrales pour l'évocation des cultures taurines. Nîmes, et la tauromachie espagnole sont un axe central de ce fonds, les collections liées aux traditions camarguaises, tout comme la valorisation d'ouvrages d'exception sont des domaines majeurs, développés dans l'exposition. Mais cette collection porte aussi sa part sensible, dévoilé dans la dernière salle de l'exposition sous la forme d'un cabinet d'objets, pouvant à certains égards rappeler les cabinets de curiosités et permettant d'embrasser la diversité de l'univers taurin.
Ainsi, le fonds des amis du musée des cultures taurines a visé tout au long de sa constitution à une collecte des différentes facettes de la tauromachie, de l'aficion des premières acquisitions a la collection plus méthodique visant aujourd'hui à compléter la collection permanente du musée des cultures taurines.
Écrire et illustrer la tauromachie
La collection des amis du musée des cultures taurines possède un fonds littéraire et documentaire relativement conséquent qui contient la plupart des classiques de la tauromachie espagnole, sous forme de livres ou de revues, et dans une moindre mesure ceux ayant trait à la course libre et aux traditions camarguaises.
En marge de cela, elle renferme quelques ouvrages de bibliophilie extrêmement rares, en tirages de tête ou avec une appartenance prestigieuse, illustrés par des artistes de renom ou bien truffés de dessins originaux.
C'est le cas avec l'édition de 1921 de L'esprit de la corrida de Léon Rivais dit Don Rivas assortie des vingt-sept dessins originaux à l'encre de Chine de Jean Palun ayant servi à illustrer l'ouvrage, ou encore avec l'exemplaire n°1 sur papier Japon de La vie et les travaux de Manuel Henriquez, Matador de Novillos de Marcel Carayon (1924).
Cette édition, en plus d'être assortie d'une suite de ses gravures sur papier de Chine, comporte les dessins originaux réalisés par le peintre Hermann-Paul, ainsi qu'une lettre autographe signée de ce dernier.
Cette collection possède également quelques manuscrits du plus grand intérêt pour l'histoire culturelle et littéraire de la tauromachie, à l'image de cette correspondance de Henry de Montherlant à Saint-Marc Jaffard, l'auteur de La levée des tridents (1921), autour de la parution du livre Les Bestiaires.
Elle se compose de quatorze lettres autographes signées, dont six cartes postales avec adresse, et s'étale de 1925 à 1929. On y mesure l'influence que les écrits et la personne du marquis de Baroncelli ont eu sur la rédaction de l’ouvrage ainsi que l'importance des liens que Montherlant a pu tisser avec ses amis aficionados du Midi : « les courses, et la Provence taurine, sont toujours bien proches de mon cœur. » Et lors de la parution du livre le 5 mai 1926, il écrit qu’il aurait « voulu que, en hommage au peuple méridional, à qui le livre est dédié, il parût une semaine plus tôt dans tout le Midi [...] pour l'ouverture de la saison tauromachique. »
Sujet unique, formes multiples
La collection des Amis témoigne de l'éclectisme de leur intérêt pour les tauromachies. Mise en scène, elle crée un dialogue entre un ensemble d'objets aux multiples supports et représentations, avec pour sujet commun les cultures taurines.
La diversité de la collection des Amis se manifeste dans les objets qui la composent : de la bouteille à l'effigie d'un torero aux figurines représentant un taureau, en passant par les médailles, les statuettes et les porte-manteaux aux motifs tauromachiques. D'autres typologies d'objets plus confidentiels et plus rares côtoient ces éléments sériels, à l'image des carreaux en céramique, datés de la fin du XIXe ou du tout début XXe siècle, qui illustrent les différentes phases d'une corrida ; ou bien de cette lanterne magique des années 1880, qui permettait le visionnage des plaques de verre, avec un système d'optique télescopique.
A côté de ces éléments disparates, divers textiles magnifient la collection acquise par les Amis du Musée. Celle-ci est constituée de costumes de lumières, de capes d'apparat et autres accessoires de costumes de torero. Un costume de lumières porté par le matador Sébastien Castella, une des dernières acquisitions des
Amis, ou ce costume de lumières, remarquable et unique dans les collections de ce type du fait de la matière utilisée (le velours), ou encore, cette cape de paseo, au motif religieux, ayant appartenu au torero Antonio Ordóñez, illustrent ces propos.
Au-delà des objets et des textiles, qu'accueille le fonds des Amis du Musée, des peintures, des dessins et des gravures illustrent les tauromachies. Les artistes représentés sont divers et variés. Certains sont de renommée internationale, comme le dessin au lavis d'Henri-Achille Zo figurant la poursuite d'un taureau, ou le pastel d'Edgard Tytgat montrant le salut d'un torero, ou encore l'huile de Luis Garcia-Campos représentant Manolete sur son lit de mort. En parallèle, des auteurs plus contemporains ont signé quelques œuvres de la collection, tels qu'Albert Dubout, Eddie Pons, ainsi que Claude Viallat, qui a magnifié et détourné une boîte à cigares en y figurant l'ombre d'un taureau, par exemple.
Toutes ces acquisitions ont enrichi au fil du temps le patrimoine taurin de la Ville. Elles apportent une certaine résonnance et une complémentarité aux collections du musée des cultures taurines.
Zoom sur…
Parmi les nombreuses pièces relatives à l'histoire taurine de la ville de Nîmes, plusieurs d'entre elles concernent la première génération de toreros nîmois qui ont porté haut les couleurs de l'afición française. Du fait de leur importance locale et de leur prestige qui a dépassé les frontières de l'hexagone, les frères Montcouquiol, Alain et Christian, alias Nimeño I et Nimeño II, y occupent bien évidemment une place particulière.
De la sastrería Santiago Pelayo, un costume de Nimeño II est à ne pas manquer. Quelques mois après son alternative il fait faire, pour les Vendanges 1977 un costume en satin, jersey, broderies au fil d'or, verroterie.
La collection possède plusieurs pièces de première importance à l'image du costume de lumières, dit à la grappe, porté par Nimeño Il poru cette feria des Vendanges 1977. Le costume est accompagné d'une montera ayant appartenu à Nimeño I. Avec les affiches, les photographies et autres éléments les concernant, cet ensemble vient compléter les collections du musée consacrées à ces deux toreros emblématiques.