FAIT DU SOIR Orano Melox mise sur la formation interne pour "sacraliser et transmettre" son savoir-faire unique au monde
L’usine Orano Melox, à Marcoule, est unique au monde : c’est en effet le seul endroit ou, depuis bientôt trente ans, on fabrique du combustible Mox pour centrales nucléaires à partir de combustible usé, du plutonium enrichi. Un savoir-faire unique qu’il s’agit donc de transmettre.
C’est tout le sens de cette école des métiers, un campus des métiers du recyclage, qui a été inaugurée ce mardi matin sur le site nucléaire. Trois ans et 18,7 millions d’euros, dont 4,6 millions d’euros du plan France Relance dans le cadre du Contrat territoire d’industrie, ont été nécessaires pour aboutir à ce lancement, qui s’inscrit dans la politique globale de relance du nucléaire français décidée par le gouvernement. Dans un contexte où la décarbonation de l’économie « va entraîner, d’après les prévisions de RTE, une hausse de la consommation d’électricité de 20 à 30 % dans les prochaines années », note le directeur général d’Orano Nicolas Maes.
Dans ce cadre, la filière du nucléaire « va recruter 100 000 personnes dans les dix ans à venir », poursuit-il, autant de personnes qu’il faut former, en plus de la formation continue des salariés déjà en poste. Rien que pour Orano, « nous allons intégrer cette année 2 000 personnes en CDI », précise Hélène Derrien, DRH d’Orano. Les former donc notamment au traitement et recyclage, « dont la stratégie a été confirmée au-delà de 2040 » rappelle Nicolas Maes, ce qui signifie que les usines de la Hague et de Marcoule vont voir leur vie prolongée au-delà de cette échéance. Du reste, « plusieurs centaines de millions d’euros ont déjà été investis pour prolonger Melox, pour de la maintenance lourde, de la jouvence et de la redondance d’équipements », précise Corinne Spillios, directrice des activités recyclage d’Orano. Il faut dire que « le traitement et recyclage est un savoir-faire français dont il faut être fier », estime le patron d’Orano, avant de rappeler que « 10 % de l’énergie nucléaire française provient de Melox. »
Melox qui a vécu des heures compliquées ces dernières années, « avec un plus bas historique, 50 tonnes de production, en 2021 », rappelle son directeur Arnaud Capdepon. Or, pour relancer l’usine, « il fallait faire beaucoup de maintenance, pose-t-il. Et il fallait un an pour former un mainteneur, c’est comme ça que nous est venue l’idée de l’école : comment faire pour nous doter d’un outil permettant d’accélérer la formation ? » Et ça a marché, puisque depuis son démarrage il y a quelques mois, l’école des métiers a permis de faire tomber ce temps de formation de 12 à 4 mois. « Un game changer », comme le dit, avec un anglicisme, le directeur de l’usine, ravi de voir que « le redressement est bien parti, nous sommes arrivés à 80 tonnes l’année dernière, et nous allons chercher les 100 tonnes, et à terme les 125 tonnes, l’école s’inscrit dans ce plan de relance », s’enthousiasme Arnaud Capdepon.
Une école des métiers équipée de 15 maquettes, « à terme on en vise 40 », précise le directeur. Parmi ces maquettes, la plus grande est une machine de dosage secondaire, à l’échelle 1, de plusieurs mètres de haut, réalisée en partie par l’entreprise Sematec, basée à Laudun-l’Ardoise. « C’est une machine unique dans l’usine, qui se situe dans une partie très dosante (en radioactivité, ndlr), donc cette maquette permet de gagner du temps et de moins prendre de dosimétrie », explique Loïc Valmalle, chargé d’affaires de l’école des métiers. Cette maquette, qui prend trois niveaux tout de même, est la seule à taille réelle de l’établissement, et est doublée d’une solution en réalité augmentée permettant de mieux comprendre son fonctionnement.
« Cette école a su allier le virtuel avec le réel », souligne Corinne Spilios. Outre la maquette précitée, d’autres modules de la formation sont aussi accompagnés d’une partie virtuelle. D’autres parties sont bien réelles, comme celle qui concerne la manipulation en boîte à gants, une partie importante des métiers de l’usine, qui en compte pas moins de 250. Autant de formations dispensées par des formateurs maison, certifiés « par des parcours internes », précise Arnaud Capdepon. Il faut dire que « notre métier est unique, il est fondamental de le sacraliser et de le transmettre », rajoute-il, espérant que « cette école stimulera le tissu éducatif local et régional. »