UZÈS Voyage dans l’univers fantasque et onirique de Michel Cadière
Le Nîmois Michel Cadière expose en ce moment et jusqu’au 27 février à la médiathèque d’Uzès. L’occasion de découvrir l’univers de ce singulier artiste autodidacte.
Les dessins de Michel Cadière sont aussi riches que méticuleux. Au centre de la principale salle d’exposition de la médiathèque trône une frise de dix mètres de long, regroupant 54 dessins à l’encre de Chine, fourmillant de personnages. On peut y retrouver des références à Star-Trek, Marcel Duchamp ou Sigmund Freud dans le même dessin. « C’est un travail très bouillabaisse. On trouve un peu de tout : l’influence des livres dont j’ai hérité avec des gravures anciennes, des miniatures, de la BD », présente l’artiste, un grand escogriffe aux cheveux frisés.
La bande dessinée tient une grande place chez ce passionné, qui collectionne les Marvel « depuis plus de quarante ans », et qui voit aussi dans ses œuvres « du Lautréamont, du Lewis Carroll, des univers comme ceux-là. » On peut aussi y percevoir une grande influence des cartes à jouer, notamment de tarot, ou encore quelque chose qui fait penser à l’Asie dans ces dessins qui « prennent un certain temps » à réaliser, dit-il pudiquement.
On veut bien le croire, tant les dessins sont détaillés et soignés, signés d’un artiste qui reconnaît avoir « une idée un peu obsessionnelle du travail. » Une idée qu’il met au service de son monde intérieur qu’il a eu tout loisir d’explorer au cours d’une vie professionnelle passée en grande partie au contact des œuvres dans les différents musées de Nîmes (Carré d’art, Beaux-Arts, Vieux Nîmes) en tant que gardien. « J’étais derrière ma régie à vendre des tickets et quand il n’y avait personne, je dessinais », rejoue-t-il sobrement.
Il lui arrive de se faire engueuler à cause de ça, mais c’est plus fort que lui. Michel Cadière noircit des cahiers, ses « carnets nomades », de ses dessins. Des dessins qu’il veut poétiques, « avec une grille de lecture. Mais je veux que chaque personne puisse faire son interprétation, qu’il y ait un échange », précise-t-il. C’est indéniablement réussi.
L’homme fourmille d’histoires et d’anecdotes, comme celle du nom de l’exposition, « Alcide Chimère », venu d’un jour où, en librairie, il achète un peu par hasard, en tout cas sans préméditation, deux livres dont les titres comportaient ces deux mots. Et dans la nuit, « je me mets à rêver d’un bateleur en équilibre sur un mur qui fait apparaître un jeu de Scrabble, les lettres font apparaître ‘Alcide chimère’, puis se mélangent pour faire apparaître mon nom, raconte-t-il. J’avais construit mon anagramme. »
Pas un hasard si un rêve est à l’origine d’une œuvre onirique qui a séduit un éditeur de beaux-livres implanté à Gajan, les éditions Venus d’ailleurs. « Jamais je n'’aurais pensé que quelqu’un soit aussi fou que moi pour éditer mes dessins », plaisante l’artiste qui se demande, ironique peut-être, s’il ne présente pas « un syndrome de Peter-Pan. » Il fera plusieurs livres avec un éditeur « à la sensibilité plus encline au merveilleux, au surréalisme, à l’enchantement », explique Yoan Armand Gil, des éditions Venus d’Ailleurs.
Entre l’éditeur et l’artiste, c’est un véritable coup de foudre artistique. « Une symbiose », dit le deuxième, qui se rappelle avoir été « comme un gamin » quand il a découvert l’œuvre de Michel Cadière. Pour replonger en enfance, direction la médiathèque d’Uzès jusqu’au 27 février, dans le respect des mesures barrières bien entendu.
Thierry ALLARD